Fyctia

"Vous m’excuserez, j’ai pour le moment rendez-vous avec l’alcool !

Barton Fink -1991"

Je secoue la tête face à sa bêtise, le stress commence à me gagner, je meurs d’envie d’aller la voir, malgré le scepticisme de Russ, je sais que c’est elle.

Elle se trouve plus apprêtée que lors de notre rencontre forcée au parc, mais je la reconnais.

Ses longs cheveux de jais tombent en cascade sur ses épaules et son dos, elle s’assoit au comptoir et semble guetter la venue de quelqu’un.

Un rendez-vous galant ? Un ou une amie ? de la famille ?

Le fait de spéculer, ne fait qu’augmenter mon stress.

Ce qui est ridicule, il suffit que je me lève et que j’aille la saluer.

-Ne commets pas deux fois la même erreur. Tu as vu cette fille dix minutes et tu m’en parles depuis une semaine. Donc tu vas là-bas et tu échanges avec elle.

Pourquoi je balise comme ça , habituellement je ne me prends pas autant la tête avant d’aborder une nana ?

Sous les encouragements de mon meilleur ami, je descends mon verre d’une traite avant d’aller rejoindre la jolie fille qui occupe mes pensées depuis plusieurs jours.

Je dois jouer des coudes pour accéder au comptoir tant le bar est bondé.

Je me positionne à ses côtés cependant elle garde le regard résolument fixé vers devant.

Je me racle la gorge avant de demander.

-Je peux vous offrir un verre ?

Elle lève les yeux au ciel avant de se tourner vers moi. Vu son expression fermée, elle va refuser, pourtant quand ses yeux rencontrent les miens et qu’elle me reconnait son expression change du tout au tout.

Ses joues se teintent d’une douce couleur rosée, ses yeux papillonnent d’étonnement et sa voix monte sensiblement dans les aigus quand elle parle enfin.

-Oh. Je n’avais pas vu que c’était vous. Je… C’est… Waouh quelle surprise.

Je retiens un rire, tant son moment de gêne est mignon.

Ses grands yeux de poupée me scrutent comme si elle aussi doutait de ma présence dans ce bar.

-Alors ? demandé-je espérant la mettre à l’aise et faire cesser sa gêne.

-Alors quoi ? hasarde-t-elle.

-Ce verre. Je peux vous l’offrir ?

Son teint bronzé ne parvient pas à dissimuler les rougeurs de ses joues qui ne cessent de s’accentuer.

-Oui. Non. Enfin oui.

Je trouve son indécision touchante, puis je prends place sur le tabouret à côté du sien.

-Je ne vous pousse pas à la consommation, je peux vous offrir ce verre, car je me doute que vous vous trouvez ici pour consommer quelque chose. Mais vous n’êtes pas obligée de le boire en ma compagnie.

Ce qui est vrai en soi. Si elle ne désire pas ma présence je peux toujours lui offrir un rafraichissement.

Elle agrippe ma main sur le bar, avant de la lâcher tout aussi vite rapidement.

-Non j’aimerais beaucoup, mais je devais retrouver une amie. Je pense que malheureusement elle ne viendra pas. Pas mal d’avion sont cloués au sol.

Les coins de sa bouche s’affaissent et ses yeux se teintent d’un air triste. Cette expression, je n’ai qu’une envie la faire disparaitre de ses traits.

Je fais signe à la barmaid afin de commander, tout en interrogeant la jolie brune du regard je demande une autre pinte pour moi, et laisse ma voisine commander sa boisson.

-Bandit va bien ? demande-t-elle quand la serveuse s’éloigne.

Je souris à l’entente du nom de mon ami à quatre pattes.

-Oui ça va, je suis plus vigilant sur la laisse, je n’ai pas toujours la chance de tomber sur vous au parc.

Un silence timide et poli s’installe, nos consommations arrivent devant nous quelques secondes après.

Je saisis mon verre avant de l’avancer vers le sien.

-A quoi trinque-t-on ?

A peine ai-je fini ma phrase que la jolie brune face à moi se crispe.

Je vis en ce moment des moments de doute et de stress, je peux aisément reconnaitre les signes.

Je lui offre un grand sourire.

-Ok, on va passer un marché. Vous comme moi, sommes venus dans ce bar pour passer une bonne soirée et nous changer les idées. Donc à trois nous allons énoncer à voix haute les sujets que nous n’aborderons pas ce soir quand nous ferons connaissance. Le marché vous convient ?

Un sourire commence à fleurir au coin de sa lèvre, puis elle hoche le visage.

-Ok, je compte jusqu’à trois. Un, deux, trois.

Et comme convenu au même moment nous énonçons les thèmes proscrits de notre soirée.

-Travail et famille.

J’observe face à moi la jeune femme, qui arbore tout comme moi une moue un peu stupéfaite. Nous avons prononcé exactement la même chose au même moment.

Elle part dans un éclat de rire tout à fait charmant.

-Ça facilite les choses on dirait.

-Effectivement, donc ce soir aucune question ou référence à ces deux sujets.

Elle me tend la main, que j’attrape avec douceur.

-Marché conclu, monsieur Bandit.

C’est à mon tour de rire.

-Jackson, ça sera mieux.

Elle papillonne du regard et me répond doucement.

-Moi c’est Silver.

Sa main toujours dans la mienne, je lui offre un sourire que je sais niais.

Bon, cette fille est incroyablement belle, elle a accepté de boire un verre en ma compagnie, mais ça ne représente pas des raisons suffisantes pour me changer en guimauve géante. Enfin quoi que.