Fyctia

Je promène dans l'allée centrale du jardin d'Eden, là où les arbres sont protecteurs et les fleurs laissent apparaître toutes les nuances de couleur existantes dans l'univers. Quelques papillons tournent autour de mon âme céleste, pour me faire apprécier la splendeur de cet endroit que je n'ai jamais eu le droit de côtoyer auparavant. Au bout du chemin pavé, sur la gauche, une gazelle s'abreuve de l'eau claire et pure d'une petite cascade. Sur la droite, une arche divine s'illumine grâce aux rayons du soleil le plus radieux que je n'ai jamais vu.

Une fois arrivée devant la voûte sacrée, je remarque qu'un voile archangélique en protège l'entrée. Dès lors, je comprends que mon frère aîné est bel et bien fidèle au poste.

— Képhrénaëlle ! Ravi de te voir !

— Tu n'as pas changé mon frère, toujours aux ordres de Père pour m'empêcher d'accéder aux mystères de l'univers.

— Chère sœur … toi en revanche tu as changé. Regarde-toi !

— Que veux-tu dire ?

— Cette apparence … Ce n'est pas le fruit du hasard, tu es allée au bout de ton questionnement.

— Michel, tu sais bien que pour l'éternité à laquelle nous sommes voués, nous n'aurons jamais la moindre réponse. Et si je me souviens bien, tu étais le premier à nous dire que tu ne comprendrais jamais pourquoi notre père t'a ordonné d'emmener toute la fratrie lors de la création du libre arbitre.

— Oui, mais c'est ainsi. Il faut respecter ses choix …

— Il faut respecter ses choix ? … Il faut respecter ses choix ? Jusqu'à quand allons-nous rester conditionnés ainsi ?

— Tu sais petite sœur, rien n'est laissé au hasard, tout est exactement comme il devrait être. L'univers entier est à sa place.

— Non, justement, je ne le sais pas !

— Tu le sauras bien assez tôt, crois-moi.

— Qu'est-ce que ça signifie ça ?

Michel me salue et disparaît, prenant soin de sceller l'entrée vers le paradis avec son voile archangélique. Seules les âmes humaines en paix, peuvent désormais y accéder.

C'est bien le fils de son père lui ! Une malheureuse petite question et il prend la fuite.

"Tout est exactement comme il devrait être" … ma fugue par-delà les cieux est la preuve que non.

Soudainement, l'arche tremble, se tord, puis s'efface. Derrière moi, la gazelle se transforme en chien cornu aux yeux rouges et l'eau se transforme en feu. De gros frissons parcourent mon corps, et je ressens la pesanteur des ténèbres qui ont remplacé les rayons de lumière. Le vent glacial fait plier les arbres. Je ne suis plus en sécurité …

Je cours, je cours, je cours, seulement mes jambes s'alourdissent et mes pas se font de plus en plus lents. Le ciel nébuleux continue de s'intensifier et progresse dans ma direction pour m'entourer et m'emprisonner. J'entends désormais des cris de bêtes sauvages.

J'aperçois tous mes frères qui sortent de la masse nuageuse et qui crient en chœur :

— Traitresse déchue ! Traitresse ! Traitresse !

Je suis en en train de suffoquer, je n'ai aucune échappatoire.

Le chien de l'enfer se met en garde, grogne fort, puis s'élance de toute sa rage pour sauter sur moi. Les mains devant mon visage, je tente de me protéger, mais c'est impossible.

— Traitresse déchue ! Traitresse ! Traitresse !

Je hurle à en régurgiter mes cordes vocales :

— Noooooooon !

— Angie ! Angie ! Calme-toi ma belle.

Je reconnais cette voix à peine cassée et ce ton rassurant.

Mes paupières sont gonflées, je tente de les ouvrir, mais tout est un peu flou. J'ai comme l'impression d'être sur l'arche de Noé, tant tout est agité autour de moi. Un tambourinement frappe ma tête et une énorme sensation de nausée m'envahit.

Je me frotte les yeux pour essayer d'y voir clair et les rayons de soleil réapparaissent. Ils ont perdu en splendeur, mais au moins il n'y a plus cette obscurité macabre. Je sens une main se poser tendrement sur la mienne.

Je parviens enfin à retrouver le sens de la vue, j'aperçois alors ce beau visage entouré par une aura lumineuse.

Léa !

— Hé ben meuf ! C'était un sacré cauchemar …