Fyctia
Chapitre 3 (4/4)
Chapitre 3 – Une piste inquiétante
Étienne ne cilla pas, mais une gêne insidieuse s’infiltrait en lui. Quelque chose dans la posture de Renard, dans son rythme trop contrôlé, lui donnait l’impression qu’il était lui-même un sujet d’analyse.
Le ton. Trop neutre. Trop maîtrisé. Comme une note jouée sans intention.
Un sourcil imperceptiblement levé, Étienne posa la question sans détour :
— Ils vous ont parlé de quelque chose d’inhabituel récemment ?
Un infime silence.
Puis un sourire. Léger. Poli.
Un sourire qui n’avait rien à faire ici.
— Tous mes patients ont des angoisses, inspecteur. Mais rien d’anormal.
David échangea un regard rapide avec Étienne, avant de secouer imperceptiblement la tête.
— Rien du tout ? insista-t-il, sa voix plus sèche.
Renard baissa légèrement le menton, comme s’il jaugeait jusqu’où il pouvait jouer avec eux.
Puis il lâcha, posément :
— Inspecteurs, vous me posez les mauvaises questions.
Un frisson glacé traversa Étienne.
Il sentit son cœur accélérer. Un poids invisible s’accrocha à son sternum.
La pièce semblait rétrécir.
Il s’humidifia les lèvres, gardant son regard rivé sur Renard.
— Alors donnez-moi les bonnes.
Un silence.
Un silence qui dura une seconde de trop.
Puis, lentement, Renard se pencha en avant.
Son regard se planta droit dans celui d’Étienne. Profond. Insondable. Oppressant.
Sa voix baissa d’un ton.
— Avez-vous déjà eu l’impression d’être observé, inspecteur Larue ?
L’air parut s’épaissir.
L’espace autour de lui sembla se comprimer.
Quelque chose n’allait pas.
Étienne retint son souffle.
Il ne répondit pas immédiatement. Un battement de cœur plus fort que les autres cogna contre ses côtes.
David croisa les bras, se redressant légèrement.
— Si vous avez quelque chose d’utile à nous dire, Dr Renard, c’est le moment.
Le psychiatre eut un sourire imperceptible.
Un rictus à peine esquissé.
Mais suffisant pour déclencher un malaise.
Un sourire qui n’était ni amical, ni sincère. Juste… inapproprié.
— Je vous le dirai quand vous serez prêt à entendre la réponse.
Un silence suspendu.
Renard s’éloigna légèrement, décroisant lentement ses mains. Puis il se leva avec une aisance calculée.
— Si vous avez fini, j’ai des patients à voir.
Fin de la discussion.
Étienne échangea un regard avec David.
Ils n’avaient rien obtenu. Rien de concret.
Mais une certitude s’imposa à l’enquêteur.
Cet homme savait quelque chose.
Et il jouait avec eux.
Un silence pesant s’installa lorsqu’ils quittèrent le bureau. Étienne sentit la tension accumulée s’alourdir sur ses épaules alors qu’ils traversaient le couloir désert. Leurs pas résonnaient sur le sol carrelé, étouffés par l’atmosphère étrange du lieu.
Les murs, peints dans un blanc clinique, semblaient pourtant trop propres, trop lisses, comme s’ils n’avaient jamais vu passer de véritables patients. Ici, pas de bruits de conversations, pas d’agitation habituelle d’un centre médical. Juste un calme artificiel, une absence troublante qui mettait les nerfs à vif.
David s’arrêta un instant devant une porte entrouverte, laissant échapper un regard à l’intérieur d’un bureau vide. Les volets étaient à demi-fermés, plongeant la pièce dans une pénombre froide. Une horloge accrochée au mur marquait 19h05, mais le tic-tac ne produisait aucun son.
— Cet endroit me file la chair de poule, murmura-t-il en refermant doucement la porte.
Ils continuèrent leur progression jusqu’au hall d’entrée, croisant la réceptionniste qui leur adressa un sourire poli, trop distant, avant de replonger dans son écran. Une sensation de malaise persistait, s’insinuant sous la peau, intangible mais bien réelle.
Lorsqu’ils franchirent enfin les portes vitrées, l’air extérieur leur sembla presque irrespirable après la lourdeur clinique de l’intérieur. Étienne jeta un dernier regard vers le bâtiment.
Une silhouette austère, avalée par l’ombre, inerte comme une entité figée.
Aucune lumière aux fenêtres.
Aucun mouvement derrière les rideaux.
Comme si personne n’avait jamais habité cet endroit.
Et pourtant…
Il plissa les yeux, cherchant l’origine de cette sensation diffuse.
Renard.
Un mauvais pressentiment s’insinua en lui, aussi glacé que la nuit tombante.
David soupira et posa les mains sur le volant.
— Ce type est flippant.
— Il joue avec nous, répliqua Étienne, crispé.
David s’apprêtait à démarrer lorsque l’entrée latérale de la clinique s’ouvrit discrètement.
— Attends… regarde !
Une ombre sortit, avançant d’un pas lent mais assuré.
Victor Renard.
Toujours impeccable dans son manteau sombre, il s’arrêta un instant, scrutant la rue, comme s’il s’assurait de ne pas être suivi.
Puis, sans un regard en arrière, il se dirigea vers un taxi stationné à quelques mètres.
— Il quitte la clinique ? s’étonna David.
— Il nous a pourtant dit qu’il avait d’autres patients ce soir…
Un silence.
— On le suit.
David alluma les phares et laissa le taxi prendre un peu d’avance avant de démarrer.
L’air nocturne était épais, chargé d’une bruine fine.
La ville, en apparence endormie, semblait s’étirer lentement sous les réverbères jaunis.
Le taxi s’enfonçait dans des ruelles plus anciennes, où l’asphalte craquelé semblait murmurer sous les pneus.
Après plusieurs virages, il s’arrêta devant un bâtiment discret, presque anonyme.
Une porte vitrée. Une enseigne défraîchie, rongée par le temps.
Centre de soutien et réhabilitation psychologique.
David plissa les yeux.
— Attends… c’est pas…
Il s’interrompit en voyant Renard descendre du taxi et pousser la porte.
Étienne serra la mâchoire.
— C’est là qu’allaient Lambert et Giraud.
Un silence s’étira.
Puis David coupa le moteur.
— On entre ?
Étienne hocha lentement la tête.
— On entre.
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Il y a un mois