Fyctia
Chapitre 1
La silhouette de Nélia se fondait dans l'obscurité des ruelles étroites de Néo. Les lumières clignotantes éclairaient brièvement des scènes de désolation : des sans-abri rassemblés par petits groupes tentaient de s’endormir, un enchevêtrement de corps jonchant les trottoirs crasseux. Son regard croisa celui d’un homme émacié, cloué au sol par une maladie dont les stigmates lui étaient douloureusement familiers. Cet échange fugace suffit à éveiller en elle une sourde culpabilité, l'incitant à accélérer le pas.
On ressentait dans l'air, la chaleur suffocante qui pesait sur la ville. Le poids de l'atmosphère, alourdi par la chaleur, rendait chaque respiration difficile. Elle contourna un autre bâtiment délabré, ses fissures témoignant des convulsions récentes de la terre. Les autorités, lassé de la fréquence des séismes, semblaient avoir abandonné tout espoir de restaurer ces structures décadentes. Le dernier en date remontait à quelques mois à peine, et les secousses alarmantes de ce sol courroucé n’avaient plus rien d’inhabituel. Dans le silence oppressant de la nuit, les ombres mouvantes des sans-abri semblaient murmurer des échos de désespoir. La trajectoire qu’elle suivait à travers ces tristes ruelles témoignait de la réalité déchirante de Néo, une Cité malade, où chaque pas résonnait comme une symphonie de détresse.
Un lourd soupir émit à sa gauche lui rappela la présence discrète mais réconfortante de Luciole. Marchant énergiquement à ses côtés, sa mine déconfite partiellement dissimulée derrière une épaisse frange trop longue, Luciole avançait sans regarder autour d’elle. Nélia passa ses bras autour de ses épaules.
- Ne fait pas cette tête là, on retrouve Nathan dans cinq minutes au cas où tu l’aurais oublié. Ce serait dommage de le priver de ton si joli sourire !
Luciole souffla ses mèches rebelles.
- Je pense sincèrement que mon sourire sera le dernier de ses soucis ce soir, dit-elle en soupirant. Mais parlons d’autre chose, te sens tu prête pour demain?
- On ne peut plus prête ! Maman n’a que ça à la bouche ces jours-ci, admit Nélia se remémorant la fierté manifeste de sa mère évoquant, le matin même, l’éclosion prochaine de ses ailes. Si je l’entend encore une fois me faire son discours sur l’importance de cet événement dans la vie d’une fée, ou s’extasiait quant à la couleur potentielle de mes ailes je vais exploser, et non éclore !
Au loin, un gémissement plaintif résonna. Elle serra les dents, luttant contre les émotions qui la submergeaient.
- Ca va ? hésita Luciole. Nélia secoua la tête.
- Cette maudite épidémie ne semble jamais vouloir prendre fin. C'est épuisant pour ma mère, elle ne s'arrête jamais. Les patients font la queue dès l’aube devant la porte d’entrée. J’ai peur qu’elle ne se tue à la tâche soupira-t-elle.
Luciole, compatissante, suggéra doucement :
- Tu sais je crois que ça lui fait du bien d'avoir l'esprit occupé…
- Il faut presser le pas, on est déjà en retard.
Elle comprenait très bien où voulait en venir son amie. C’était plus fort qu’elle, elle était toujours incapable d’évoquer la perte de son père. Pas sans fondre en larmes, et ce n’était vraiment pas le moment.
Minuit sonnait quand Luciole et Nélia atteignirent finalement le point de rendez-vous. À l'ombre de l'immeuble, une silhouette imposante était adossée contre un mur de brique salis. Les deux jeunes filles marquèrent un temps d'arrêt, le temps de reconnaître la montagne de muscles affichant une expression féroce. C'était Bichon, un membre des Green Guardians. Sa présence ne pouvait indiquer qu’une seule chose : Tempête, la leader de la communauté, était déjà sur place. Elles le saluèrent, demandant s'il y avait du monde.
- Non, ce soir c'est en petit comité, répondit-il sobrement.
Pénétrant dans le bâtiment délabré, elles esquivèrent les cadavres de rats, grimpant les escaliers branlants aussi rapidement que l'état lamentable des marches grinçantes le leur permettait. La plupart des appartements semblaient inoccupés, mais au quatrième étage, des éclats de voix leurs indiquèrent que l’immeuble n’était pas totalement désert. Deux personnes semblaient se disputer violemment, tandis qu'un bébé pleurait à plein poumons.
Arrivées au dernier étage, Nélia s’immobilisa et observa autour d’elle. Elle s’approcha d’un placard situé entre deux portes d’appartement et saisit un vieux balai hors d’usage, dissimulé à l’intérieur. Suite à quoi elle détailla le plafond. Repérant la trappe qui y était dissimulée, elle toqua trois fois à l’aide de l'extrémité du balais, attendit un instant, puis toqua à nouveau cinq fois. La trappe s'ouvrit aussitôt, dévoilant une échelle de corde qui se déroula jusqu'à leurs pieds. Une tête blonde émergea. "Vous êtes en retard !" s'exclama Nathan avec un sourire, qui contredit ses reproches. Il tendit la main pour les aider à se hisser sur le toit de l'immeuble.
Là-haut, deux autres personnes les attendaient. Olive, le frère de Luciole, était assis sur une chaise proche de l’extrémité du toit occupé à manipuler un dispositif accroché sur le rebord du mur.
- Je t’ai encore rappelé ce matin de venir avec une demi-heure d'avance, qu’est ce que vous avez foutu ?
- Ne commence pas, lui répondit sa sœur, on a fait comme on a pu, nous avions une étude du ciel ce soir à … Luciole s’interrompit. Elles n’étaient pas supposées parler de leurs activités de Fées aux humains, pas même aux Green Guardians. Enfin bref, on est là.
Nathan, qui sautillait nerveusement d’un pied sur l’autre semblait surexcité. Tempête, à l’inverse se tenait immobile et affichait un air inhabituellement soucieux. Elle les salua d’un signe de tête Tempête n’était pas son vrai nom. Au sein des Green Guardians, on ne connaissait généralement pas le véritable prénom de ces coéquipiers, ce qui permettait, dans l’hypothèse où l’on était arrêté et interrogé, de ne pas révéler trop d’informations susceptibles de faire arrêter du monde. Nathan, dit l'Enjôleur, qui avait été l’un des premiers interlocuteurs des filles au sein du mouvement, faisait, pour beaucoup, exception à la règle. Sa popularité et son besoin de plaire au plus grand nombre rendait sa discrétion pour le moins discutable.
- Bonsoir … Où est Loustique ? Demanda Luciole en regardant autour d’elle.
Loustique était un quarantenaire au regard aiguisé, peu affable, de petite taille et habile de ses mains. Il était précisément le membre auquel on faisait appel sur ce genre de mission, et les Green Guardians comptait sur sa présence ce soir-là.
- Il ne s’est pas présenté, je l’attendais il y une heure pour m’aider à repérer les lieux, dit Tempête en passant la main dans ses cheveux gris coupés en brosse. Nous vous attendions justement pour savoir s' il nous fallait annuler la mission.
4 commentaires
mimilarouge
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Il y a 5 mois
Camille Salomon
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Il y a 6 mois
Le Mas de Gaïa
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Il y a 6 mois