Fyctia
... pour tout recommencer
Le lendemain, j’avais fait comme si rien n'était, mais le soir venu, c'est moi qui nous avais préparé une boisson chaude. Elle n’avait pas davantage réagi quand je l’avais suivi sur son balcon, il n’y a guère qu’un doux sourire qui s’attardait sur son visage pendant qu’elle humait l’arôme du cacao tout en contemplant sereinement la chaîne de montagne qui s’étendait à l’horizon. Au fur et à mesure des soirées qui passèrent, une certaine routine s'était installée entre nous ... et Madeleine, cette petite dame rondelette aux yeux pétillants fissura progressivement ma carapace pour prendre une énorme place dans mon cœur. Et dans ma vie.
Vous vous en doutez, je ne suis jamais repartie.
Madeleine avait un lymphome récidivant, c’était d’ailleurs la raison de son annonce. La maladie progressait vite à l’époque et elle ne voulait pas être hospitalisée. Elle s’était battue une fois contre la maladie, onze ans plus tôt, et était extrêmement lucide quant à ses chances de survie face à cette rechute très agressive du cancer qu’il l’avait tant affaiblie naguère. Mais à l’époque, elle n’était pas seule, elle se battait pour rester auprès de son mari et connaître son petit-fils, qui avait tout juste un an.
Depuis, son époux bien-aimé était décédé, et quelques années après, elle perdit son fils, sa belle-fille et son petit-fils alors âgé de 7 ans dans un terrible carambolage de la route. Contrairement à ce que vous pourriez croire, Madeleine n’était pas aigrie par la vie.
Dotée d’une volonté de fer, j’étais en admiration devant cette femme qui avait perdu tous les êtres chers de sa vie mais qui affichait continuellement une joie de vivre et une féroce sagesse. Elle a su transformer sa douleur et sa solitude en force.
Elle est devenue mon modèle, mon pilier.
Je lui dois tout.
C’est grâce à elle que je suis heureuse de la vie que j’ai aujourd'hui, seulement quatre ans après l'abomination que j’ai subi. Grâce à elle que je parviens à m’épanouir avec le métier que je fais. Elle m’a avoué avoir su qui j’étais le jour même de mon emménagement chez elle, et que la profonde détresse qu’elle lisait alors au fond de mes yeux lui avait fait comprendre la raison qui, selon elle, faisait qu’elle avait survécu à son premier cancer et à tous ses drames.
Moi.
J’étais sa raison. Sa dernière mission à accomplir avant de pouvoir rejoindre son mari...
Même si je ne croyais pas à ses histoires de fatalité, j’étais heureuse d’être là pour elle, de l’avoir dans ma vie ...
Dix mois après avoir fait sa connaissance, Madeleine mourrait dans son lit, chez elle. Aussi paisiblement qu’elle avait espéré pouvoir partir. Contre toute attente, ce n’est pas ce foutu cancer qu’il l’a tué. Son cœur a simplement cessé de battre. Elle s’est couchée un soir et s’est endormie pour toujours.
Quelques jours plus tard, j’eus la surprise de découvrir qu’elle m’avait léguée son appartement. Dans une lettre qu'elle avait laissé à mon intention chez le notaire, elle m’enjoignait à déployer mes ailes afin de voler non pas le plus loin que je puisse aller mais le plus haut. Avec ce don, elle m’offrait un foyer, elle me signifiait qu'elle ne voulait plus me voir fuir.
Je regrette de ne pas l’avoir connu plus longtemps, elle est ma plus belle rencontre et j’ai appris énormément à son contact.
Je ne me suis pas effondrée à son décès.
J’ai respecté ses dernières volontés à la lettre.
J’ai relevé la tête et pris mon envol ...
Trouver ce que je voulais faire de ma vie ne fut pas facile.
Retrouver l'envie de vivre et une certaine joie de vivre n'a pas effacé pour autant les troubles de stress post-traumatiques que je me trimballais depuis ma sortie de l’hôpital... Et même si je ne vous en ai pas encore parlé jusqu'à présent, ils sont hélas nombreux.
Très nombreux.
Trop nombreux.
En avoir conscience ne change rien aux problèmes, ce n’est pas comme si ce que je ressentais était logique. Le plus important pour moi était de préserver ma stabilité émotionnelle toute nouvellement ré-acquise grâce à Madeleine. Pour cela, j’ai fait simple, j’ai limité mes recherches d’emploi à un travail que je pourrais accomplir de chez moi. Le but étant de limiter aux maximum les contacts sociaux afin que je ne me retrouve pas dans une situation qui pourrait engendrer un contact physique. En clair, moins je rencontrais d’hommes, mieux je me portais.
J’ai participé à un concours organisé par une société de production télévisuelle française qui recherchait un concept original pour une nouvelle émission à proposer à une grande chaine privée. Je n’ai pas remporté le concours mais mes idées ont plu à la chaîne et la directrice-adjointe des productions m’a contacté afin que je co-écrive le pitch d’un docu-fiction juridique. J’ai travaillé depuis sur plusieurs téléfilms policiers et j’ai rejoint la scénarisation en cours de production d’une série policière aux débuts prometteurs qui pourtant commençait à s’essouffler à la fin de sa troisième saison. Deux ans après, je suis fière d’avoir contribuée à redynamiser l’engouement des fans de la série...même si les derniers épisodes de la série ont été tourné il y a quelques jours ...
Et que je me retrouve donc à la case départ, démotivée, à devoir faire mes preuves pour un programme niais et dégoulinant de mièvrerie.
Vraiment, quelle poisse, ce nouveau job !
Selon mon agent, c'est l'occasion à ne pas manquer !
Une belle opportunité qui va me permettre de rebondir...
Peu importe que je n'ai jamais mis en scène de romance sur le petit écran, peu importe que mon expérience soit diamétralement à l'opposé à ce que l'on attend de moi ici...
C'est moi que l'on veut pour ce "fabuleux-nouveau-projet" et je ne suis pas en position de faire ma difficile. Il semblerait que les punchlines d'Harry aient fait mouche... Alors que ce personnage n'apparaissait que ponctuellement et qu'il était littéralement détesté par les fans du feuilleton sur lequel je venais de débarquer, j'avais réussi en quelques épisodes à transformer leurs messages de haine en engouement passionnel pour ce policier désabusé qu'on adorait finalement haïr.
Si j'avais su que cette prouesse me vaudrait de me retrouver à 2h du matin devant mon écran d'ordinateur à m'inscrire sur un putain de site de rencontre pour tenter de comprendre les vissicitudes de l'amour que je n'ai jamais connu, je me serais peut-être abstenue de sauver cette foutue série !
Désolée, je sais, je deviens vulgaire quand je suis sur les nerfs...
Mais c'est une bonne chose. Voyez comme ma flamme s'est ravivée !
Je ressens à nouveau des émotions, et pas que de la peur...
Je suis prête à me battre pour obtenir ce que je mérite !
Merci Madeleine.
Une nouvelle fois, pour toi et grâce à toi, je déploie mes ailes et je prend mon envol.
Je m'élance ... et valide mon profil, sautant les yeux fermés vers l'inconnu.
35 commentaires
Stéphanie. G
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Il y a 4 ans
Mélane Lor
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Il y a 4 ans
Scarlett Owens
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