Fyctia

2015 - Oui, là c'est Noah et moi. Vous ne me reconnaissez pas ? C'est normal, je suis moins dégueulasse qu'avant. On m'a même dit à plusieurs reprises, hommes, femmes, que j'étais "beau gosse". Moi, je ne me trouve pas particulièrement beau. Certes j'ai fait recoller mes oreilles en 2008, certes mes boutons ont disparu, et certes ma coupe est propre et soignée. Mais tout de même, j'ai toujours un nez assez proéminent et des sourcils plutôt fournis, quoi que ce sont des signes de virilité pour certaines personnes. Sans parler du fait que l'acné ne s'est pas évaporé sans que la relève soit assurée. Les points noirs se sont alors tranquillement fait une place sur ma gueule de loser. Je n'en avais pas à outrance, mais quand même …

Un instant, je mets sur pause pour revenir à 2008. C'est aussi l'année où j'ai commencé à fumer et à découvrir les joies de l'alcool. Et l'année suivante, je découvrais d'autres joies, celles de l'érotisme avancé. Le ringard qui n'ose pas dire qu'il est devenu un homme, un vrai.

Inutile de dire que depuis cette année-là, au même titre que les paquets de cigarettes et les verres en soirée, j'enchaînais les relations exclusivement physiques.

Là, c'est Noah et moi en train de draguer des filles à une soirée organisée dans un appartement par l'une des connaissances de Noah. Vous l'aurez compris, le destin allait se mêler de ma vie …

Je remarque la superbe brune au teint hâlé qui distribue des râteaux aussi facilement que des tracts pour la campagne présidentielle.

A ce moment-là, je ne crois pas avoir forcément eu envie de l'aborder, malgré les incitations subtiles de mon meilleur pote, "vas-y mec, va l'emballer", "allez John, tente ta chance merde !". Je pense qu'inconsciemment, je savais que je mettrais en danger mon célibat avec cette fille, et donc ma liberté. Mais bon, j'étais un amoureux de l'amour complètement paumé qui se voilait la face.

Et nous revoilà, plus tard dans la soirée, elle et moi, côte à côte, devant ce qu'il restait du buffet. Quelques cacahuètes, quelques parts de pizza et, deux ou trois morceaux de charcuterie. Il était tard, Noah était déjà parti avec une conquête.

Elle et moi tendions la main en même temps sur un bout de pizza, et elle m'a sourit. A moi ? Impossible ! Avec tous les mecs qui l'ont branchée juste avant, c'était moi qu'elle foudroyait de son regard charmeur …

Au moment où la soirée tombait en ringardise avec une chanson du groupe Tragédie, je lui lançais une phrase du genre "Je t'ai remarqué, mais je n'osais pas venir te parler à cause de tous les mecs que t'as jetés" … Attendez une seconde ! Non, ce n'est pas du tout ce que j'ai dit. Je crois plutôt que c'était quelque chose du style "Contrairement à tous ces blaireaux écervelés, j'ai attendu patiemment d'avoir le plaisir de te parler". Ah ! Je ne me souviens plus exactement de ce que j'ai dit ce soir-là, mais on s'en fiche pas mal. Ce qui compte, c'est de savoir que j'avais pris son numéro et que nous nous étions revus.

Je ne le savais pas encore, mais sous cette carapace de petite créature frêle qu'on a envie de protéger, se cachait une tout autre personne.

2017 - Bon c'est clair que j'ai bâclé les détails … Notre premier baiser, notre première nuit d'amour, le moment où l'on s'est dit "je t'aime" pour la première fois et surtout, le moment où elle m'a demandé d'emménager chez elle, dans son loft parisien bien trop onéreux (même pour la capitale). Ce dernier point aurait dû m'alerter, mais je n'ai pas su lire entre les lignes.

Je vous présente le nouveau "moi" !

Me voilà avec de la barbe, dans les rues de Paris, à la recherche d'un travail stable, à distribuer des CV ça et là.

Et là, Noah m'appelle. C'est pour me proposer un job dans la boîte pour laquelle il bosse. Une sorte de start-up nouvelle génération qui aide les gens à se loger à bas prix.

Je n'avais jamais compris ce qu'il faisait jusque-là, mais Noah m'a annoncé le salaire hors primes, je n'allais pas cracher dessus.

En réalité je rêvais de faire taire l'autre dingo qui, pendant deux mois, n'a eu de cesse de me dire qu'elle payait le loyer seule. OK ma chérie, pas de problème ! Je reviens pour t'annoncer que désormais, c'est moi qui payerai la location. Et on verra la tête que tu feras !

Comment dire ? Là c'est moi quelques heures plus tard en train de la découvrir avec un autre homme. C'est vrai que j'avais dit que je rentrerais probablement en fin de journée, mais quand même Maëva … t'aurais pu faire tes petites affaires à l'hôtel !

C'en est suivi une série d'insultes bien senties et d'objets volants dans tous les sens. Son amant avait déjà pris la poudre d'escampette et pourtant je le voyais encore en train de la … je ne dirai pas le mot, par peur d'être trop grossier.

Pour faire simple, cette histoire d'amour illusoire était partie d'un malentendu, et malgré les avertissement de Noah, je ne voulais pas assumer la réalité (pour une fois que je n'avais rien gâché et que j'étais en couple avec une fille que je croyais ne pas mériter).

La vérité, c'était que Noah m'avait prêté des habits de marque pour la soirée où, elle et moi, nous sommes rencontrés. Ajoutez à ça mon assurance du moment, elle en avait déduit que j'étais blindé. Ah ! Les apparences !

Oui, car il lui aura fallu plusieurs mois pour s'apercevoir que j'étais un simple mec de 27 ans qui travaillait de temps à autre en intérim. Jusque-là, je vivais encore chez papa maman, donc mon épargne et les petits boulots me suffisaient pour mener la belle vie. C'était au moment précis où elle m'avait demandé de payer le premier loyer et que nous avons eu une violente dispute. Le culot monstre de cette fille ! Au passage, il s'agissait d'une dispute qui s'ajoutait à une longue liste d'autres embrouilles très toxiques.

Après tout, c'était de sa faute. Elle ne m'avait jamais questionné en profondeur sur mon travail, je lui disais que je multipliais les jobs et ça semblait lui convenir. Elle m'a avoué par la suite (lors du clash final) qu'elle pensait que j'étais un type modeste qui possédait plein d'affaires. Quelle sotte quand on y pense !

Histoire de boucler la boucle, elle se faisait entretenir par un autre homme tout le temps où nous étions ensemble … Le gars qui finançait son appartement, le même que celui qui était en sueur sur les draps au moment où j'ai débarqué à l'improviste. Elle comptait le larguer au moment où j'aurais été en mesure de payer le loyer. Je remercie le Ciel de ne pas être arrivé en fin de journée !

Maëva, une fille matérialiste, égocentrique et infidèle … Affaire bouclée.

Noah, le meilleur ami fidèle à lui-même, répétant les tentatives infructueuses pour me remonter le moral … Affaire à suivre.

Moi, effondré, le cœur en miettes, ayant perdu du temps dans une relation synonyme de néant ... Affaire archivée.

Vous pensez que j'avais touché le fond au niveau sentimental ?

Détrompez-vous … ma dernière histoire serait à inscrire dans le top 10 des romans à l'eau de rose les plus chaotiques !