Fyctia
Chapitre 1 (1/2)
Chapitre 1 – Une enquête ordinaire (1/2)
La pluie martelait le bitume, effaçant les derniers vestiges du jour. Des filets d’eau gonflaient les flaques avant de disparaître dans les égouts. Chaque goutte résonnait sur les carrosseries immobiles, accompagnée des échos lointains de la ville endormie.
Les gyrophares lacéraient la nuit, projetant des éclats rouges et bleus sur les façades défraîchies. Sur la chaussée détrempée, les ombres se tordaient et se rétractaient au gré des reflets, insaisissables. L’air, saturé d’humidité, portait une odeur métallique mêlée au bitume tiède. Une bourrasque souleva une bruine glaciale, s’accrochant aux vêtements, glissant sous la peau.
Étienne Larue coupa le moteur. L’habitacle bascula dans un silence compact, uniquement troublé par la pluie sur le toit. Il resta un instant immobile, les doigts crispés sur le volant. Son pare-brise embué laissait entrevoir des silhouettes mouvantes, découpées par les reflets des gyrophares. Les éclats lumineux dansaient sur son visage fatigué, lui donnant l’apparence d’un spectre figé hors du temps.
Il inspira profondément, mais l’air était lourd, chargé d’une tension sourde. L’odeur du cuir et du tabac froid collé à son manteau lui rappela que son dernier café remontait à des heures. L’espace d’un instant, il songea à rester là, dans cette bulle tiède, loin de ce qui l’attendait derrière la bande jaune.
Puis, d’un geste lent, il attrapa le col de son manteau et le releva. Il ouvrit la portière et fut aussitôt frappé par l’averse. Le vent s’engouffra sous son manteau, glissa le long de sa nuque comme une main invisible. Il ferma brièvement les yeux, rassembla ses pensées et s’avança vers la scène de crime.
— Inspecteur Larue, par ici !
La voix perça le tumulte de la pluie. Derrière la bande de sécurité, un jeune agent en uniforme se tenait droit, sa silhouette légèrement voûtée sous l’effet de l’humidité. Il leva une main gantée pour attirer son attention.
Étienne détourna son regard de la façade décrépite du vieil immeuble et fixa l’agent. Son expression parlait d’elle-même. Ce meurtre avait quelque chose d’anormal.
D’un pas mesuré, il s’approcha en évitant les flaques, sentant l’eau s’infiltrer insidieusement à travers ses chaussures. La façade du bâtiment se découpait sous les flashs des gyrophares, projetant des ombres tremblotantes sur ses murs lézardés. Il avait l’air abandonné, figé dans le temps. Mais ce soir, tout avait changé. Ce lieu insignifiant était devenu un point de convergence.
— Qui a découvert le corps ?
L’agent consulta rapidement son carnet.
— Une voisine. Elle a entendu une chute. Pas de bruit après. Elle a cru à un meuble renversé, mais quand personne n’a répondu, elle a appelé la police.
— Et ensuite ?
L’agent haussa les épaules.
— Aucune réponse. Elle a insisté, tendu l’oreille, mais tout était calme. Finalement, inquiète, elle a appelé la police. Quand on est arrivés, la porte était verrouillée de l’intérieur. On a dû la forcer.
Étienne hocha la tête et franchit le cordon de sécurité.
Dès qu’il pénétra dans le hall, une odeur âcre l’assaillit. Moisissure, poussière, humidité incrustée dans les murs. L’air semblait épais, stagnant. Une goutte suinta du plafond lépreux et s’écrasa sur le carrelage. Le son claqua dans le silence pesant.
Il gravit lentement l’escalier. Chaque marche grinça sous son poids. Le néon du couloir clignotait, projetant des ombres mouvantes sur les murs fissurés. L’atmosphère changeait imperceptiblement. À chaque palier, l’air s’alourdissait, chargé d’une présence diffuse, indéfinissable.
Il atteignit enfin le troisième étage. La porte de l’appartement était entrouverte, la serrure brisée. L’encadrement portait encore les traces fraîches du forçage. Plusieurs agents s’affairaient autour de l’entrée. Un technicien, accroupi près du chambranle, relevait méticuleusement des empreintes. Son front perlait d’une fine sueur, malgré l’air glacial de l’étage.
Étienne inspira profondément et s’avança vers la porte entrouverte. Une impression désagréable s’insinua en lui, une sensation sourde, viscérale.
— Un cambriolage qui tourne mal ? suggéra-t-il.
Debout près de l’entrée, un homme en costume sombre observait la scène avec un calme apparent. Son vêtement impeccablement ajusté contrastait avec l’humidité ambiante. Il leva un sourcil, esquissa un sourire en coin. Un tic qu’Étienne connaissait bien.
— Trop facile, répondit David Morel, son coéquipier depuis plus d’une décennie.
Sa voix portait une pointe d’ironie, mais ses yeux restaient froids, méthodiques. Il était comme ça, David. Cynique, parfois désinvolte, mais d’une acuité implacable.
Étienne pénétra dans l’appartement exigu, son regard balayant chaque recoin avec minutie. Tout semblait parfaitement en place. Aucun meuble renversé, aucun tiroir fouillé. Pas le moindre signe de lutte. Pourtant, quelque chose clochait. Il le sentait.
Un silence trop lourd. La pièce n’attendait pas, elle écoutait, figée dans une tension invisible. Une pression familière lui serra la nuque, le forçant à ralentir, comme si un regard pesait sur lui.
Puis, il vit le corps.
4 commentaires
Alsid Kaluende
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Il y a 13 jours
StevenLT
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Il y a un mois
Ava D.SKY
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Il y a un mois
Océane Ginot
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Il y a un mois