Fyctia

La journée a été folle. Mes potes et moi l’avons passé à s’affronter sur les vagues, armés de nos planches de surfs. Une activité comme je les aime. Vitesse, adrénaline, défis.

Toutefois, j’ai été déconcentré. Pas par les conneries de Matty, non, ça j’en ai l’habitude. Mon manque d’attention se résume en un seul mot : Amy.

Maintenant que je sais comment elle s’appelle, son prénom résonne sans cesse en écho dans ma tête. Autant dire que cette nana accapare bien plus mon esprit que n’importe quelle fille que j’ai connue ou même n’importe quelle course que j’ai pu aborder.

Les mains fourrées dans les poches de mon bermuda, je progresse vers le bar situé en bordure de la plage. Son toit en paillage, ses quelques ampoules colorées lui confèrent cette ambiance que j’adore.

Bien décidé à commander nos boissons, parce que c’est à mon tour de le faire, je me faufile entre deux clients et m’accoude au comptoir. Pendant que je patiente, mes pupilles cherchent d’instinct ce visage qui m’obsède. C’est mon seul souhait pour cette soirée : l’apercevoir, même ne serait-ce qu’une fraction de seconde.

Bien entendu, si l’occasion se présente, je me suis juré d’aller la retrouver et, pourquoi pas, de passer la soirée en sa compagnie. Pour la première fois de ma vie, j’envisage même de passer la nuit à autre chose que coucher avec une fille. Une grande première. Si elle venait à me proposer une balade, ou une discussion interminable afin d’apprendre à se connaître, je répondrais oui, sans hésitation.

Les quatre verres d’alcool en ma possession, je rejoins mes amis sur le rocher qu’on a investi. Un peu plus tôt, nous sautions encore depuis le plus haut, tout droit dans l’océan. Par chance, mes potes aiment tout autant que moi les sensations fortes.

La brise marine rafraichit mes épaules rougeâtres, résultat d’un petit coup de soleil. Pendant que Matt, Bruce et Chris se résument leurs exploits de la journée pour la énième fois, mon regard se perd sur les vagues qui se fracassent contre la roche.

Les coudes enfoncés dans mes genoux, je scrute l’écume dans la pénombre, puis, sans expliquer pourquoi, mes iris sont attirés à quelques mètres de là. Entre les cabanons de bois et de pailles, les billes noisette d’Amy me fixent. Sa peau hâlée me nargue, mais ce n’est rien comparé à ses dents qui mordillent sa lèvre inférieure. Elle m’observe quelques secondes et je reste paralysé de peur que cette image ne soit que le fruit de mon imagination et finisse par s’évaporer.

Elle me sourit, mes lèvres s’étirent en réponse, puis en un claquement de doigts, elle disparait derrière l’un des cabanons. Sans me poser de question, je me redresse, fourre mon gobelet dans la main de Matty et saute sur le sable en contrebas.

— Eh ! Où tu vas comme ça, Don Juan ?

Je pivote et agite mes sourcils, énigmatique, tout en marchant à reculons. Ce couillon se marre, pas dupe, et je ne perds pas plus de temps. Mon objectif dans ma ligne de mire, j’avance vers la cachette où elle se trouve. En secret, j’espère qu’elle m’y attend. Parce que la voilà cette occasion que je me suis promis de ne pas rater.

Une fois devant la maisonnette, je la contourne pour me rendre derrière. Les battements de mon cœur qui avaient déjà changé de rythme en l’apercevant entament cette fois une course folle. De la même manière que lorsque je me couche avec ma bécane dans un virage.

Puis, je la vois, là, adossée contre la façade en bois et mon palpitant bondit. Je me fige, déglutis et tente de rassembler mon courage. D’ordinaire, je n’en manque pas. Dans aucune des situations que j’aborde, pas même lorsque je suis lancé à plus de trois cents kilomètres-heure sur l’asphalte des pistes que je sillonne.

Son regard accroche le mien. Je n’arrive de toute façon pas à détourner les yeux. Pour la première fois, je peux détailler son visage d’un peu plus près. À la lueur de la lune, son bronzage donne l’impression que sa peau est irisée.

— J’ai bien cru que tu ne me remarquerais pas cette fois.

C’est donc ça. Elle attendait que je la repère parmi les fêtards. Il y avait une chance sur je ne sais combien pour que ça arrive. Les basses pulsent depuis la scène où le DJ est installé, pourtant, j’ai la sensation de ne plus entendre que le son de sa voix.

Son invitation, car il s’agit bien de ça, fait disparaître mon appréhension.

Mon corps face au sien, je ne rêve pas cette attraction déjà présente entre nous. Elle lève le nez sur moi, je souris en coin. Une manière de voir si elle la ressent elle aussi. En retour, elle mord sa lèvre, encore, et je soupire.

— Comment je pourrais ne pas te remarquer même au milieu de tout ce monde ?

— Je ne sais pas, peut-être parce que je suis loin d’être la seule fille présente.

Je plisse les paupières et ricane. J’ai l’impression qu’elle cherche à me faire avouer quelque chose de bien précis. Si c’est ça, elle ne va pas être déçue, je suis loin d’avoir la langue dans ma poche.

— Mais tu es la seule qui m’intéresse.

— Pourquoi ?

Un peu pris au dépourvu, je secoue la tête.

— C’est si important de savoir ? On ne pourrait pas juste… profiter ?

Elle me dévisage d'un air mutin et je passe ma langue sur mes lèvres. Pas parce que j’ai envie de lui sauter dessus. Enfin, si un peu, ce serait mentir que d’affirmer le contraire. Mais c’est surtout parce que j’ignore ce qu’elle me fait. Cet effet quel a sur moi est différent de tout ce que j’ai connu.

— Ça l’est pour moi. Beaucoup de mecs tentent leur chance et j’aimerais savoir pourquoi je devrais te laisser approcher toi, plus qu’un autre.

Son regard harponné au mien, je devine qu’elle ne lâchera rien tant que je ne lui aurais pas répondu.

— Disons que c’est le second spring break ici, où je te vois.

— Et ?

J’arque un sourcil et incline la tête de manière à essayer de deviner ce qu’elle attend de moi.

— Et que la première fois, j’avais vraiment envie de venir te voir, mais que je n’ai jamais osé.

— Et ?

Comment elle sait que ça ne s’arrête pas là ?

— Et que depuis l’année dernière, parfois, sans savoir pourquoi, il m’est arrivé de penser à toi.

Si ça ce n’est pas inédit… Je lui déballe mon secret dans le plus grand des calmes, sans que ça me fasse chier.

Elle sourit, approche son visage du mien et pose un baiser au coin de mes lèvres. Juste ça. Un geste simple, mais qui rend mon cœur un peu dingue tout à coup. Puis, elle glisse sa main dans la mienne.

— On va se balader ?

C’est une des activités que j’étais prêt à accepter, juste parce que ce serait en sa compagnie.

J’accepte d’un signe de tête et me laisse entrainer à la lisière de l’océan. Nos doigts entremêlés, l’eau fraîche chatouille nos pieds et je détaille son profil du coin de l'œil, profitant juste du moment.

Cette fille me prend par surprise. Là où la plupart papillonnent de mecs en mec pour profiter à fond de ces quelques jours, elle, me propose une petite virée le long de la plage.

Et le pire, ou le meilleur, c’est que ça me convient très bien.

Insta : the_idylyne_feather