Fyctia
26 : Première journée
L’obscurité enveloppant Kylan ne dure qu’une fraction de seconde, mais le phénomène n’échappe pas aux deux apprenties. Toutes deux échangent un regard inquiet. Voulant briser le malaise, le jeune homme reprend sa voix de séducteur et poursuit comme si rien ne venait de se produire.
— Mes origines seront le dernier de vos soucis si nous restons ici à bavarder. Lana n’est pas connue pour sa patience envers les retardataires. Je suppose que vous deux êtes d’ailleurs la raison pour laquelle toute l’école est convoquée.
— Nous ne serons jamais là à temps ! se désole Maeva d’une voix à peine audible.
— Mais bien sûr que vous y serez, répond Kylan. Ce sigle sur vos robes n’est pas qu’un joli bijou. Il est à la fois votre meilleur ami et votre pire ennemi. Grâce à lui, les dirigeantes savent exactement où vous vous trouvez. Si vous ne le portez pas, les corridors se feront un malin plaisir à vous faire tourner en rond. En contrepartie, il vous permet de vous transporter là où votre présence est attendue.
— Quoi !? s’exclame Sacha, outrée. Tant qu’à y être, cette chose lit aussi dans nos pensées ?
Affichant le visage le plus sérieux qui soit, Kylan ancre son regard dans celui de l’enchanteresse avant de répondre d’une voix grave.
— Lana n’a pas besoin de nos sigles pour ça. N’essayez jamais de lui cacher quoique ce soit. Sa maîtrise du psychisme dépasse de loin tout ce que vous pouvez imaginer.
Inquiète suite à cette révélation, Maeva se tortille les mains pour calmer sa nervosité grandissante. Son geste n’échappe pas au regard perçant de Kylan, mais il n’en montre rien et continue.
— Nous reprendrons cette discussion plus tard ! conclut-il. Fermez les yeux et touchez votre sigle. Bon courage à vous deux, vous en aurez besoin !
Sur ces mots, Kylan pose sa paume sur l’emblème et disparaît. Déstabilisées par les propos de leur compagnon, les deux enchanteresses posent néanmoins une main sur la broche et se volatilisent à leur tour.
***
Déjà habituée aux effets du transport instantané, Maeva reprend rapidement ses esprits, mais une main tremblante s’accrochant à son épaule lui indique que Sacha n’a pas cette chance. D’apparence nauséeuse, l’apprentie s’accroche à son amie comme à une bouée de sauvetage. Inconsciente de son entourage, elle exprime son ressenti.
— J’ai l’impression que tous mes organes se sont entortillés ! se plaint-elle. Comment fais-tu pour rester aussi impassible ?
— Je t’expliquerai plus tard, répond Maeva à l’oreille de sa compagne. Tout le monde nous regarde.
Réalisant la multitude de yeux posés sur elle, Sacha se redresse d’un coup et affiche une expression neutre. Lissant nerveusement sa longue robe noire parsemée de fines lignes d’un rouge carmin, elle balaie la salle du regard. Certes, les elfes se retrouvent en très forte majorité, mais elle remarque aussi plusieurs autres races dont elle n’a eu connaissance que dans les livres. À une table, elle entrevoit même les deux sirènes rencontrées quelques minutes plus tôt, entourées de bon nombre de leurs congénères.
Figées sur place, les deux enchanteresses hésitent à avancer, incertaines de ce qui est attendu d’elles. Une voix autoritaire retentit alors dans toute la salle, faisant taire tous les murmures des élèves.
— Sacha, Maeva, veuillez me rejoindre, commande Lana, debout derrière une longue table de marbre à l’avant de la grande pièce.
Terriblement malaisées par l’attention générale portée sur elles, les deux jeunes femmes s’exécutent et traversent d’un pas incertain la longue allée centrale. Tout au long du trajet qui leur semble interminable, seuls leurs talons frappant le sol brisent le lourd silence.
Rejointes par Lana devant l’estrade, les humaines se retrouvent face à l’assemblée, exposées aux jugements silencieux des différentes races présentes. S’insérant entre elles, l’elfe pose une main sur leurs épaules avant de prendre la parole.
— Les rumeurs voyagent rapidement en nos murs, commence-t-elle d’une voix solennelle. Plusieurs le savent déjà, mais nous accueillons aujourd’hui deux humaines dans notre académie. Ce projet mis en place par Maeva ici présente est l’occasion de mettre derrière nous les conflits qui nous opposent. Je demande à chacun et chacune de démontrer une ouverture d’esprit et de prendre le temps de discuter avec elles avant de les juger. Rappelez-vous, la mission de cette école n’est pas de glorifier un passé dont nous n'avons pas à être fiers. Votre rôle est de bâtir un futur dans lequel vos héritiers pourront vivre en paix. Nos différences doivent devenir les piliers d’une grande collaboration et cesser d’alimenter les feux de la guerre. Voilà pourquoi j’ai ouvert les portes de cette académie à quiconque adhère à cet espoir. Après plusieurs siècles à nous déchirer, nous avons enfin la chance de nous entraider. Si vous êtes ici, c’est que j’ai confiance en vous pour atteindre cet idéal. Accueillez Maeva et Sacha comme l’une des vôtres. Aidez-les à comprendre les subtilités de vos coutumes. Partagez votre lien particulier avec la magie. Supportez-les dans les moments plus difficiles. Ensembles, nous sommes forts. Seuls nous disparaîtrons dans l’obscurité du néant absolu, oubliés pour l’éternité.
Accrochée aux paroles du discours de la grande elfe, Maeva trésaille toutefois en entendant les derniers mots. Ceux-ci résonnent en écho dans son esprit affaibli par le manque de sommeil. Sourde à la poursuite du monologue de Lana sur le rappel des règles de l’académie, la jeune femme peine à rester debout, combattant à la fois la fatigue et l’angoisse causée par l’avertissement de Lana.
Une traction sur sa manche la ramène brusquement à la réalité.
— Je rêve où tu es en train de tomber endormie ? questionne Sacha alors que Lana retourne à sa place parmi ses collègues. Nous avons moins de dix minutes pour croquer un morceau avant de devoir nous rendre à notre premier cours de magie élémentaire de troisième cycle.
À la mention du thème et du niveau, Maeva est prise d’un étourdissement. Cette fois, c’est elle qui doit s’agripper à son amie pour ne pas perdre l’équilibre. Heureusement, personne ne le remarque, chacun étant trop occuper à se goinfrer avec les victuailles apparues sur les tables devant eux.
Consciente de la détresse émotionnelle de sa compagne, Sacha s’empresse de la redresser.
— Ne t’inquiète pas, je vais t’aider de mon mieux. Tu n’as pas à affronter ça toute seule cette fois.
Ravie d’entendre ces mots prononcés par celle qui l’a ridiculisée devant toute la classe lors de son premier échec, Maeva chasse ses souvenirs sombres et affiche un sourire sincère. Une idée germe alors dans son esprit.
— Tu sais quoi ? Puisque tu m’offres si gentiment ton support, je crois que j’ai peut-être lu quelque chose cette nuit qui va m’aider. Suis-moi !
— Quoi !?
Entraînant son amie à sa suite, Maeva traverse à la hâte la salle, bousculant au passage certains élèves encore présents.
6 commentaires
camillep
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Il y a 5 mois
cedemro
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Il y a 5 mois
Tonie Mat N’zo
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Il y a 5 mois
Oswine
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Il y a 5 mois