Natia Kowalski Et que tombe la neige... Chapitre 2 : Géraldine ❄️

Chapitre 2 : Géraldine ❄️

Salle d'embarquement 21 - aéroport d'Amsterdam.

Mon avion pour Genève part dans dix minutes.


Mon passeport et mon billet en main, je tente de maîtriser ma respiration et les tremblements de mon corps. C'est loin d'être un franc succès. Une femme d'une cinquantaine d'années, juste derrière moi dans la file d'attente, semble percevoir mon mal-être et pose sa main sur mon épaule.


Elle me demande si je vais bien, mais je ne l'entends pas. Chaque son est décuplé. Un bébé qui pleure. Une femme qui éclate de rire à une blague de son mec. Une musique qui s'échappe d'une enceinte.


Un violent frisson s'empare de moi et je me recule brusquement.

Ne me touche pas.


Je me détourne avec un signe de tête d'excuse, espérant que cette femme n'envahira plus mon espace vital. Je déteste qu'on puisse se permettre de me toucher sans mon consentement, même si cela part d'un bon sentiment. Elle semble percevoir le sous-entendu, puisqu'après un coup d'œil suspicieux, elle revient à sa discussion sur l'investissement immobilier avec son cher mari, un homme au crâne dégarni et aux petits yeux bruns sévères derrière des lunettes rectangulaires. Sûrement un comptable ou un banquier.


Personnellement, l'idée d'acheter une maison, un appartement, ou même d'emménager avec quelqu'un me donne des boutons d'urticaires.


Je fixe mon attention sur l'hôtesse qui récupère les passeports et contrôle les billets.


Elle est souriante. Trop pour être sincère. Elle me fait penser à mon frère, Clément. Impassible, le sourire vissé aux lèvres. Jamais un mot plus haut que l'autre. Toujours tiré à quatre épingles. Il est professeur dans l'école élémentaire de notre village natal. La fierté de la famille.


Lui aussi sera là pour l'enterrement de notre grand-mère et pour les fêtes de fin d'année.


Est-ce qu'il aura la décence de verser une larme ? De fracturer le masque qu'il a mis des années à façonner ? Pas sûr. Il serait plutôt du genre à organiser les temps de la journée, en véritable métronome, pour éviter de trop penser. À quel moment mon grand-frère s'est-il transformé en cet homme rasoir qui masque la moindre de ses émotions ? Est-ce qu'il sera heureux de me revoir au moins ?


— Madame ?

— Oh, excusez-moi. J'avais la tête ailleurs.


L'hôtesse me répond par son sempiternel sourire figé. Je lui tends mon passeport et mon billet et elle m'indique la voie à suivre. Je me presse de rejoindre le troupeau de moutons sur le tarmac de l'aéroport pour embarquer.


Yvoire, nous allons nous revoir.


Mon jeu de mots pourri me tire une grimace de consternation. Je rajuste la sangle de mon sac à dos sur mon épaule et je monte dans l'avion.


Pas de retour en arrière cette fois, Géraldine.


Parking de l'aéroport de Genève.



Où est-ce qu'il est ?


Je suis arrivée depuis quinze bonnes minutes sur le parking de l'aéroport de Genève et je ne vois toujours pas l'ombre du chauffeur que ma mère a mentionné par SMS. Il fait horriblement froid et je resserre les pans de mon manteau autour de mon corps frigorifié. La description de ce type imaginaire, sur l'écran de mon portable, me nargue littéralement.


  • Brun, de taille moyenne, les yeux bleus. Tu le reconnaîtras, il porte une écharpe rouge.


Fabuleux. Si au moins cette écharpe rouge peut le démarquer de tous les hommes de cet aéroport, ce sera déjà un très bon point pour cet inconnu. Il s'appelle Miles, apparemment, et c'est le petit ami de Capucine, ma cousine. Ils sont ensemble et heureux en ménage depuis trois ans. Merci, maman, pour la petite remise à niveau familiale, je n'en demandais pas tant.


J'aurais juste aimé qu'il soit à l'heure, ce chauffeur ! Exaspérée, je jette un coup d'œil à ma montre avant de relever la tête vers le parking qui se remplit et se désemplit sans que je distingue la fameuse écharpe rouge.


Je vais finir par l'étrangler s'il continue à se faire désirer !


Je suis au bord de la crise de nerfs. Ma grand-mère vient de mourir, je n'ai pas revu ma famille depuis cinq ans, et ce connard trouve légitime que j'attende dans le froid sur le parking de l'aéroport ? Et s'il ne venait pas ? Si tout ceci n'était qu'une vengeance machiavélique orchestrée par ma mère ? Peut-être que Miles n'existe même pas. Merde, merde, merde, je panique.


Respire, Géraldine, respire.

Inspire par le nez, expire par la bouche.


— Est-ce que vous...


Je ne prends pas la peine de vérifier qui se trouve derrière moi. Je me retourne, excédée, avec la grâce d'un paon sous stéroïdes.


— Eh bien, enfin ! Vos parents ne vous ont jamais appris la ponctualité ?


Un grand type roux aux yeux verts me considère, ahuri. Il ne porte pas d'écharpe rouge.

— Mes parents sont morts, réplique-t-il de but en blanc.

— Vous n'êtes pas Miles, n'est-ce pas ?

— Non, je voulais juste vous demander l'heure.


Les joues rougissantes, je baisse la tête sur ma montre.

— Seize heures trente.


L'homme me remercie d'un signe de tête et reprend sa route. Je reste là un instant, sans savoir que dire ni que faire, à me traiter de tous les noms d'oiseaux que je connais, quand un deuxième inconnu se présente devant moi.


Celui-là est brun, les yeux d'un bleu clair... et il porte une écharpe rouge en laine. Cette fois, c'est bien le bon Miles. Les mains dans les poches de son manteau gris, il a l'air de se foutre de ma gueule. Sous une barbe brune mal rasée s'étale un rictus sarcastique qu'il a du mal à contenir.


Ne me dites pas que...


— Une arrivée en fanfare, assène-t-il en haussant un sourcil.

— Cela n'aurait pas eu lieu si vous étiez à l'heure !

— Après cinq ans d'absence, dix minutes n'ont pas d'importance.


Pardon ?! Il se prend pour qui, ce mec, à juger mes choix alors qu'on ne se connaît même pas ? Personne ne lui a dit qu'il ne fallait pas se frotter à Géraldine Truffaut ?


— Je pourrais repartir... et vous devrez expliquer mon absence à ma mère.

— Vous n'oseriez pas, Géraldine.


Il croise les bras sur sa poitrine. Son sourire de connard ne s'efface pas. Pire, il s'accentue.

Effet miroir, je l'imite. S'il veut jouer à ce petit jeu, il risque d'y laisser des plumes. Je regretterais certainement de ne pas dire adieu à ma grand-mère, mais, à cet instant, je n'ai besoin que d'une excuse pour retourner à Amsterdam et picoler toute la nuit avec un autre William.


— On parie ?


Il laisse passer plusieurs secondes, comme s'il essayait de déterminer mon degré de sérieux. Puis, son visage s'illumine, ses yeux luisent d'amusement et il désigne une Clio grise à cent mètres de nous. Disparu le rictus d'enfoiré.


— Je suis garé là-bas.

— Prodigieux...


Il me tend sa main en signe de trêve.

— Miles, enchanté.


Je fronce les sourcils, méfiante.


Pas autant que moi.

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70

70 commentaires

Leroux Ophélie

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Il y a 5 jours

Une rencontre piquante. Je me demande comment on va réussir à passer de la Géraldine qui ne veut surtout pas s'attacher à celle qu'on a vu au début, amoureuse à en crever en si peu de temps.

Natia Kowalski

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Il y a 5 jours

Je vais essayer que ce soit suffisamment naturel et fluide pour qu'on puisse comprendre son cheminement psychologique 😁

Sarael

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Il y a 8 jours

On sent bien la tension 🤣 Géraldine sait ce qu'elle veux c'est une fonceuse ! Le pauvre inconnu n'empêche 🤭

Natia Kowalski

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Il y a 8 jours

Ah oui, le pauvre a subi alors qu'il n'y était pour rien 🤣 Géraldine est une tête brûlée, très clairement ! 🤭

Justine_De_Beaussier

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Il y a 9 jours

Quel caractère, cette Géraldine ! Hâte de découvrir leurs joutes verbales 😉

Natia Kowalski

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Il y a 9 jours

Ahah, oui elle a énormément de caractère ! 🤣

Mapetiteplume

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Il y a 11 jours

Quelle rencontre je sens que leurs joutes verbales risquent de bien nous amuser 🤣

Natia Kowalski

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Il y a 11 jours

J'espère bien 🤣💖

Ama Ves

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Il y a 12 jours

La rencontre se passe TRÈS BIEN apparemment 😂 Je sens que leurs discussions vont être sympa pour la suite, ça sent la relation chien et chat ahah

Natia Kowalski

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Il y a 12 jours

Ahah plus ou moins en effet 😂 Mais pas que...
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