Fyctia

Une fois à l’abri des regards curieux, Maeva s’arrête net et se retourne vers Sacha, fébrile. Sans aucun avertissement, elle lui prend les mains et se concentre sur son bracelet.

Dès leur apparition dans sa chambre, elle se retrouve devant le visage débordant d’incompréhension de son amie.

— Depuis quand maîtrises-tu la téléportation !? s’exclame Sacha, confuse une fois de plus suite au transport instantané.

— Ce n’est pas le cas. Rhina m’a remis ce bracelet qui me permet de voyager entre des lieux que j’ai déjà visités. Je voulais me retrouver seule avec toi avant de nous rendre en salle de classe.

— Tu t’inquiète à l’idée de devoir démonter ton contrôle des éléments, je sais.

— Nous savons toutes les deux que je risque de tout détruire si je tente de prouver un quelconque contrôle élémentaire. Je crois toutefois avoir trouvé quelque chose dans mes lectures hier et j’aimerais que tu m’écoutes jusqu’à la fin avant me traiter de folle.

— Tout ça c’est du passé, je t’assure.

— On verra bien. Comme tu le sais déjà, Zanael n’est pas une elfe. Hier, durant la visite, elle m’a dit qu’elle refusait d’utiliser la magie innée de son peuple par crainte de développer cette soif de pouvoir et de violence que l’on connaît aux métamorphes.

— Personnellement, je ne sais pas grand-chose à leur sujet, l’interrompt Sacha.

— J’en savais peu moi-même, mais j’ai trouvé un livre qui m’a fourni beaucoup d’informations. En fait, les métamorphes manipulent une forme d’énergie spirituelle qui est liée à notre âme. Cela les rend particulièrement sensibles à la nécromancie, cette forme obscure et interdite de la magie. Voilà pourquoi Zanael est terrifiée.

— Tu commences à me faire peur, coupe Sacha. Ne me dis pas que tu veux étudier la nécromancie !

— Bien sûr que non.

— Pourquoi perdre un temps précieux à m’en parler dans ce cas ?

— Pour en arriver aux elfes. Dans leur cas, leur magie est centrée sur leurs dons innés pour le psychisme et sur leur proximité avec la nature et les éléments qui les entourent. Leur corps est capable d’accumuler l’énergie de leur environnement et ils s’en servent inconsciemment pour lancer leurs sorts. Contrairement à nous les humains, rares sont les elfes qui puissent dans l’Ether. Quand ils le font, leurs sorts décuplent en puissance, mais cela les affaiblit beaucoup.

— Je ne vois toujours pas où tu veux en venir. Nous devrions déjà être en classe…

Prenant une grande inspiration, Maeva hésite un instant avant de poursuivre. D’une voix à peine audible, elle se lance, espérant ne pas regretter la confiance qu’elle porte en sa nouvelle amie.

— Je crois que je ne suis qu’à moitié humaine.

Le hoquet de stupeur de Sacha résonne en écho dans la pièce.

— Tu es complètement folle ! explose Sacha sans pouvoir contenir sa surprise.

— Tu vois, je savais que cela devait se produire. Si tu as le moindre respect pour moi, j’aimerais que tu me laisses poursuivre. Quand j’aurai terminé, tu pourras m’ignorer si tu le souhaites.

— Excuse-moi d’avoir été aussi directe. Je trouve ton idée ridicule, mais je ne t’abandonnerai pas pour autant seule parmi les elfes. Continue.

— Je crois que mon incapacité à contrôler la magie élémentaire vient du fait que dès que je puise dans l’Ether, je ne parviens pas à garder la maîtrise de mon sort. Seuls les puissants mages elfiques parviennent à le faire après de nombreuses années passées à pratiquer leur art.

— Supposons que ce soit ton cas, en quoi puis-je t’aider ?

— Je voudrais tenter une expérience qui risque de ne pas te plaire.

Terrorisée en appréhension de ce qui va suivre, Sacha se raidit.

— Je voudrais que tu invoques la plus minuscule flamme qui soit.

Quelque peu rassurée, Sacha invoque son pouvoir, puisant une infime quantité d’Ether pour alimenter une flammèche d’à peine quelques millimètres à l’extrémité de son index.

Nerveuse, Maeva s’approche et pose sa main sur son épaule. Sacha sent alors une légère chaleur l’envahir, traverser son corps et rejoindre sa main. Sous son regard ahuri, le feu double, puis triple en intensité. Alors qu’elle maintient toujours l’effet du sort, elle voit ensuite la flamme décroître lentement jusqu’à disparaître, lui laissant un étrange vide dans la poitrine.

Impressionnée et effrayée par ce qui vient de se produire, Sacha observe son amie d’un regard incrédule.

— Qu’est-ce que tu viens de faire ?

— Je ne parviens pas à puiser dans l’Ether sans perdre le contrôle, mais je parviens à te transférer une énergie similaire prise à même mon corps et à alimenter ta magie.

— Et tu parviens à faire un transfert en sens inverse puisque tu as éteint cette flamme.

— Oui, mais je ne m’y attendais pas pour être honnête. Je suis complètement perdue dans tout ceci.

— Sans blague. Et tu comptes vraiment présenter cette capacité à la classe ?

— Ai-je le choix ? Ce ne sont pas les Anciennes qui m’aideront à comprendre ce qui m’arrive, ça j’en suis convaincue ! Par contre, je ne ferai rien si cela te fait peur.

— Je suis plus effrayée à l’idée de te voir tenter un contrôle classique. Ce que je viens de voir était beaucoup plus rassurant que mes souvenirs de ta dernière tentative chez nous. Comme promis, je t’aiderai au mieux.

— Parfait ! Dans ce cas, ne perdons pas une seconde de plus et rejoignons ce cours.

Posant chacune une main sur le sigle accroché à leur robe, les deux enchanteresses se retrouvent instantanément devant le local. Sans surprise, tous les élèves sont déjà installés, ne laissant que quelques places disponibles au-devant de la classe. L’enseignant, un elfe paraissant à peine plus vieux qu’elles les observe d’un regard sévère.

— Mesdames, commence le professeur, je vous demanderais d’arriver plus tôt lors des prochaines séances. Pour cette fois, je veux bien mettre votre retard sur le compte de votre arrivée récente dans notre académie, mais cela ne se reproduira pas.

— Merci, répond Maeva, gênée. Tout est de ma faute.

Surprise de voir son amie prendre le blâme, Sacha s’empresse de se diriger vers sa place après lui avoir lancé un regard rempli de reconnaissance.

— Puisque vous êtes déjà debout, reprend l’elfe, pourquoi ne pas vous présenter au groupe et nous démontrer vos capacités avec un sort de votre choix ?

Figée par cette demande inattendue, Maeva observe les élèves avec appréhension. À ses côtés, Sacha tremble de nervosité, mais se dresse fièrement devant la multitude de regards rivés sur elles.

— Moi c’est Sacha, commence-t-elle d’une voix confiante. Nous sommes des humaines en visite dans cette académie pour établir un lien avec nos semblables elfiques. Vous aimez le feu ?

Sur ces dernières paroles, Sacha prend discrètement la main de Maeva et invoque son pouvoir en prononçant quelques mots à voix basse. À ses pieds, un cercle de flammes apparaît, provoquant quelques cris de stupeur parmi l’assemblée. D’un signe de tête à sa compagne, elle lui fait comprendre que son tour est venu.

À suivre…