David.J FRACTURE Chapitre 7

Chapitre 7

Chapitre 7 - Les dossiers effacés (1/2)


Etienne expira lentement, essayant de chasser la panique qui se resserrait autour de lui comme une étreinte glaciale. Il devait garder son calme, rationaliser. Peut-être était-il simplement épuisé ? Son cerveau pouvait lui jouer des tours, brouiller ses souvenirs, surtout après ces semaines harassantes d’enquête, ces nuits trop courtes et ces journées sans fin passées à traquer des ombres.

Il frotta ses tempes dans l’espoir de dissiper ce voile d’incompréhension.

Il devait en avoir le cœur net. Vérifier que cette nuit n’était pas une hallucination.

La seule preuve tangible se trouvait dans la base de donnée des crimes.

Si un meurtre a bien eu lieu dans la nuit, les informations ont déjà été transmises aux enquêteurs en charge, accessibles dans l’heure.

D’un geste automatique, il ouvrit son ordinateur portable et tapa le nom de la troisième victime dans la base de données criminelles. Ses doigts tremblaient légèrement. L’écran chargea une fraction de seconde, puis…Aucun résultat.

Il plissa les yeux. Vérifia l’orthographe. Recommença. Une fois, deux fois, trois fois.

Toujours rien.

Il fronça les sourcils.

Non… ce n’était pas possible. Il avait vu le corps. Il avait vu la scène de crime.

Il élargit la recherche. Date. Adresse. Mode opératoire. Même le quartier. Rien. Juste du vide. Comme si la nuit dernière n’avait jamais existé.

Son estomac se contracta. Une sueur froide perla dans son dos.

— Putain… murmura-t-il.

Ce n’était pas une erreur.

Ce n’était pas un bug.

Il savait ce qu’il avait vu.

Il avait passé plus d’une heure dans cet appartement, à détailler chaque recoin, chaque indice. Il pouvait encore sentir l’odeur de renfermé, la moquette usée sous ses semelles, l’écho du silence pesant dans cette pièce où un homme sans vie était allongé. Il revoyait le verre posé sur la table, la lumière tamisée, la marque sous le sternum.

Mais selon la base de données… ce crime n’avait jamais existé.

Il leva brusquement les yeux et balaya la pièce du regard.

David.

Son collègue était assis à quelques mètres, absorbé dans un rapport, l’air concentré. L’éclat de l’écran reflétait son visage impassible.

Une hésitation, une seconde de flottement.

Puis Étienne se leva, son siège raclant bruyamment le sol. Il avança d’un pas déterminé vers lui.

— David.

Le lieutenant releva la tête, l’air légèrement agacé.

— Quoi ?

— T’as accès aux dossiers criminels sur ton poste ?

David haussa un sourcil.

— Bien sûr. Pourquoi ?

— Vérifie un truc pour moi. Tape “Marc Delattre”.

David ne posa pas de question et obtempéra. Ses doigts coururent sur le clavier. Quelques secondes s’écoulèrent dans un silence pesant, puis il secoua la tête.

— Rien. T’es sûr du nom ?

La tension monta d’un cran.

— Putain, bien sûr que je suis sûr ! lâcha Étienne, sa voix vibrante d’un mélange de colère et d’incompréhension.

David se redressa, l’observant cette fois avec plus d’attention.

— Étienne, tu cherches quoi ?

— Le crime de cette nuit, bordel !

David le fixa, et son expression changea imperceptiblement. Quelque chose se ferma dans son regard.

— Quelle scène de crime ?

— Il n’y a eu aucun meurtre ce soir, Étienne.

Les mots tombèrent, brutaux.

— Arrête…

— Tu veux que je te montre la liste des interventions ?

David tapota quelques touches et pivota l’écran vers lui.

Aucune mention d’un appel.

Aucune trace d’un déplacement.

Rien.

Le bureau tangua. Léger, imperceptible. Un monde mal ancré.

Il cligna des yeux. Les lettres sur l’écran semblaient onduler légèrement. Son propre souffle lui parut étranger, décalé. L’air pesait sur ses épaules, dense, poisseux, irrespirable.

— Ce n’est pas possible…

Il ferma les yeux, inspira profondément, tenta de se raccrocher à quelque chose.

Mais tout lui échappait.

— Écoute, t’as peut-être besoin de souffler un peu, suggéra David d’un ton plus posé.

Non.

Ce n’était pas du stress.

Ce n’était pas une erreur de mémoire.

Quelque chose effaçait les preuves.

Quelque chose les faisait disparaître.

Ses doigts se contractèrent en poings, ses ongles s’enfonçant dans sa paume.

Il y avait un cadavre.

Il y avait un meurtre.

Alors pourquoi plus rien n’existait ?

Une seule idée lui vint à l’esprit.

Il devait parler à son chef.

Ses doigts effleurèrent la poignée du bureau. Il hésita.

Un bref instant, il se demanda s’il n’allait pas simplement faire demi-tour.

Fuir.

Faire semblant que tout ça n’existait pas.

Mais une part de lui, un instinct primitif, lui soufflait qu’il était déjà trop tard.

Alors, il poussa la porte.

Le bureau du commissaire Dupraz était baigné d’une lumière crue, filtrée à travers les stores mi-clos qui rayaient les murs de fines lignes lumineuses. Le soleil frappait la vitre, projetant une lueur blanche et tranchante sur les piles de dossiers soigneusement empilés. Malgré la clarté, une lourdeur persistait dans l’air, renforcée par l’odeur mêlée du papier vieilli et du café froid abandonné sur un coin du bureau.

La chaleur stagnante de la pièce rendait l’atmosphère étouffante, l’air ne circulait plus. Quelques particules de poussière dansaient lentement dans les rayons du soleil, flottant entre les meubles sombres et le cuir usé des fauteuils.

Le tic-tac d’une horloge murale, discret mais régulier, rythmait le silence pesant.

9h09.


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1 commentaire

NohGoa

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Il y a 20 jours

SamediLike ;D
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