Fyctia

Peut-être est-ce à cause de la connexion créée avec Léa que je ressens lorsque quelqu'un lui veut du mal ?

Je constate une sensation de brûlure au niveau de la gorge, du thorax et de l'estomac. Ces fruits étaient terriblement bons, mais quelle explosion corporelle !

De surcroît, mes pupilles réagissent lentement, ma vision n'est plus très nette et ma tête s'alourdit. Sans parler du tambourinement au niveau de mes tempes.

— Angie ? ... Angie !

Au son de la voix de mon guide, je récupère ma lucidité. Partielle, certes, mais je la récupère.

— Tu te sens bien meuf ? poursuit-elle

— Ouuuui je v... bien.

Une énième dissimulation.

En réalité, je lutte pour me sentir bien. Que m'arrive-t-il ?

— Moi je pense surtout que t'es bourrée meuf, dit la blonde en enchaînant avec une gorgée de sa composition, visiblement moins assommante que la mienne.

Bourrée ?

— T'es sérieuse Vic ? Elle a bu un verre.

C'est au tour du discret de donner son avis.

Je comprends donc que "bourrée" a un lien avec ce que je viens d'ingurgiter. Je me souviens que l'homme propre m'a demandé si j'étais certaine de ne pas vouloir mélanger avec autre chose. Je peux donc en conclure que mon alliage de fruits n'était pas le meilleur.

— Gars, t'as vu ce qu'elle a mis dedans ! Même Captain America commencerait à flancher.

— Faut la ramener chez elle ! lance le malaisant.

— Ouais ben chez elle, c'est chez moi pour l'instant.

— Tu recommences à accueillir la Terre entière chez toi … C'est une maladie ma parole !

— T'es gonflé toi de la ramener ! Parce que quand tu m'appelais complètement foncedé à 3 heures du mat pour coucher avec moi, ou quand on s'est mis ensemble alors que t'étais fauché et que tu savais pas où crécher, t'étais bien heureux … CHEZ MOI !

— Je vois pas le rapport … et puis, je t'ai jamais forcé il me semble …

Le ton à la fois calme et pugnace de cet homme est angoissant. Déjà que j'angoisse avec mon corps qui devient incontrôlable.

Je n'arrive plus à percevoir le regard de Léa. Je n'arrive même plus à articuler mes pensées. Oh quelle misère !

— Et c'est reparti ! … Nous, on va vous laisser, dit le discret tout en se levant de sa chaise. Angie, je pense vraiment que t'aurais dû tirer sur le joint quand je te l'ai proposé. On combat le mal par le mal comme on dit. A bientôt … ou pas !

— Oui, nous on vous laisse, surenchérit Vic en imitant son ami. Angie, t'as l'air d'être complètement cintrée … mais j'adore ! J'espère qu'on se reverra dans de meilleures conditions.

Les deux amis de Léa entrent dans l'établissement pour en ressortir un court instant plus tard. Enfin … Je crois que c'est un court instant. Voilà que je perds la notion du temps terrien maintenant !

— Les verres sont pour moi, indique Vic avant de s'en aller.

Le discret et elle, exécutent le rituel des joues sonores et partent dans deux directions opposées.

Il ne reste plus que Léa et le malaisant à mes côtés.

— T'es contente ? Tu nous as encore fait ton petit sketch. T'étonne pas qu'ils n'aient plus envie de sortir avec toi.

— Avec moi ? Tu ne t'inclus pas ? C'est moi la folle qui fait des scènes et toi tu n'y es pour rien ?

🎵 Make your mama sad type

Make your girlfriend mad tight

Might seduce your dad type

I'm the bad guy, duh

I'm the bad guy

I like it when you take control ...🎵

Ouf ! Les battements de mon cœur s'accélèrent, le monde tourne autour de moi, je ne maîtrise plus rien. Et la mélodie m'irrite les tympans.

— Non je ne m'inclus pas, en effet. Si tu veux tout savoir, plein de fois on est sortis sans toi, parce que Victoria et Maël en ont assez de tes enfantillages. Et à chaque fois, j'essaye de les convaincre que ça va bien se passer, que t'as tourné la page. Apparemment pas. Grandis un peu bordel !

Aïe ! Je reçois une grosse décharge électrique ! Est-ce dû à ce qui m'arrive depuis un moment ? Ou est-ce encore à cause de cet être désagréable ?

— Grandir ? Grandir ! Espèce d'enfoiré va ! Tu sais tout ce que j'ai fait …

— Je demande le pardon !

J'avoue avoir eu beaucoup de difficulté à modérer ma voix, mais je ne commande plus mon enveloppe corporelle. C'est elle qui me commande.

Elle décide donc que je me lève et je m'exécute.

Mon corps balance maintenant d'avant en arrière et je pivote légèrement pour m'adresser à Léa.

— Cet homme est mal int…

J'éructe fortement. Probablement la suite logique de toute cette machination humaine.

— Cet homme … Il te cache la v…

Je n'ai pu interrompre ce qui vient de se passer. J'ai senti un liquide glaireux remonter à la surface avant de venir se répandre sur la chemise blanche du malaisant. Lui qui tient tellement à son paraître !

— Mais bordel de merde ! Ma chemise ! T'es vraiment siphonnée toi ! Et ça c'est quoi ? T'as bouffé un oiseau ou quoi ? demande-t-il en pointant du doigt une plume.

J'entends Léa qui déclenche le rituel du nez plissé le plus bruyant que j'ai entendu aujourd'hui.

— Angie … Je t'a-do-re !

Je faiblis, je frissonne, je vacille.

Le malaisant se lève de sa chaise à la vitesse d'une étoile filante. Il s'approche de moi, puis bondit, les bras en avant.

Angiiiie !

La voix de Léa est désormais très lointaine.

Ma vision est complètement brouillée, mon organisme ne répond plus de rien, et mon esprit rétrécit.

Je m'éteins alors, tel un trou noir dans l'univers.