Fyctia

Mes parents m’ont passé une voiture au bout d’une semaine. Folle de joie, je hurle dans ma voiture, après avoir jeté mes affaires sur le fauteuil à côté et je pars en roulant super vite. Ça fait plaisir de se sentir en liberté.

Sur le parking du campus, je me gare devant les escaliers de l’entrée. Je ne devrais pas garder ma voiture ici, c’est la place de ma sœur. Il m’a fallu une semaine pour le comprendre. Sauf que je suis très énervée, ce matin, Andriana a renversé son café sur mes affaires de cours délibérément. Disons que j’ai opté pour la provocation. J’attrape mes affaires en sortant. Aussitôt, une voix m’agresse.

— C’est ma place, Enara.

— Andriana sourit un peu, tu vas avoir des rides.

Je lui fais un doigt d’honneur et je me dirige vers l’entrée du bâtiment où j’ai cours. J’accélère le pas quand je vois la voiture de Maddox entrer sur le parking. Je ne l'ai pas croisé depuis l’autre fois dans le fast-food. Quant à Rafe me poursuit où que je sois dans ce campus mais je respecte ce que ma mère m’a dit en le fuyant. Puis, je crois que Maddox lui a parlé du fait que ma mère ne veut pas que je les fréquente, et Rafe a arrêté de me chercher. Je n’ai pas recroisé Maddox depuis le jour où je l’ai vu à son travail, et j’avoue que j’ai été tenté de retourner le voir plusieurs fois. Tous les soirs, quand je courre, j’évite de passer près du fast-food. Je m'assois dans l’amphi de mon premier cours. Je commence à sortir mon ordi quand Lili débarque en panique dans la salle.

— Enara, ta sœur vient de railler ta portière !

— Quoi !

— J’ai essayé de l’empêcher mais…

Je me précipite hors du bâtiment, oubliant mes affaires dans l’amphi. Dans le couloir principal, je croise Maddox, comme par hasard, qui me jette un long regard que j’arrive à peine à quitter. Je lui aurais peut-être dit quelque chose, si j’en avais le courage et si ma sœur ne venait pas de bousiller ma voiture neuve.

J’arrive en furie dehors et je crie quand je vois l’état de ma portière. En réalité, j'exagère un peu mais je suis tout de même super énervée. La vengeance va devenir mon domaine. Ma cible est sa voiture, œil pour œil, dent pour dent. Je cherche une idée. Des pneus crevés, c’est sympa. Il me faut un couteau, mais où est-ce que je peux en trouver un ? J'aperçois Spencer près de l’entrée, l’ami de Rafe et Maddox, alias le gars de la piscine qui embrassait ma sœur. Je sens qu’il a une tête à avoir un couteau, et puis c’est la seule personne que je connais, si on peut dire ça. Il m’observe l’approcher, j’ai le sentiment que ses yeux étaient braqués sur moi depuis un moment. Son sourire apparaît quand il comprend que je viens le voir.

— Spencer, est-ce que tu as un couteau ? demandé-je sans m’inquiéter de ce qu’il pourrait en penser.

— Pourquoi faire ?

— Donne-le-moi !

Spencer me le dépose dans la main et je marche d’un pas décidé vers la voiture de ma sœur. Elle peut dire adieu aux pneus de sa Porsche. Spencer me suit jusqu’à la voiture. Au passage, je le vois me mater le cul. Je m'accroupis près du premier pneu, puis j’y plante mon couteau. Évidemment, je recommence sur chacun des pneus et plusieurs fois pour être sûre qu’à la sortie des cours, Andriana ne puisse pas démarrer.

Quand je me relève, la satisfaction m'envahit. Je rends à Spencer son couteau. De profil, il ressemble à Maddox, ils ont simplement une coupe et une couleur de cheveux différentes.

— Est-ce que je vais être accusé de complicité ? dit-il en rigolant.

— Pas si je garde le silence.

Je lui fais un clin d'œil et je retourne dans le bâtiment comme si je ne venais pas crever les pneus de ma sœur. Je crois que la guerre n’est pas près d’être finie, je ne dois juste pas me faire prendre la main dans le sac, sinon je vais retourner à l’internat.

Mauvaise surprise, je tombe nez à nez avec Noah, le garçon que j’ai frappé. Un frisson parcourt mon corps. Il a l’air de se réjouir de me croiser. C’est fou comme il a une tête de con. Ses cheveux bruns sont trop bien coiffés, et en plus, on dirait qu’il fait dix heures de sommeil et des masques de beauté pour avoir une peau parfaite. Ça m’énerve grandement.

— On se retrouve, ma belle-sœur préférée.

— J’espère que ta mâchoire va bien, ironisé-je.

Noah fait une grimace, m’indiquant que je ne devrais pas trop le provoquer. De plus, je ne peux pas me battre dans l’enceinte du campus. Mes parents seraient au courant. J’essaye d’enlever de mon visage l’air provocateur que j’ai naturellement.

— Fais attention, on a des choses à régler. Si tu crois que tu vas pouvoir te cacher derrière eux, tu te trompes.

Je suppose qu’il parle des garçons. Noah les déteste, et je n’ai pas arrangé mon cas en prenant leur défense et en l’ayant frappé. Il commence à se montrer de plus en plus agressif. Il fait un pas vers moi, pendant que j’en fais un en arrière.

Soudain, une voix grave s’élève derrière nous. Une main se glisse dans mon dos de manière possessive. Je tourne la tête, Spencer se tient à mes côtés, le visage dénué de sourire. Cette fois, il paraît glacial.

— Un problème ? gronde Spencer.

Si Spencer ne montre aucune hésitation, Noah commence à bégayer. D’ailleurs, il a déjà fait deux pas en arrière. Il considère Spencer comme une menace.

— Parce qu’on va en avoir, si Enara me dit qu’il y en a un.

— Non, on discutait.

— Parfait. Mais juste à titre informatif, elle est avec nous. Si tu la touches, on aura un problème. C’est compris ?

Noah acquiesce. Son poing est serré comme s’il rêvait de le mettre dans la tête de Spencer. Moi, j’ai des frissons dans le dos. Spencer s’est exprimé avec une telle froideur et confiance en lui que si j’étais à la place de Noah, j’aurais changé d’université.

Finalement, Noah s’en va, sûrement avec la peur au ventre. Je reste seule avec Spencer qui a toujours sa main sur ma taille. D’ailleurs, je ne pense qu’à ça. Je me décale pour éviter qu’on reste en contact, même si celui-ci ne me dérange pas du tout.

— Je crois que je dois te dire merci.

— Ne t’en fais pas. Mais évite de traîner dans le coin quand il est là et que je ne suis pas présent pour te sauver.

— Je compte m’en souvenir, affirmé-je en souriant.

Notre regard s'éternise.

— Je devrais…

— Tu devrais…

Pourquoi sommes-nous si intimidés d’un seul coup ? Hélas, Maddox apparaît comme par magie pour appeler Spencer. J’ai l’impression d’avoir été prise en flagrant délit. C’est un sentiment très étrange alors je profite de cette distraction pour m’éclipser et je retourne en cours avec un léger retard.

Elle est avec nous… Je n’arrête pas d’y penser. J’ai remarqué que ces garçons ont une fâcheuse tendance à me prendre pour acquise. Rafe et Sohan, à la soirée, m’ont tout de suite approché et souvent de manière tactile. Et puis Spencer vient de se proclamer chevalier servant de la belle riche en détresse.

Finalement, il n’y a que Maddox qui se montre plus distant avec moi. Encore une fois, il se fait remarquer.