Fyctia
4.1 Football
Rose — Jeudi 2 décembre
Après une journée éreintante au collège avec, entre autres, un parent agressif envers Javier, je me hâte en direction du complexe des Buccaneers. Je dois récupérer Calvin à la fin de l’entraînement des jeunes espoirs. Ça palpite dans ma poitrine à l’idée de revoir Aaron Mackenzie. Je me sens fébrile. Et bête aussi. J’ai laissé en plan des copies à corriger afin de me dépêcher pour ne pas le rater comme le premier jour.
Je rejoins le stade, du côté opposé au parking, dans lequel j’ai pu pénétrer grâce à un pass visiteur délivré par le staff administratif très bien organisé. D’autres parents attendent déjà dans les gradins et observent l’action qui se déroule sur la pelouse éclairée par de puissants projecteurs. Nous avons tous conscience qu’être coachés par des membres d’une équipe pro représente une opportunité en or pour ces vingt lycéens. Ils sont réunis sur la zone d’en-but de la portion sud du terrain, au bord. Je comprends en m’avançant qu’ainsi, Aaron peut leur fournir des explications sans risquer d’engager son fauteuil sur le gazon. Des planches ont été installées sur les côtés les plus longs du stade pour lui faciliter l’accès.
Le voir à l’œuvre me ravit. Même si Calvin va me détester pour ça, je me suis assez approchée et peux entendre ses directives.
— Encore une fois ! Mettez-vous en place !
Je discerne la lassitude des joueurs de là où je suis. Ils ont les épaules basses, certains secouent la tête. Tous se replacent néanmoins. On leur a donné des maillots de différentes époques des Buccaneers afin de figurer deux équipes adverses. Le quarterback ajuste son casque et fait un signe à son receveur sur la droite. Malgré l’attirail barbare, je reconnais mon Calvin. Mon cœur bat plus fort tandis que la ligne offensive se baisse.
— Blue 80! Blue 80! Set! HUT! crie le quarterback selon le code seulement connu de ses coéquipiers.
Le ballon s’envole dans ses mains, les linemen explosent en avant, les receveurs partent en course. Le running back feinte un départ, puis se retourne pour capter une passe rapide. Le linebacker concurrent réussit cependant à le lire et lui coupe la route, obligeant le quarterback à improviser. Il réagit néanmoins trop lentement, tout comme Calvin.
Je grimace tandis que le sifflet de Brad Scott claque dans l’air. Le joueur star, qui utilise son expérience pour coacher dans le programme jeunes espoirs, se tient sur la pelouse, du côté opposé aux goalposts. C’est toutefois Aaron qui s’adresse à eux.
— Pas mal pour la défense adverse, mais je vous rappelle que nous travaillions l’attaque, là. Allez, une dernière fois !
Les jeunes se replacent en formation. Mise en jeu. Snap. Feinte. Le ballon fuse vers la droite et au lieu de chercher la passe initiale, le quarterback pivote et trouve Calvin qui a creusé un petit écart. Réception nette. Avancée de dix yards. Je me retiens de crier son prénom et de l’applaudir — il fuguerait sur le champ, je pense.
Aaron esquisse un fist pump et siffle en même temps. Ils se regroupent tous autour de lui pour le débriefing. Si je n’entends plus ce qu’il se dit, je comprends que c’est la fin. Alors que je m’apprête à m’éloigner pour ne pas embarrasser Calvin, Aaron tourne sur son fauteuil et me remarque. Le sourire qui s’affiche sur ses traits réguliers réchauffe mon cœur tout mou. Je lui adresse un signe gêné de la main et me morigène intérieurement. Pas mieux qu’une adolescente face à son premier crush !
Je n’ai pas le temps de continuer à m’insulter car Calvin m’a repérée. Il a retiré son casque et me jette un regard meurtrier. Je m’éclipse en direction du parking. Tant pis pour le coach Mackenzie. J’ai déjà bravé la colère de mon petit frère adoré à la fin du premier entraînement, en ayant le culot de discuter avec Brad Scott à propos du matériel usagé. La possibilité d’en donner à des établissements scolaires du coin avait été mentionnée quand on nous a présenté le programme. Nous sommes en décembre, je voulais en faire profiter les élèves de mon collège au plus vite.
Adossée à ma vieille voiture, je scrolle un moment sur Instagram en attendant Calvin. Il apparaît enfin, sac à l’épaule et cheveux ébouriffés à cause de la douche.
— Hey, j’ai vu la dernière action, c’était top !
Il grommelle un truc inintelligible en passant devant moi, balance sa besace sur la banquette arrière élimée et s’installe sur le siège passager. Je le rejoins dans un soupir et démarre le véhicule sans attendre une seconde de plus. Rectification : j’effectue le geste du poignet avec la clé pour enclencher le moteur, et rien ne se produit. Je réessaye. Toujours rien.
Mon cerveau fatigué enregistre une chose incongrue : au moins, elle ne fait plus de bruit suspect. Elle ne fait même plus de bruit du tout.
— Merde ! pesté-je après un autre essai.
— Qu’est-ce qu’il y a ? demande Calvin.
— Oh, tu sais parler, en fait ?
— Très drôle. Ton tacot démarre plus, c’est ça ?
C’est moi qui grommelle, pour une fois. Je déclenche l’ouverture du capot et sors de la voiture pour regarder le moteur. Calvin s’est déjà replongé dans son téléphone, comme si cela ne le concernait pas. Ou alors il a une confiance aveugle en moi... ce qui, dans ce cas précis, serait ridicule, car je ne comprends rien à la mécanique...
— Tu as besoin d’aide ? prononce une voix derrière moi.
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