David.J FRACTURE Chapitre 4 (1/2)

Chapitre 4 (1/2)

Chapitre 4 – Le groupe de soutien


L’air nocturne était dense, imprégné d’une moiteur persistante lorsque Étienne et David descendirent de la voiture. L’odeur du bitume tiède flottait dans l’air, mêlée à celle des feuilles en décomposition. L’humidité accrochait chaque surface, alourdissant l’atmosphère oppressante. Le sol, poisseux, avalait les rares lueurs de la rue, sombre et opaque comme un gouffre.

Ils restèrent un instant silencieux, observant l’entrée du bâtiment.

Un bâtiment sans âme. Mur ternes. Une enseigne effacée. Oublié.

David inspira profondément, visiblement tendu.

— Ça pue le traquenard, souffla-t-il, les mains enfoncées dans les poches de sa veste.

Étienne hocha la tête.

Devant eux, la porte vitrée du centre de soutien psychologique oscillait légèrement sous l’effet du vent, grinçant à peine, comme un murmure incertain.

Renard était à l’intérieur.

David jeta un regard autour de lui, son instinct de flic en alerte.

— Tu trouves pas que c’est trop calme ?

Étienne acquiesça. Pas de mouvement derrière les fenêtres, pas de bruits, juste une étrange sensation d’abandon.

— On entre ?

David scruta une dernière fois les alentours.

— Discrètement, oui.

Ils poussèrent lentement la porte.

L’intérieur était plus vaste qu’ils ne l’avaient imaginé. Un grand hall, plongé dans une semi-pénombre, avec une odeur de renfermé qui stagnait dans l’air.

Plus loin, la salle principale.

Des chaises usées. Trop alignées.

Quelques silhouettes assises, dans l’ombre.

Un tableau blanc effacé à la hâte, où quelques mots résistaient encore à la friction du chiffon.

Une lumière crue. Des ombres tordues, vibrantes, étirées sur les murs gris.

Tout était… oppressant. Comme si ce lieu n’était pas destiné à être fréquenté trop longtemps.

David plissa les yeux en détaillant la pièce.

— Y a un truc qui cloche…

Il effleura du bout des doigts une des chaises vides et grimaça.

— C’est quoi, cette poussière ?

Étienne observa lui aussi. Effectivement, certaines chaises semblaient ne pas avoir été déplacées depuis longtemps, comme si les séances ne se déroulaient pas ici… Ou plus.

Pourtant, ils étaient là, assis, comme des ombres figées dans un lieu qui ne semblait plus les accueillir.

Des visages creusés, marqués par la fatigue et l’angoisse.

Un homme dans la trentaine triturait nerveusement un mouchoir en papier, le réduisant en lambeaux sous l’effet d’un tic compulsif.

Une femme jetait des regards furtifs vers une porte, ses doigts crispés sur l’accoudoir de sa chaise comme si elle s’apprêtait à fuir à tout instant.

Un autre, plus âgé, restait immobile, les yeux rivés sur le sol, le regard vide, absent.

Un silence pesant.

Puis, la porte s’ouvrit.

Victor Renard entra.

Le silence s’abattit immédiatement.

Comme si une ombre invisible venait de glisser sur la pièce.

David se raidit instinctivement.

Renard s’avança lentement, mesurant ses pas. Sa silhouette, droite, impeccable, projetait une ombre longue derrière lui, accentuant son allure spectrale.

Il s’arrêta et balaya la salle d’un regard calme.

Un regard… calculé.

Quand il croisa celui d’Étienne, ce dernier perçut quelque chose d’étrange. Un imperceptible mouvement de paupières. Un millième de seconde où Renard avait eu l’air de reconnaître quelque chose… ou quelqu’un.

— Bonsoir à tous, dit-il d’une voix posée. Nous avons des invités ce soir.

Ses yeux s’attardèrent sur Étienne et David.

Un regard qui ne contenait ni surprise, ni curiosité.

Juste… une reconnaissance glaciale.

— Inspecteurs Larue et Morel.

David croisa les bras, adossé au mur, les traits fermés.

— Ne vous occupez pas de nous, on est juste là pour observer.

Renard esquissa un sourire poli.

Mais Étienne vit autre chose. Un infime frémissement à la commissure de ses lèvres. Une fraction de seconde où son masque s’était fissuré.

Puis il s’installa.

— Commençons.

Personne ne bougea immédiatement.

Comme si chacun attendait que quelqu’un d’autre parle en premier.

Un homme se racla la gorge.

Une femme croisa les bras sur sa poitrine, ses doigts crispés sur le tissu de sa manche.

Puis, lentement, les témoignages commencèrent à fuser.

D’abord hésitants. Murmurés. Comme si dire ces choses à voix haute leur donnait trop de réalité.

Des insomnies chroniques.

Des crises de panique.

Des terreurs nocturnes.

Puis, un détail qui revenait. Encore et encore.

Cette sensation persistante.

Celle d’être observé.

Un murmure… fragile. Comme une pensée qui aurait fui malgré elle.

— Ça ne part jamais…

Étienne tourna légèrement la tête.

L’homme qui venait de parler tremblait. Son visage était creusé, marqué par un épuisement profond.

Il releva des yeux fiévreux, injectés de sang, ses doigts crispés sur l’accoudoir du fauteuil comme s’il cherchait un ancrage.

— Ça regarde…

Sa voix s’étrangla sur la dernière syllabe.

Un silence trop long.

Trop plein.

D’une attente.

David échangea un regard avec Étienne, plus tendu qu’il n’aurait voulu.

Il ouvrit la bouche, hésita une fraction de seconde, puis demanda d’une voix maîtrisée :

— Vous parlez de quoi, exactement ?

L’homme ne répondit pas immédiatement.

Son regard flottait dans le vide, fixé sur un point invisible.


Tu as aimé ce chapitre ?

0

0 commentaire

Vous êtes hors connexion. Certaines actions sont désactivées.

Cookies

Nous utilisons des cookies d’origine et des cookies tiers. Ces cookies sont destinés à vous offrir une navigation optimisée sur ce site web et de nous donner un aperçu de son utilisation, en vue de l’amélioration des services que nous offrons. En poursuivant votre navigation, nous considérons que vous acceptez l’usage des cookies.