Drillski59 Et tu pourriras avec les vers... Chapitre 7 : Premiers Signes

Chapitre 7 : Premiers Signes

Margaux dégaina son téléphone avant la fin de la première sonnerie.


« Alors, c’est bon ?

— En fait, il y a eu un petit imprévu… »


Des trémolos abîmaient la voix de Mannie. Elle roulait vers chez elle à vive allure, complétement paniquée. Son explication succincte trahissait le trouble qui l’assaillait à cet instant.


« C’est-à-dire, un « imprévu » ?

— J’ai versé le poison dans son verre, mais c’est son copain DJ qui l’a avalé à sa place…

— Mais pourquoi ?

— Je ne sais pas, pour lui faire une blague, sans doute !

— Dans tous les cas, ce n’est pas si grave, supposa Margaux. La potion a été préparée avec un cheveu de Kevin. »


La tête en vrac, Mannie grilla une priorité. L’automobiliste arrivant à sa droite pila brutalement et la klaxonna. Confuse, la sorcière s’excusa avant de se garer sur le bas-côté. Pour expliquer la réalité de cette fameuse potion, il lui fallait user d’une certaine délicatesse.


« C’est plus compliqué que ça, renâcla-t-elle du fond de sa gorge sèche. Tu sais, dans mon art, les gens voient surtout le côté folklorique, mais en vrai, il y a quelques nuances…

— Tu peux être plus claire ?

— Le cheveu n’est pas essentiel à la préparation, c’est purement symbolique, avoua la sorcière dans un souffle affecté. Et c’est aussi une façon de s’assurer que la personne qui nous sollicite sait exactement ce qu’implique l’inoculation d’un tel poison. »


Margaux tournait en rond dans son salon. Elle essayait péniblement de reconstituer le puzzle de mots et de pensées que son ex camarade venait d’éparpiller dans son esprit. Quand elle comprit, elle sentit le feu lui monter au visage.


« Ça veut dire que tu n’avais pas besoin de ce cheveu ? »


Mannie laissa couler un silence en guise d’aveu.


« Tu sais ce que j’ai enduré, pour récupérer cette mèche ?

— J’ai conscience que ça n’a pas été facile pour toi et ça m’a permis de mesurer ta détermination dans ce projet de vengeance, expliqua calmement la sorcière. Tu sais, dans ces conditions, les gens n’ont pas toujours la tête froide, il nous faut des preuves morales, on parle quand même de commettre un crime, poursuivit-elle. Le problème qui se pose à nous, maintenant, c’est que Paul est dans la merde ! »


Le cœur de Margaux se serra. De tous les amis que Kevin lui avait présentés, seul Cure-Dents lui témoignait du respect. Même s’il se risquait parfois à quelques regards déplacés lorsqu’elle s’habillait un peu court l’été, il ne méritait pas un sort si cruel.


« Est-ce que tu peux lui fabriquer un antidote ?

— Il faut que je fasse des recherches, ça risque de prendre du temps, dit Mannie. Ensuite, il faut que je passe commande et les délais de livraisons sont très variables, selon la provenance. D’ici là, la peau du grand maigre ressemblera déjà à du gruyère.

— Et pour mon ex ?

— Avec ce qu’il me reste, je peux encore préparer une fiole. Si tu es toujours décidée, je peux rectifier le tir.

— On fait comme ça. »


Sur ces mots, Margaux raccrocha.


Elle suspectait que son ancienne camarade soit toujours aussi maladroite qu’à l’époque du lycée.


****


Une virulente migraine attaqua Paul dès son réveil.


Il écarquilla ses yeux collés de sommeil et découvrit avec horreur le désordre crasseux qui régnait dans son salon. Partout, des cannettes, des bouteilles, des cendres, des paquets de cigarettes vides… son appartement ressemblait à un véritable dépotoir.


Comme il habitait à seulement une rue du Kiosque, les apéritifs d’avant-soirée s’organisaient chez lui, la plupart du temps. Cependant, personne ne se bousculait au portillon dès lors qu’il s’agissait de nettoyer le champ de bataille.


Il sentit tout son appartement tanguer autour de lui quand il essaya de se lever. Sonné, il laissa la gravité faire son office. Écroulé en étoile sur son lit, il respira longuement. Puis se remit sur pieds en douceur et alla chercher de l’aspirine.


Mais alors qu’il ramassait les résidus de débauche dispersés aux quatre coins de son salon, les détritus en métal et en verre se mirent à tinter bruyamment au fond du sac poubelle. Malgré le cachet, son hypersensibilité continuait de se développer. Ce n’était qu’un bruit anecdotique, mais aux oreilles de Paul, cela résonnait comme une cacophonie.


Il baissa donc son store, pour esquiver la lumière du jour. Il plaqua son casque sur ses oreilles pour échapper aux grondements des moteurs dans la rue et il se déshabilla entièrement parce que les tissus de son pull et de son jogging irritaient sa peau.


Comme il demeurait immobile debout sur la table du salon, à cloche-pied, les mains plaquées sur les oreilles, en tremblant, en haletant et en suant des litres d’eau par tous ses pores dilatés, il entrepris de remonter aux sources de son mal.


Dans un état de confusion avancé, il essaya tant bien que mal de se repasser le film de la veille. Il songea au kebab qu’il avait englouti hier soir, avant l’arrivée de ces deux compères. Il mangeait toujours trop gras, trop salé et trop sucré. C’était déconseillé, mais il s’en fichait éperdument, et puis, jusqu’à aujourd’hui, il n’avait jamais rencontré le moindre problème de ce type dans cet établissement qu’il fréquentait régulièrement.


Il voulut remonter plus loin, mais des nausées l’accablèrent à cet instant. Il échoua dans son canapé, la tête enfoncée entre le creux de deux coussins comme une autruche. Il ne demandait qu’à vomir. Il aurait rêvé de dégorger ses tripes dans ce saladier. Il avait rampé pour l’attraper sur la commode de la cuisine.


Mais ça ne vint jamais.


Quand son état se stabilisa enfin, la nuit était déjà tombée depuis longtemps. Il fit une bonne nuit de sommeil et se réveilla aux aurores, plutôt en forme.


Il se réjouit de l’amélioration de son état, mais l’inquiétude refit surface lorsqu’il se découvrit des tâches sombres sur les avant-bras. Il se mit à frotter sous l’eau avec beaucoup de savon, en vain. Les tâches se développèrent et noircirent encore au fil de la journée. Sa culpabilité d’imprudent l’incita à craindre une maladie sexuellement transmissible. Son dernier rapport non-protégé datait d’au moins trois mois et plus généralement, en dépit de nombreux risques, il n’avait jamais fait aucun test d’aucune sorte.


En proie à une grave crise de panique, engoncée dans une pathétique solitude d’un dimanche soir d’automne, il surfa sur le web, à la recherche d’expérience similaire à celle qu’il subissait actuellement. La lecture de dizaines de pages relatant les récits anxiogènes d’internautes anonymes ne contribua pas à le rassurer.


« C’est un cancer, c’est sûr » déduisit-il, au bord de l’effondrement.


La mort dans l’âme, il contacta Christiane, sa mère. Celle-ci lui conseilla sagement d’attendre le lendemain pour consulter un médecin.


Paul la remercia, le cœur au bord des lèvres.


Et il se coucha en croisant les doigts pour qu’à son réveil, tout cela ne soit plus qu’un mauvais souvenir.


Tu as aimé ce chapitre ?

9 commentaires

Delinda Dane

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Il y a 5 ans

Coucou! à jour sur tous tes chapitres #opérationchouquette

JulieDauge

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Il y a 5 ans

soutien à jour :)

Nymphï

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Il y a 5 ans

#OpérationChouquette à jour :D

Camille Jobert

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Il y a 5 ans

Coup de pouce !

Vaniloula

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Il y a 5 ans

Purée de pomme de terre, j'aime toujours autant et toi jeune homme tu ne vas pas assez vite ! Tu me rends folle !

Beth Holland

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Il y a 5 ans

Toujours aussi bon, en attente de la suite :)

Sam Laurent

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Il y a 5 ans

J'aime beaucoup cet humour et univers ;) J'attends la suite !
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