Drillski59 Et tu pourriras avec les vers... Chapitre 8 : Belle Inconnue

Chapitre 8 : Belle Inconnue

Un sentiment de plénitude assaillait Kevin quand les portières commençaient à claquer, le lundi matin aux alentours de sept heures. Il se réjouissait alors d’entendre les pas pressés des travailleurs dans la chaleur nocturne de sa couette.


Après six mois d’un labeur aliénant, il se délectait sans gêne de ces journées expurgées des impératifs et des contraintes. Sa routine du matin consistait à surfer tranquillement sur les réseaux sociaux. Dans la quiétude rassurante du début de semaine, il naviguait sur la toile, confortablement lové dans son lit. Pour se raccrocher à ce monde qui ne cessait jamais de tourner, il suivait les étapes d’un rituel bien rôdé :


D’abord, il se renseignait sur l’identité des gens qui avaient aimé ou commenté ses dernières publications. Ensuite, il consultait les stories des personnes qu’il suivait, principalement des chanteurs américains dont il se plaisait à singer les attitudes et les sonorités. En dernier lieu, il se renseignait sur ses nouveaux abonnés, souvent glanés au fil de ses pérégrinations noctambules. Et cette fois, un profil attira particulièrement son attention.


Même si les souvenirs du week-end étaient flous, celui des traits fins et des yeux verts en demi-lune demeuraient encore très vifs, dans son esprit. La veille, il avait même arpenté les réseaux en long et en large, dans l’espoir de la retrouver. Cela n’avait rien donné, mais Kevin ne s’était pas résolu à s’asseoir sur les fantasmes dionysiaques qui le harcelaient dès qu’il pensait à elle, à sa belle inconnue.


Elle était apparue comme un mirage et au clignement suivant, plus rien. Plus rien, sauf les stroboscopes, la musique trop forte et un sol que la bière rendait poisseux. Alors, cette fois, il ne jura de ne plus la lâcher. Il espérait que cette mystérieuse "Gisèle Abramovic" l’aide à oublier définitivement son ex ; la voix, le corps et la bouche de Margaux revenaient le hanter sans cesse depuis leur rupture.


Deux secondes après son abonnement en retour, un message lui parvint dans sa boîte privée.


Gisèle Abramovic : Salut…désolée de te déranger… je ne sais pas si tu te souviens mais on a discutés un peu au Kiosque.

Lil Deep Officiel : On n’oublie pas une fille comme toi !

Gisèle Abramovic : Charmeur…

Lil Deep Officiel : Je suis sincère ! Je sors d’une relation difficile et pour la première fois depuis ma rupture, j’ai vraiment ressenti quelque chose à ton contact !

Gisèle Abramovic : Il faut savoir regarder vers l’avenir…

Lil Deep Officiel : Tu as raison, même si c’est difficile ! J’ai des stigmates, je sortais avec une fille très égocentrique, elle m’a brisé !

Gisèle Abramovic : Si ça peut te remonter le moral…on pourrait en parler de vives voix…


Derrière son smartphone, Mannie pianotait avec appréhension. Elle ne s’estimait pas très douée pour ce genre de jeu alors elle s’y prêtait sans talent, peu à peu envahit par un sentiment d’humiliation. La séduction lui apparaissait à ce jour comme des gesticulations très superficielles, produites par deux personnes qui ne cherchent qu’à accomplir des besoins primaires.


« Satan, pardonne-moi ! » supplia-t-elle compulsivement, si bien qu’elle plaqua sa main gantée sur sa bouche pour refréner ce cri du cœur.


Elle piqua un fard quand Kevin lui proposa de passer chez elle, dès ce soir, en prétendant qu’il avait besoin d’une épaule sur laquelle se reposer. Elle mourait d’envie de l’insulter de tous les noms et de l’envoyer balader, une bonne fois pour toute.


Mais, pourquoi ne s’y attelait-elle pas, à la fin ?


L’espace d’un instant, elle se demanda ce qui l’avait conduit à accepter d’aider Margaux bénévolement. Certaines personnes s’arrachaient ses services à prix d’or. Elle se dit qu’elle aurait pu traiter avec Margaux comme on traite avec une cliente lambda, avec une grille tarifaire et le détail des prestations, mais cela ne s’était pas fait. Tout simplement.


Dix ans plus tard, rien n’avait changé.


Déjà au lycée, du fait de sa marginalité, elle vivait son existence par procuration.


Margaux était toujours aussi solaire, brillante, admirable. Elle : aimable, soumise, effacée et surtout très sceptique à l’idée que ce fossé qui les séparait puisse se résorber un jour. Courroucée, elle décida d’en finir au plus vite :


Gisèle Abramovic : C’est bon pour moi. 20H ?


****


Le docteur Bonpain scrutait les tâches noirâtres qui parsemaient les membres et le buste squelettique de son patient. En tant que professionnel de santé aguerri, il officiait dans ce quartier populaire depuis près de vingt-cinq ans. Durant toutes ces années, il avait observé de nombreuses affections cutanées. Cependant, il devait reconnaître que celle-ci sortait de l’ordinaire.


« Quand est-ce que vous avez remarqué ces tâches ?

— Hier matin, déclara Cure-Dents. J’ai été très malade, samedi, et…

— Avez-vous constaté une évolution, entre hier et aujourd’hui ?

— Au début, il n’y en avait que sur les bras… »


Le docteur Bonpain resta impassible même s’il n’en pensait pas moins. Il écouta les battements du cœur de son patient dans le stéthoscope et mesura sa tension, imperméable aux émotions négatives qui brutalisaient pourtant son esprit rationnel. Il ne remarqua rien d’anormal.


« Alors, s’enquit le DJ, vous pensez que c’est grave ? »


Le médecin ravala un soupir désemparé. En vingt-cinq ans de carrière, il n’avait jamais rien vu de tel.


« Je vais devoir prendre des photos, j’ai un confrère en dermatologie qui en saura probablement d’avantage.

— Est-ce que je vais mourir, docteur ?

— Allons, s’il vous plaît, tempéra le généraliste. Ne partons pas dans les extrêmes, il est trop tôt pour le dire. »


Il immortalisa ensuite les traces de cette mystérieuse affliction à l’aide de son smartphone. Son confrère reçut une série de clichés déroutants, légendé de la façon suivante : « Il faut absolument que tu vois ça ! »


Tandis que Paul se rhabillait, les deux professionnels échangèrent par écrits. Cela ressemblait à des moisissures, s’étonna le confrère. Ils y allèrent chacun de leurs petites hypothèses, avant de convenir qu’il valait mieux ne pas se précipiter.


« Docteur ? »


Bonpain rengaina son téléphone. La lueur blafarde des néons se reflétaient sur l’arrondi de son crâne humide.


« Désolé, dit-il en saisissant son carnet d’ordonnance. On va laisser passer une petite semaine, afin de voir comment cela évolue.

— Vous ne savez pas ce que c’est ? »


Les paumes du patient laissaient des traces chaudes sur l’acajou du bureau.


« C’est un peu tôt pour le dire, marmonna Bonpain, les yeux rivés sur l’ordonnance. Je vais vous prescrire un antihistaminique, c’est peut-être une mauvaise réaction… ainsi qu’un anxiolytique, vous semblez un peu stressé.

— Vous n’êtes pas très rassurant.

— Pour l’instant, il est inutile de s’inquiéter. »


Le patient s’acquitta d’une somme de vingt-huit euros.

Face à cette maladie inconnue qui le frappait de plein fouet, il se sentait terriblement seul.


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13 commentaires

Elobiblio

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Il y a 5 ans

opération chouquette

Serena Salvatore

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Il y a 5 ans

Opération Chouquette MDR je repasse bientôt lire les deux chapitres qui me manquent 😂 pcq ton histoire est tellement drôle et différente de ce qu’on lit sur ce concours :)

Delinda Dane

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Il y a 5 ans

Coup de pouce + 3 #opérationchouquette

Bulle d'Auré

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Il y a 5 ans

opération chouquette à jour :)

Rose Lb

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Il y a 5 ans

la chouquette !

Lyara Black

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Il y a 5 ans

#opérationchouquette!

Amélie Marion

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Il y a 5 ans

🥰🥰

Judy Cab's

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Il y a 5 ans

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