Fyctia

"… Insolent, arrogant, impudent, insupportable, impertinent des hommes… Trop d’adjectifs ! Becoming Jane - 2007"

Les conversations cessent d’un coup, Larry arrive au loin avec les deux hommes tant attendus.

Un silence presque religieux accueille le petit groupe.

Tout le monde lance un ‘bonjour’ au même moment, on se croirait dans une secte ou un groupe de parole. Je secoue la tête en souriant face à ma propre analogie.

Mes yeux tombent dans ceux de Silver, ses prunelles me sondent me transpercent même. Elle soutient mon regard puis trop vite à mon goût se détourne au moment où le grand manitou va prendre la parole.

Le producteur impose le respect, grand, un sourire blanc éclatant, des cheveux tirants vers le roux ou le blond foncé, ces distinctions restent au-dessus de mes préoccupations. Ses yeux sont d’un vert perçant.

Il n’élève même pas la voix, ce n’est pas nécessaire, tout le monde demeure suspendu à ses lèvres. Et il le sait. Connard arrogant ! Je roule des yeux, puis me réprimande moi-même, il y a du public.

-Mesdames, Messieurs, bien le bonjour. Vous attendiez notre venue avec Monsieur Lewis, avec beaucoup d’impatience visiblement.

Le deuxième homme, le scénariste donc, est petit, mince voir maigre, brun, des lunettes.

Son style a la pointe de la mode, tout ce qu’on voit dans les magazines, il le porte.

Tommy poursuit son monologue, le moins que l’on peut dire il aime s’écouter parler.

-Comme vous l’avez entendu, ou pas, le film va subir un remaniement. Nous avons fait un appel à un pompier, il me cherche du regard dans la foule, son sourire s’agrandit en m’apercevant, puis me désigne de la main. Monsieur Novak arrivé hier. Venez me rejoindre, je vous prie.

Je me dirige mal à l’aise vers le centre de la pièce, je salue les trois hommes en leur serrant la main, puis je me place à droite de Lewis. J’aurai dû me mettre de l’autre côté car je me trouve s désormais juste en face de Silver.

Je tente de ne pas la fixer, pourtant mon regard cherche toujours le sien.

Le producteur parle de moi, je me concentre un minimum.

-Donc Monsieur Novak, comme vous vous en doutez est un pompier. Mais il a été au cœur récemment d’un des plus grands drames de notre pays. Il se trouvait au plus près des attentats du World Trade center.

Quelques hoquets se font entendre et je sens les regards peser sur moi, je décide de fixer un point au-dessus des visages de l’assemblée, me permettant ainsi de ne pas voir les expressions de pitié que tous ces inconnus m’offrent.

- Avec Monsieur Lewis, qui parlera plus longuement des détails du scénario, nous avons décidé de transformer l’histoire que nous voulions raconter initialement, afin de rendre hommage à toutes ces femmes et tous ces hommes qui ont péris et tous ceux qui ont lutté pour préserver le maximum de vie durant ces heures douloureuses.

Des applaudissements polis répondent à cette annonce, mais personne n’a à cœur de se réjouir, il faudrait être tordu pour ressentir de la joie face à cette déclaration.

Monsieur Boggs s’adresse une dernière fois à tout le monde.

-Je vous laisse entre les mains expertes de Messieurs Lewis et Wilson, je vous souhaite une belle journée un bon tournage, et gardez en tête que ce film sera un magnifique hommage si nous travaillons tous ensemble.

Il pousse même le vice en joignant ses deux mains comme s’il faisait une prière.

L’assemblée hoche la tête, tandis que je réfrène mon envie de rouler des yeux.

Le scénariste prend ensuite la parole et se lance dans des explications qui pour moi n’ont ni queue ni tête.

***

Mon premier mois de présence sur le tournage, si je dois en donner un synonyme est : compliqué.

Cet univers m’est inconnu, habituellement je ne reçois pas d’ordres ou des directives. Même si de plus hauts gradés se trouvent au-dessus de moi, je demeure tout de même chef d’une caserne à New York. Enfin… Je l’étais…

La cohabitation avec Silver représente également une épreuve, elle me traite comme un inconnu, c’est ce que nous sommes devenus, cependant l’endurer tous les jours m’est difficile.

Ma coopération sur le tournage pourtant semble convenir à certain, l’équipe technique et les cascadeurs, mais en ce qui concerne la tête d’affiche…Nos interactions restent tendues. Pourtant il a plus besoin de moi que je n’ai besoin de lui.

Son attachement à la petite brune, représente une certitude, mais de quelle façon je n’en sais rien.

Et encore une fois ça ne me concerne pas.

Tous les soirs après ma journée au studio, je rentre à mon hôtel, qui se situe non loin.

Ma vie sociale en dehors du plateau peut être qualifiée d’inexistante. Déprimant.

Pourtant, être seul avec mes pensées n’est pas une brillante idée, je ressens de plus en plus les coups au moral que m’occasionne cette solitude. Les événements tragiques du 11 septembre ont laissé des séquelles. Psychiques et physiques. On m’a forcé à consulter, à prendre des anxiolytiques mais me bourrer de cachetons hors de questions, je prends le minimum pour ne pas vaciller mais hors de questions de m’abrutir complétement. J’ai déjà ma dose avec ceux pour la douleur. Je gère donc comme je le peux mes crises d’angoisse.

Cependant le plus douloureux, reste de revoir Silver … Deux ans après, je regrette tous ces non-dits entre nous, sans parler de mon silence six mois plus tôt.

Non si je dois être honnête avec moi-même, la décision qui me ronge la conscience et qui impacte mon moral reste le jour où je l’ai vu pour la dernière fois. Le jour du tournant dans nos carrières.

Je rage intérieurement. Bordel, j’aurai dû réagir différemment.

Elle a fait son choix, et moi le mien. Inutile de revenir sur le passé. Il est immuable, le propre du passé.