Fyctia
Chapitre 2 Partie 3
La voix de Nathan, non loin d'elles, se fit entendre.
- Aaaaah ! Vous êtes là ! Mais c’est pas possible... Vous cherchez... réellement... à m’humilier !
Olive, goguenard, se montra le premier.
- Je lui ai demandé d'accélérer, expliqua Olive à sa sœur en se délestant un instant de son lourd sac à dos qui contenait tout son matériel, il commence à être drôlement tard. Maman va s’inquiéter.
- Pfiouuuu, je ne me permettrais plus jamais de me moquer de vous lorsque vous êtes en retard, promit le piètre marcheur en se laissant lourdement tomber par terre.
Il s’allongea, bras et jambes écartés, exhalant un bruyant soupir de soulagement. Luciole éclata de rire.
- Eh bien ! Laisse-moi te dire que tu perds de ta superbe là tout de suite. Je suis en train de perdre tout le respect que j’avais pour tes qualités d'entraîneur !
- Ouais … C’est ça ! Attend la prochaine session de combat rapproché Lulu ! Je te mets quand même à l’amende, ça n’a rien à voir... Laisse-moi juste... Pfiouuu... reprendre mon souffle…
- J’ai un gros doute, lui répondit l’intéressée en riant de plus belle.
- Approche-toi un peu pour voir, répliqua Nathan en faisant mine de se redresser.
- Du calme, les jeunes ! Vous n’allez pas vous battre tout de suite, on a encore de la route ! les interpella Olive.
- C’est pas vrai ! gémit Nathan en se relevant. Mais vous habitez vraiment au fin fond de la montagne, quelle idée de se la jouer ermite comme ça !?
- Je t’ai dit de ne pas poser de questions, le prévint Olive, qui était celui qui avait proposé à leur ami de les accompagner.
Nathan et lui se connaissaient depuis plusieurs années, et pourtant c’était la première fois qu’il lui proposait de lui présenter sa famille. Il souhaitait apparemment prendre le temps d’étudier avec lui une mission à venir pour les Green Guardians.
- Ce n’était pas une question, mon seigneur, je n’ai pas posé de questions. De toute façon, vous pouvez bien être à la tête d’un réseau de trafic humain, à cette heure-ci, je m’en fiche complètement. Tout ce que je veux, c’est un lit. Il y a des lits chez vous ? Ce sera ma seule question !
- Tu ne seras pas vendu comme esclave dès ton arrivée, ne t’en fais pas, on te laissera dormir un peu d’abord.
Un sifflement guilleret interrompit les quatre jeunes gens quand un petit moineau aux plumes soyeuses vint allègrement se poser sur l’épaule de Nélia. Un minuscule petit bout de papier, roulé, était attaché à sa patte. Les trois enfants de fées observèrent du coin de l'œil leur ami, qui, certes, semblait étonné, mais s’en tenait à sa promesse de ne pas poser de questions. Il n’est pas au bout de ses surprises, le pauvre, se dit Nélia. Vu sa tendance à parler à tort et à travers, il ne faisait aucun doute que Nathan goûterait à la poudre de fée avant de rentrer chez lui.
Elle recueillit le petit animal claironnant dans le creux de sa main et entreprit de récupérer le billet qui lui était adressé. Il s’agissait d’un message de sa mère qui lui enjoignait d’aller chercher de l’écorce de bouleau blanc afin de soigner un patient qui faisait une inquiétante poussée de fièvre. Elle lui demandait également de la rejoindre ensuite à son cabinet pour lui prêter main-forte. Nélia soupira : cette journée n’en finissait plus, et son lit commençait à lui manquer terriblement à elle aussi.
- Je vais vous laisser là, je dois aller aider ma mère avant de rentrer…
- J’aurais adoré t’accompagner, mais là je n’en peux plus. Je doute de vous être utile à quoi que ce soit. Tu embrasseras Rose pour moi ? Et dis-lui bien que tout est prêt pour demain, qu’elle ne se fasse pas de souci ! dit Luciole.
Nélia la remercia, promit de transmettre le message, salua ses amis, et entreprit de rebrousser chemin pour se rendre dans un petit bois non loin de là, bien connu des fées guérisseuses : les bouleaux y étaient particulièrement beaux.
Elle s'inquiétait de voir sa mère travailler autant. Elle était l’une des meilleures fées guérisseuses de sa génération, et le cabanon qui lui servait de cabinet ne désemplissait jamais. Fées et humains venaient de loin pour être pris en charge par Rose. La réputation de ses infusions, de ses cataplasmes et de son dévouement avait largement dépassé les frontières de l’Ouest de Néo. Il n’était donc pas rare qu’elle fasse appel à sa fille pour la seconder. Nélia savait bien que sa mère espérait secrètement qu’elle lui succéderait suivrait. Rose cachait mal son enthousiasme à l’idée qu’elle entame prochainement son apprentissage à ses côtés. Elle-même était plus ou moins convaincue que c’était là ce que Mère Nature attendait d’elle, et cela lui convenait. De nature curieuse et empathique, elle était à l’écoute des patients et savait garder la tête froide en toute situation. Elle montrait des prédispositions à la pratique de la médecine douce et aimait l’idée d’appartenir à cette catégorie de fées si utiles à la société.
Une série d'épidémies s’était propagée parmi la population de Néo ces dernières années, leur impact encore amplifié par les conditions sociales dans lesquelles évoluaient les personnes contaminées. La plus terrible de ces maladies était sans nul doute celle que l’on appelait la fièvre organique, que Nélia ne connaissait que trop bien… Nombreux étaient ceux qui avaient contracté ces dernières années un étrange mal qui se manifestait, dans les premiers temps, par une toux déchirante et un affaiblissement général de leur condition physique. La maladie les épuisait. Au bout de quelques semaines, les victimes n’étaient même plus en capacité de marcher ou de parler et il n’y avait pas de remède. Et Les fées semblaient particulièrement touchées par cette maladie incurable : celles qui la contractaient s’éteignaient lentement sous le regard impuissant de leurs consœurs anéanties. Elles qui vivaient autrefois aisément centenaires, réputées pour leur robustesse, se voyaient dangereusement atteintes par un mal dont elles ne comprenaient pas l’origine. Mère Nature était malade, et ses filles étaient en voie d’extinction.
Ces créatures indépendantes, qui avaient pour coutume de vivre par monts et par vaux, avides de liberté et de renouveau, s’étaient donc concertées, alarmées. Une grande partie d’entre elles avait pris la décision de se sédentariser afin de mieux veiller les unes sur les autres. C’est ainsi qu’elles avaient élu domicile au sein des monts Sylvestres. D’une part, parce qu’ils étaient difficiles d'accès pour les humains ; et d’autre part, parce qu’ils abritaient l’une des plus importantes sources de fées de Néo : un lieu sacré où se tenaient de nombreuses cérémonies. Le bois de bouleaux blancs que cherchait à rejoindre Nélia se trouvait justement non loin de cette fameuse Source.
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