Fyctia

Cinnamon Girl

Lana Del Rey

En entrant dans le réfectoire, je me dirigeais directement vers Sarah. Je n’avais aucune idée de comment la saluer et une boule d’anxiété vint me compresser la gorge. Mes mains devinrent instantanément moites tandis que je m’asseyais doucement à côté d’elle. Elle tourna la tête vers moi et son regard tendre me réchauffa le cœur. Elle se pencha vers moi afin de m’embrasser et je la laissais faire tout en savourant l’étrange sensation de chaleur qui s’accentuait dans tout mon corps.

Je ne devais pas laisser mes doutes et mon anxiété m’éloigner d’elle, pas après ce que nous avions vécu ensemble.

Je lui souris timidement et elle replaça une mèche de mes cheveux derrière mon oreille.

Je me tournais ensuite vers Gwen pour la saluer quand je remarquais ses yeux ronds grands ouverts de surprise.

“ J’ai raté quelque chose ? Me demanda-t-elle.

– Il se trouve que Sarah et moi sommes…”

Je m’arrêtais là, ne sachant pas comment continuer.

“ Vous êtes quoi Hazel ?

– En couple. Nous sommes en couple Gwen.” termina Sarah.

Mais c’était moi qu’elle regardait.

C’était à moi que ce mot était destiné, à moi seule.

Je rougis tandis qu’un doux frisson me traversait.

En couple.

J’étais en couple.

Putain, j’étais en couple ?!

“En couple”, répétais je comme pour tester la sonorité du mot que cela formait et la mélodie qui en résultait dans mes oreilles.

Une chaleur s’installa au creux de mon estomac et j’eus envie de sourire à en avoir mal aux joues. Je n’avais jamais eu personne à part Raph sur qui me reposer. Personne à qui je pouvais confier mes secrets les plus profonds et mes peurs qui m’empêchaient inconsciemment d’avancer.

Je me sentais enfin complète et… entourée.

Et bien moi qui espérais seulement changer de vie en arrivant au canada, j’avais carrément trouvé ma moitié ! Comme quoi, la vie nous réservait toujours des surprises même quand on pensait ne plus y avoir droit.

J’avais environ vingt minutes devant moi avant de devoir partir organiser l’activité du jour alors je me dépêchais de me rendre à la tente pour prendre mon carnet et des crayons. Une fois mon attirail en main, je me laissais guider vers le lac qui entourait le camp et m’assis dans un petit coin ombragé.

J’observais les alentours et laissais mes yeux divaguer dans l’espoir que l’inspiration pointe le bout de son nez. Je n’avais jamais été la plus douée pour dessiner les paysages mais depuis quelques années, je m’essayais à de nouveaux projets qui me faisaient sortir de ma zone de confort. J’en sortais toujours grandie et fière d’avoir tenté quelque chose qui me semblait au départ être un obstacle insurmontable.

Bien que j’étais à l’origine venue dessiner le calme du lac, c’est le visage de Sarah qui m’apparut en premier comme une évidence. Il fallait que je le dessine. J’avais toujours été comme ça. Une fois l’idée venue, il m’était presque impossible d’y résister.

Alors je dessinais.

Je commençais par ses yeux, les mêmes que ceux dans lesquels j’aimais tant me perdre. L’image que me renvoyait mon esprit était terriblement provocatrice. Son regard était plein de vie et surtout, d’un marron profond. Ses joues, rosies par la chaleur, lui donnaient un air passionné et je tâchais alors de la représenter telle que je la voyais. Ses lèvres, tout aussi roses étaient pleines et d’une douceur infinie.

Je finis son portrait par sa frange qui mettait en valeur la complexité de son expression.

Elle était parfaite et c’était ce qui rendait mon croquis si parfait.

J’étais en train de poser les dernières touches de couleur quand je sentis une main se poser sur mon épaule.

Je sursautais violemment et en lâchais mon carnet.

Raph ?

“ Bah, qu’est ce que tu fais là ?”

Il était tout sourire, les bras croisés sur son torse. Pas de doute, c’était bien le Raph que j’avais connu toute ma vie.

“ Je dois t’avouer que je suis déçu, après un mois, je m’attendais au moins à un bonjour ! ”

Je me repris rapidement et l’enlaçais de toutes mes forces. Je ne pouvais pas dire le contraire, tout m’avait manqué chez lui. De son odeur jusqu’à sa fossette que je trouvais si mignonne.

Il avait laissé pousser sa barbe mais à part cela, il n’avait pas changé.

“ Excuse moi Raph, bien sûr ! Mais qu’est ce que tu fais là ?!

– Tu me manquais et je savais que si je n’allais pas au Québec, je ne te reverrai pas avant la reprise des cours.”

J’esquissais un sourire gêné. Je n’avais jamais eu l’intention de le ghoster mais je ne voulais pas non plus le brusquer.

“ Mais tu avais raison, reprit il. J’avais besoin de ce temps seul pour me recentrer et… Passer à autre chose…”

J’attendais qu’il finisse sa phrase mais il semblait vouloir changer de sujet. Alors que je tentais de trouver quelque chose à dire, il remarqua mon carnet, ouvert sur le portrait de Sarah.

Il le ramassa et l’observa d’un œil attentif. Raph avait toujours eu une certaine sensibilité à l’art et c’était peut-être pour cela aussi que nous nous étions toujours si bien entendus.

“ C’est très beau, je la connais ? Me demanda-t-il avec un air sincèrement intrigué.

– Non c’est ma… La voisine de mon grand-père et ma collègue ici aussi.”

Je n’avais absolument pas prévu de cacher ma relation avec Sarah… Seulement, lui dire que j’étais en couple alors que lui m’avait avoué un mois plus tôt m’aimer comme une femme et non comme sa meilleure amie, me paraissait inconcevable. Je lui avais déjà fait assez de mal comme cela. Il fallait juste que j’en parle avec Sarah et tout irait bien. Du moins, je l’espérais…

Sarah était au courant que mon meilleur ami et moi ne nous parlions plus vraiment depuis quelque temps mais je ne lui en avais jamais vraiment révélé la raison. Peut-être que si j’avais su que Raph venait nous aurions pu réfléchir ensemble à une solution mais j’étais toute seule et maintenant il était trop tard, je ne pouvais plus faire marche arrière.

“ Génial, je suis heureux de savoir que tu t’es fait des amies ici, j’ai hâte de les rencontrer. On pourrait sûrement bien s’entendre ! Et puis comme je reste quelques jours chez ton grand-père, ce sera l’occasion de passer du temps ensemble.

– C’est clair, ajoutais je d’un sourire forcé que j’espérais crédible.”

Grand-père était au courant… J’aurais dû m’en douter, lui qui me paraissait étrange au téléphone hier… Et bien il allait m’entendre !

Il ne m’avait pas dit que Raph venait ici alors qu’il était au courant. Non pas que cela ne soit pas une bonne surprise mais j’aurais tout de même aimé le savoir avant.