Fyctia
Chapitre 8 (2/2)
Chapitre 8 - Le premier bug visible
Il scruta les alentours, détaillant chaque recoin, chaque reflet dans les vitres, traquant le moindre indice trahissant une anomalie, une faille, une modification imperceptible dans la structure.
Rien d’inhabituel.
Pas de voitures banalisées tapis dans l’ombre.
Pas de vigiles postés en faction, dissimulés dans un angle mort de la rue.
Pas de présence suspecte, pas de silhouette immobile dissimulée derrière une fenêtre, épiante, surveillant ses moindres faits et gestes.
Juste l’immeuble.
Là.
Immobile.
Silencieux.
Tel un spectateur impassible, témoin muet de ce qui s’était joué entre ses murs, prisonnier de son propre silence.
Il ravala un goût de fer.
Il força son corps à bouger.
Un pas. Puis un autre.
Son pas résonna légèrement sur le trottoir mouillé, produisant une vibration ténue, étouffée par l’humidité ambiante. Il sentit l’air s’épaissir autour de lui, chaque mouvement était plus pesant, plus lourd.
Puis, une ombre.
Une silhouette fugace, une masse mouvante qui glissa furtivement sur la façade d’un immeuble voisin.
Un reflet ?
Un nuage qui passait devant le soleil ?
Ou autre chose ?
Il aurait dû s’arrêter. Observer. Analyser. Mais il n’en fit rien.
Il n’y prêta pas attention.
Ou plutôt, il choisit de ne pas y prêter attention.
Il refusa de laisser la paranoïa l’envahir. Pas maintenant, alors qu’il touchait au but.
Une fois devant la porte, ses doigts se tendirent machinalement vers la poignée.
Mais quelque chose le retint.
Un infime sursaut.
À peine une fraction de seconde. Une hésitation presque imperceptible.
Mais elle fut réelle.
Il franchit le seuil.
L’intérieur baignait dans une pénombre partielle. Rien n’avait changé… et pourtant, tout semblait différent. Une impression indéfinissable flottait dans l’air, une dissonance imperceptible entre ce qu’il savait et ce qu’il voyait. Le silence était total, d’une lourdeur oppressante, presque palpable, le temps lui-même s’était arrêté entre ces murs.
La lumière extérieur filtrait à travers les stores entrouverts, découpant la pièce en strates d’ombre, traçant sur les murs nus des silhouettes mouvantes, distordues. Les contours des objets paraissaient flous, légèrement décalés, tel un décor bloqué dans une toile d’illusions.
Il inspira profondément, une odeur persistante de renfermé, mêlée à celle de whisky éventé, un mélange écœurant, sucré et âcre à la fois, chargé de souvenirs invisibles. Cette odeur lui collait à la peau, s’infiltrait dans ses pensées, elle portait en elle le poids d’un secret enfoui.
Son corps tout entier était en alerte, mais son esprit peinait encore à comprendre pourquoi.
Il avança prudemment, son pas amorti par le tapis épais. Chaque mouvement était mesuré, chaque souffle retenu, chaque battement de cœur résonnait trop fort dans la cage de sa poitrine.
Il balaya la pièce du regard. Ses yeux fouillèrent tous les recoins, toutes les surfaces, tous les objets, en quête du moindre signe, du moindre indice. Tout semblait identique…
Ses narines frémirent imperceptiblement. Il connaissait cette sensation. Ce pincement dans les entrailles. Cette impression viscérale d’être observé.
Puis… un bruit.
Un grincement.
À peine perceptible.
Son corps se tendit instantanément. Son instinct réagit avant même que son esprit n’analyse la situation.
Quelqu’un était là.
Tout son être se figea dans une concentration extrême. Chaque fibre de son corps se contracta, chaque nerf s’embrasa, chaque battement de son cœur devint une pulsation sourde qui résonnait dans son crâne.
Il se retourna vivement, cherchant l’origine du son, scrutant les ombres mouvantes qui s’étiraient sur le mur.
Son souffle suspendu.
Son pouls, une onde martelante contre ses tempes.
Une silhouette.
Furtive. Évanescente.
Un mouvement, rapide, dans l’encadrement de la porte.
Il n’était pas seul.
Sans réfléchir, sans laisser le temps à sa peur de s’ancrer en lui, il se lança à sa poursuite.
Le parquet grinça sous ses pas alors qu’il traversait l’appartement à toute vitesse. L’espace entre les murs se réduisait, l’air semblait vibrer autour de lui, déformé par la précipitation.
Il entendait son propre souffle, court, rapide, enragé.
La silhouette disparut dans l’escalier.
Il bondit à sa suite.
Les marches résonnaient sous son poids, chaque pas claquait, telle une note dissonante, un battement désaccordé dans une symphonie d’urgence. Il ne voyait plus rien d’autre que cet inconnu fuyant, cette énigme vivante qui venait de lui glisser entre les doigts.
Une ruelle.
Il l’aperçut.
Un instant.
Une ombre fugace, qui se faufilait entre deux bâtiments.
Il accéléra.
Ne plus penser.
Juste courir.
Le souffle court.
Les muscles tendus.
L’adrénaline pulsant dans ses veines.
Chaque pas résonnait dans l’espace réduit de la ville.
Il ne voyait plus que cette silhouette.
Cette silhouette qui le narguait.
Qui était-ce ?
Pourquoi était-elle là ?
Que savait-elle ?
Il esquiva un obstacle invisible, contourna un lampadaire, évita une flaque, sentant ses semelles glisser légèrement sous l’effet de l’humidité.
Puis il tourna.
Une ruelle.
Un virage.
L’air devint plus lourd.
Un vertige.
Une sensation d’absence.
Il cligna des yeux… et le monde n’était plus le même.
Un coup sourd dans le crâne.
Une douleur diffuse à la tempe.
Il s’immobilisa.
Son souffle suspendu.
La ruelle… différente.
Les murs lui semblaient un peu trop hauts. Ou un peu trop étroits.
Elle était plongée dans une luminosité plus dense.
Plus lourde.
Presque surnaturelle.
Pas un bruit.
Pas un souffle de vent.
Juste un silence écrasant.
Un vide anormal.
Comme si le monde entier s’était tu en une fraction de seconde.
Son cœur battait la chamade.
Cognant violemment contre sa cage thoracique.
Il chercha un repère.
Mais tout était… figé.
Un décor mis en pause.
Il n’y avait rien.
Juste du néant.
Puis… le doute.
Le fuyard.
Où était-il ?
Pourquoi avait-il disparu comme s’il n’avait jamais existé ?
Pourquoi avait-il l’impression qu’il manquait un morceau du puzzle ?
Son regard glissa lentement vers son téléphone.
Une ancre de réalité.
Un repère.
L’écran s’alluma.
L’heure s’afficha: 14h12.
Ce n’était pas une erreur.
Du temps venait de lui être volé.
Comment ?
Il resta figé.
Immobile.
Son souffle court.
Son esprit tentant désespérément de comprendre ce qui venait de se produire.
Puis…
Une certitude.
Froide.
Brutale.
Une évidence douloureuse.
Elle s’imposa à lui.
Sans qu’il puisse l’arrêter.
Il murmura.
Presque sans s’en rendre compte.
Comme si les mots lui échappaient.
Comme si quelqu’un d’autre les lui soufflait.
— Faut que je parle à Renard…
1 commentaire
NohGoa
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Il y a 14 jours