Fyctia

— Je…

Sans que je m’y attende, le point de mon meilleur ami rencontre la pommette de mon ex. Quand le premier crie de douleur, le second crie de stupeur.

— Enfoiré. Est-ce que tu sais dans quel état elle était après ton départ ?

— Je…

— Est-ce qu’au moins, tu sais dire autre chose que « je » ?

— Je… suis désolé. Je ne pensais pas que mon départ te ferait autant de mal.

— Bien sûr que si abruti. Vous avez passé trois années de vos vies non-stop ensemble et tu es parti du jour au lendemain. Comment crois-tu qu’elle allait réagir ?

— Lucas, l’interpellé-je, calme-toi s’il te plaît.

Il se tourne vers moi, bouche bée et me lance :

— Que je me calme, tu es sérieuse ? Te souviens-tu comment tu étais quand il est parti ? J’ai dû te ramasser à la petite cuillère. Tu as déprimé pendant des semaines jusqu’à apprendre…

Je lui envoie un regard assez noir pour qu’il comprenne de la fermer avant de trop en dire. Il capte de suite et se détourne.

— Je ne pense pas que ce soit une bonne idée que tu restes ici. Tu lui as fait beaucoup trop de mal.

— Je ne pense pas que ce soit à toi d’en juger Lucas. Je pense que Cassie est assez grande pour prendre ses décisions toute seule. Et puis, nous sommes des adultes maintenant.

— Je crois qu’il a raison, je ne pense pas que rester dans la même maison durant deux semaines soit une bonne idée.

— Alors je vous arrête tout de suite. Ces vacances, ma fille et moi les attendons depuis longtemps. Nous avons participé comme vous aux frais de location et je compte bien en profiter. Libre à vous de faire des histoires, mais je ne pense pas qu’il soit sage de gâcher les vacances de tout le monde pour une histoire qui remonte à plus de huit ans.

Ces mots me blessent plus que je ne le voudrais, mais il n’a pas tort, ce serait dommage de gâcher les vacances de tous. Je prends une grande inspiration pour répondre aux deux hommes devant moi.

— Je suis d’accord, faisons en sorte que ces quinze jours se passent le mieux possible, surtout pour les filles et après, chacun pourra retourner chez soi.

Mon meilleur ami me lance un regard qui veut clairement dire qu’il n’est pas d’accord, mais le mien lui fait comprendre que je ne lui laisse pas le choix. Pour Lucie. C’est à ce moment que Dom revient.

— Les filles sont bien installées. Elles sont hyper contentes l’une comme l’autre de ne pas être seules avec des adultes. Lucie a déjà partagé avec Sarah tous les plans qu’elle avait prévus pour les vacances. Qu’est-ce que j’ai loupé ?

— Pas grand-chose, lui répond Gabriel.

— Ok… mais encore, je sens une certaine tension depuis notre arrivée.

— Est-ce qu’une fois, tu m’as dit le prénom de ton collègue depuis que tu m’as demandé s’il pouvait s’incruster ?

— Euh non, je ne crois pas pourquoi, c’est quoi le problème ? Si personne ne veut me répondre, je ne peux pas comprendre.

Prenant sur moi, je lui déballe tout.

— Est-ce que Lucas t’a un peu parlé de notre rencontre et de notre histoire ?

— Oui, dans les grandes lignes. Je ne sais pas trop où tu veux en venir.

— Tu dois savoir que le jeune homme que je croyais être amoureux de moi et avec qui je me voyais déjà faire un bout de chemin, mais qui malheureusement m’a abandonné du jour au lendemain est l’homme que tu appelles meilleur ami.

Choqué, Dom se tourne vers Gabriel.

— C’est vrai ?

Gabriel hoche la tête, ne trouvant certainement pas les mots pour se justifier.

— Mais alors ça veut dire que…

— Que rien du tout, crache Lucas pour stopper net Dom dans sa révélation.

Dom fait des allers-retours entre mon ex et moi et comprend qu’il ne doit rien dire de plus. Seulement, je sens aussi que cette situation ne lui plaît pas.

— Dom, nous avons convenu de faire un effort pour que les filles passent de bonnes vacances et nous nous y tiendrons. Je te promets que ça se passera bien, lui dis-je, peu convaincue par mon propre discours.

— Ouais, nous verrons bien. Sachez juste que les filles n’y sont pour rien, qu’elles sont innocentes dans vos histoires quelles qu’elles soient et que je ne tolérerai pas qu’elles en souffrent. Je connais Gabriel depuis six ans maintenant et Sarah depuis sa naissance. J’en suis même le parrain et je ne supporterais pas de la savoir mal. D’ailleurs, votre petit numéro à l’entrée tout à l’heure m’a particulièrement agacé. Je vais aller me reposer un peu, la route a été longue. Tu peux me dire où se trouve notre chambre Lucas s’il te plaît ?

— Bien sûr, suis-moi.

Dom récupère sa valise et suit mon meilleur ami jusqu’à leur suite. Je sens le regard de Gabriel sur moi. C’est alors que je me rends compte que depuis le début, je suis en maillot de bain. Mal à l’aise, je file récupérer ma petite robe posée sur le transat de dehors. En revenant dans le salon, je n’y vois plus personne, la porte d’entrée est fermée. Je pousse un profond soupir.

Mon Dieu, lui ici, et en plus avec une petite fille. Qu’est-ce qui a bien pu lui arriver depuis qu’il m’a abandonnée ?