Sandra MALMERA Et si le gris n'existait pas 9. Une cachette 1/2

9. Une cachette 1/2

Sans me laisser le temps de lui poser la moindre question, Damien saisit mon poignet, me tire derrière lui en oubliant que ma cheville me fait défaut. Je grimace, grince des dents et finit par lâcher un fin gémissement. Il s’arrête enfin, et s’excuse mais je l’ai bien compris. Nous n’avons pas de temps à perdre. Ce que je ne comprends pas, reste le fait que nous devons nous cacher chez Hector. Il est avant tout un ambassadeur, et il doit faire respecter les règles, non?

Depuis le début de cette journée trop de questions s’accumulent dans ma tête. Trop d’interrogations qui restent sans réponses. Pourtant, le démon m’a assuré que j’en aurais quand nous serons en sécurité. Mais le serons-nous vraiment chez un ancien? Qu’est-ce que tout ça cache? Le bras de mon démon gardien se posant sur mon épaule me ramène à la réalité


— Je suis désolé petit ange. Tu vas devoir accélérer le pas. Tu vois, la baraque au fond là-bas?

— Le manoir sombre, tu veux dire?

— Oui, si tu veux. En tout cas, c’est notre destination. Enfin… Bref, suis-moi, et active-toi petit ange.


Active-toi. Accélère. Suis-moi. Il va toutes me les faire? Non, parce que j’ai compris. La garde des déchus, enfin les deux gardiens de la porte, ne vont pas maintenir les archanges et surtout Thémis, bien longtemps de l’autre côté. En regardant devant, je me dis que je n’arriverais jamais entière jusqu’à la demeure noire imposante d’Hector

D’ailleurs, mes pas se font traînants et Damien ne manque pas de le remarquer. Il m’en fait plusieurs fois le reproche avant de grogner. Son dernier souffle, et surtout le fait qu’il me pousse de son bras me fait perdre l’équilibre. De plus à cause de son geste abrupt, la plume encore dans ma main depuis la cérémonie, s’en échappe

Elle volette, tourne, se retourne. Ma jambe gauche, celle qui est blessée avance au milieu de sa danse. J’observe sa finesse alors que le démon tente de me faire bouger. Mais la tache blanche accapare mon attention. Elle poursuit son chemin, virevolte, et frôle avec douceur ma peau. Elle glisse avec lenteur, descendant et tournant autour de ma cheville

J’ai à peine le temps d’en sentir le frisson, qu’une lueur étincelante se dégage des griffures qui marquent ma peau. Un fourmillement s’immisce en douceur entre les plaies de ma peau. Je sens une caresse grandir au centre de mes blessures, passant de l’une à l’autre. Elle glisse sous et sur mon épiderme dans une danse langoureuse


— Damien… Regarde.


Je chuchote de peur que ce que je vois ne soit pas réel. En entendant, le démon soupirer, je sais qu’il n’est pas heureux de devoir s’arrêter. Mais lorsqu’il pose les yeux sur le phénomène en question, il ouvre la bouche et sort un « Merde » bien fort. Sa main passe dans ses cheveux, il ne s’attendait certainement pas à ça. Une dernière lueur vive s’échappe de ma cheville au moment où la plume quitte ma peau

La tache blanche touche le sol, à l’instant même où la lumière éclatante s’estompe. À présent, j’examine ma cheville ébahie. Le démon quant à lui, à une réaction plus volcanique que la mienne. Il se penche, attrape ma jambe avec force, et soulève mon pied à m’en faire perdre l’équilibre. Je pousse un cri de surprise


— Désolé. Mais… Ta cheville. Elle n’a plus rien.

— C’est ce que je vois. Tu y comprends quelque chose?

— Là? Non. Je n’ai pas eu d’informations de ce genre.

— Mais tu sais ce qui m’arrive, affirmé-je.


La seule réponse qu’il me donne, c’est un hochement de tête. Puis, il se concentre à nouveau sur ma peau. Ses doigts la caressent et la touche pour l’analyser en profondeur. Je l’examine faire avant de le voir se relever. Il ronchonne, murmure et marmonne. Il cherche à comprendre. Moi aussi d’ailleurs. En regardant de plus près, je n’arrive toujours pas à croire ce qui est pourtant face à moi. Une peau lisse et sans marques

Hésitante, je me penche en avant pour toucher mon épiderme. Ma peau est aussi douce que celle d’un bébé. Un hoquet de surprise sort de ma bouche alors qu’une fine décharge électrique se diffuse dans mes doigts. Ils frôlent ma cheville, puis descendent plus bas vers le sol. J’ai à peine le temps de ramasser l’objet de ma guérison que je sens la poigne du démon sur mon épaule


— Petit ange, nous avons déjà perdu assez de temps.

— Mais tu ne veux pas savoir comment c’est possible? Ta plume, elle… Elle a guéri mes blessures. Ce n’est pas rien.

— Je sais, sauf que tu dois te souvenir d’un élément important. La garde des archanges est à notre poursuite. Tu le comprends ça? S’ils nous mettent la main dessus, nous sommes morts! Nous avons enfreint toutes les règles! Enfin, à partir du moment où on te considère comme un ange… Et puis, range tes ailes.

— Les ranger?

— Oui. Tu n’as qu’à y penser et elles reprendront leur place dans ton dos, comme invisible. On sera déjà moins visibles sans elles.


Je suis confuse mais je m’exécute. Depuis mon saut de l’estrade, j’ai cette impression d’avancer tel un automate. De suivre les directives sans en comprendre réellement l’importance. En me redressant, mes ailes ont déjà pris leur place. Nous ne ressemblons plus à un ange, ni à un démon. Nous sommes presque comme avant l’éclosion, ou comme dans les livres d’histoires, égaux aux humains

Cette pensée me donne des frissons. Je m’égare et erre avec des idées folles à l’esprit. Et si nous étions plus qu'un ange et un démon? Existent-ils des êtres supérieurs? Mais c’est sans compter sur la force de Damien qui me sort de mes rêveries. Elle me tire en avant, me presse même. Mes pieds s’emmêlent à plusieurs reprises. Pourtant nous arrivons très vite devant les grilles de la résidence d’Hector

Elle est immense comme tout ce que je vois. La grille métallique grince au moment où Damien l’ouvre. Il me pousse pour me faire entrer sur la propriété. Puis, nous avançons dans un décor bien trop fleuri pour un démon. Les descriptions du monde obscur n’ont finalement rien à voir avec ce que je découvre aujourd’hui. D’autant plus, ici, sur la propriété d’un ambassadeur démoniaque

Mes pas ralentissent, me laissant toute la joie d’admirer la vue qui s’offre à moi. Des arbres fruitiers en fleurs, des parterres de fleurs, une fontaine. Tout ce décor est coloré et frais, il s’en dégage même un sentiment de confort, de retrait spirituel. Comme un cocon de sécurité au centre d’un univers sombre et glacial

En levant la tête, je suis refroidie par l’allée centrale, elle est agrémentée de galets noirs. En approchant avec lenteur de la bâtisse, j’ai la chance de découvrir une porte sculptée dans du bois d’ébène. Cette couleur qui fait écho à celle des yeux de Damien. Dans une respiration, je m’arrête, me demande si j’ai fait le bon choix

Cette nouvelle porte note mon passage vers l’inconnu, vers une destinée bien plus profonde que celle à laquelle je m’attendais. Un chemin à prendre qui n’est ni blanc ni noir. Un parcourt qui commence ici, aujourd’hui. La question que je me pose, alors que le jeune démon ouvre la porte, c’est «pourquoi moi?».


—Tes réponses sont là, petit ange


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16 commentaires

Sissy Jil Adan'S

-

Il y a 5 ans

Petit raid d'aide au déblocage. Je reviendrai te lire plus tard :)

Sandra MALMERA

-

Il y a 5 ans

Merci
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