Jay H. Et Dieu créa l'amour 2.4 Jonathan

2.4 Jonathan

C'est le cœur serré que j'ouvre la porte des toilettes. Serré, parce que je sais que Noah va vouloir sortir, me faire rire, me divertir, seulement je me complais dans mes lamentations. Je préfère ignorer la vérité plutôt que de l'affronter. Noah a raison et au fond de moi, je le sais. Je ne peux pas déprimer aussi longtemps pour une fille que je ne reverrai plus jamais. En réalité … c'est plus facile à dire qu'à faire.


— J'ai cru que tu sortirais jamais mon pote ! me dit-il tout sourire

— Ouais, bien ouej la réplique d'Eddie Murphy. Tu m'as eu là-dessus.

— Les amis, ça sert à ça je crois.


Il me donne une petite tape sur l'épaule, puis se dirige vers le frigo pour en sortir deux bières. Il ouvre ensuite le placard à côté pour prendre un paquet de chips. Les rayées, mes préférées.


— Oula mon pote ! Depuis quand tu bois ?


J'entends que lorsque je parle, mon timbre de voix part dans tous les sens, passant de l'aigu au grave sans ménagement. Comme un ado capricieux en pleine mue.


— Depuis que mon pote va mal …

— Et ton corps qui fait craquer les femmes ?

— On s'en fout, aujourd'hui c'est rien que pour toi, je sors le grand jeu !

— Ouais, je vois ça …


Je marque une pause, déglutis, puis je me caresse la barbe. C'est une manie que j'ai depuis de nombreuses années maintenant, dès que je m'apprête à dévoiler ce que je ressens.


— T'es vraiment un frère pour moi.

— Hé ! Tu ferais la même chose pour moi, réplique-t-il avant de sauter par-dessus le dossier du canapé.


Noah pose les bières et le paquet de chips sur la table basse puis attrape mon briquet pour décapsuler les bières. Il prend ensuite le paquet de clopes.


— Je peux t'en prendre une ? demande-t-il, un rictus au coin des lèvres.


C'est un vrai sketch qu'il me joue là !


— Si ça te fait plaisir !


Je reste planté, debout, et j'admire le spectacle. Il extirpe une clope du paquet, l'allume et tire dessus. Encore une fois, il réussit son coup, si tant est que son but était de me faire rire.


— Vas-y moque-toi ! C'est la deuxième cigarette que je fume dans ma vie. Normal que j'm'étouffe.

— Ah bon ? C'était quand la première ?

— En seconde au lycée, juste avant qu'on se rencontre toi et moi.

— Ah ouais t'avais envie d'essayer quoi !

— Non même pas, c'était juste pour emmerder Madame Turpin.

— La prof de maths ?

— Ouais ! Elle m'avait dit que mes notes étaient nulles et que j'étais un fumiste. Donc j'avais demandé une clope au mec derrière moi, je me rappelle plus son nom, et je l'avais grillée devant elle.


Il lâche la cigarette dans le cendrier et moi je pouffe, mon meilleur pote est complètement fou !


— Bon, je les bois seul ces binouzes ? dit-il en me tendant la mienne.


Je répète son mouvement du saut par-dessus le dossier du canapé.

Si seulement j'étais aussi habile que lui ! Mon tibia vient s'exploser contre le plateau de la table basse.

C'est au tour de Noah de s'esclaffer. Il s'allonge carrément, la tête plaquée contre l'accoudoir et les bras en croix sur le ventre. Son rire est communicatif. Je me tords de douleur, les mains sur mon tibia, mais je me tords aussi de rire.


Après plus d'une minute sans pouvoir nous arrêter, Noah se redresse, saisit une bière et devient bien trop sérieux.


— T'es au courant que je vais pas te lâcher mon pote ?


Je hoche la tête tout en frottant fortement l'os de ma jambe, les lèvres pincées à cause de la douleur. Lui, avale une gorgée avant d'ajouter :


— T'es peut-être mon manager au taf, mais en ce moment de crise personnelle, c'est moi ton manager. OK ?


J'acquiesce de nouveau. Ce n'est pas comme si j'avais le choix !

Noah pose une main chaude sur mon épaule, me fait un clin d'œil et boit sa Heineken d'une traite. Il exulte, un "Ahhh !" sort de sa bouche.


La sensation de brûlure commence à passer, je lâche donc ma jambe et décide d'en savoir plus :


— Et tu comptes aller où ce soir ?

— Franchement, j'ai pas décidé … mais t'inquiète, on va trouver.


Je hausse les épaules avant de griller une clope à mon tour.


— Sinon on peut rester ici à mater Netflix.

— Mon pote commence pas à te défiler ! dit-il un brin agacé. Primo, je crois que t'as toujours pas compris que je te laisse pas le choix, et deuxio, Netflix ça donne mal au crâne, t'as tellement de choix que tu sais plus quoi choisir.


Ah ! C'est rageant ! Une fois de plus, il a raison.


Il attrape son téléphone, tire une taffe, s'étouffe de nouveau, puis va sur Youtube.

C'est dingue, parce que ces enceintes m'ont coûté un bras et je ne suis même pas d'humeur à écouter de la musique.


— Oh ! Ces pubs de merde ! dit-il.

— J'avoue qu'ils rendent fou avec ça.

— Non mais là, j'ai redémarré l'application et ça bugge en boucle sur une pub.

— Tu peux pas l'ignorer ?

— J'ai essayé d'ignorer tout à l'heure, mais ils me la remettent au début. Et là, pareil ! … OK, on va la regarder votre pub.


Noah est plein de qualités, mais il y en a une qui n'est pas dans la liste … la patience.


Un peu plus tôt dans l'après-midi, il m'a tendu un piège pour que je le rejoigne dehors. Il a quand même réussi à me faire croire qu'il ne pouvait pas rentrer chez lui parce qu'il avait oublié son portefeuille, prétextant qu'il avait passé la nuit chez une fille à Paris centre. C'est vraiment à cause de mon état actuel que je n'ai pas tilté. Normalement j'aurais dû me dire que Noah, l'homme qui ne lâche jamais son iPhone, l'homme qui se tient au courant de toutes les technologies de pointes, avait forcément Apple Pay sur son téléphone.

Mais non, je n'y ai pas pensé sur le coup !


Après avoir rappliqué rue de Rivoli, il m'a avoué immédiatement que ce petit mensonge était un prétexte pour me faire sortir de mon appartement.

Il ne savait pas vraiment où aller, mais tant que j'étais là, ça lui allait !

Puis il a reçu une notification sur son téléphone disant qu'il y avait une super promo sur plein de vêtements à Printemps.

Il a choisi tout un tas d'articles, des jeans, des sweats à capuche, des chemises pour le travail, mais lorsque nous sommes arrivés devant la file d'attente pour payer et qu'il a vu une dizaine de personnes devant lui, il a jeté tous les vêtements sur un carré central et m'a lâché un "laisse tomber, on va chez toi !".

Honnêtement, moi ça me convenait très bien !


Noah affiche un léger rictus lorsque la pub se termine.


— C'est bon mon pote, je sais où on va aller prendre un verre !

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33 commentaires

Kalehu

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Il y a 2 ans

Mais où est-ce qu'il va l'emmener ? Je sens que ça va être haut en couleurs 😂

Jay H.

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Il y a 2 ans

🤣 Tu verras !

Margo H

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Il y a 2 ans

oui, c'est vrai...la barbe, c'est la barbe loll! Tout s'enchaine, comme d'ab, ta plume coule bien..

Jay H.

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Il y a 2 ans

Haha merci beaucoup Margo !! :)

Eva Boh

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Il y a 2 ans

Je me demande : ce tic de la barbe, c'est le tien ?

Jay H.

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Il y a 2 ans

ça aurait pu parce que j'ai une barbe, mais non ... en revanche, j'ai glissé une histoire personnelle dans le flashback de Jonathan :D

Jay H.

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Il y a 2 ans

Pourquoi tu me demandes ça ? Ca laissait cette impression à la lecture ? ...

Eva Boh

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Il y a 2 ans

Non, c’est cause de ta photo de profil. L’histoire de la fille que tu t’étais promis de séduire avec un plan précis ?

Jay H.

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Il y a 2 ans

Ah oui effectivement, la photo ! ;) ... Non la petite poupée barbie LOL (comme quoi il y a des trucs qui marquent dès le plus jeune âge 🤣)

Patricia Eckert Eschenbrenner

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Il y a 2 ans

👍👍👍
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