Fyctia

Après avoir marché un peu, nous sommes entrées dans ce qu'ils appellent un magasin. Très surprenant, ici tout a un nom, même ces fameux magasins. Nous en avons vu beaucoup depuis que nous sommes sorties du métro.

Si j'ai bien compris, les humains s'agglutinent comme des abeilles dans une ruche pour obtenir toutes sortes de choses. Parfois ils se bousculent et se hurlent dessus afin d'être les premiers à obtenir ce qu'ils veulent.

Le magasin dans lequel nous nous trouvons porte le nom de l'une des saisons créées par mon père. Finalement, les humains ne sont pas très originaux.

De ce que m'a dit Léa, c'est ici qu'on va trouver mon bonheur. Je ne sais pas ce qu'elle veut dire par là, j'ai tant à apprendre, mais je me laisse guider par cette femme à l'aura bienveillante.

— Essaye celui-là ! me dit-elle en me tendant un bout de tissu bleu déchiré.

C'est un autre constat que j'ai fait. Les hommes et les femmes portent souvent le même genre d'accoutrement et parfois, les vêtements sont déchirés.

— Mais c'est normal qu'il soit déchiré ?

— Bah oui meuf, c'est la mode ! Essaye-le ...

Je ne vais pas la contredire, elle qui essaye visiblement de m'aider. Je le prends.

Elle se penche ensuite pour agripper un vêtement dans une pile bien rangée. J'aperçois une ficelle noire qui semble rentrer dans ses fesses. Etrange ... est-ce que je vais aussi devoir porter ça ? Peut-être que ça sert à maintenir une certaine forme de chaleur. Il est vrai que j'ai froid sans rien sous mon accoutrement du bas. D'ailleurs, une curieuse sensation m'envahit à chaque souffle de vent froid. Dans le magasin, ça va, la température a l'air d'être régulée.

Elle me tend cette fois un bout de tissu blanc avec des dessins de toutes les couleurs. Je le prends.

— Maintenant qu'on a un pantalon pour remplacer ta mini-jupe et un t-shirt à la place de ton débardeur en dentelle, il nous reste ... hmm ... des sous-vêtements, puisque je suppose que tu ne portes rien, un pull, une veste, des chaussettes, des baskets et je crois qu'on est bon. T'as combien de budget ?

Encore avec ce "combien" ! Il va vraiment falloir que j'apprenne ce genre de code humain essentiel.

— Cette fois-ci, je comprends presque tout, je t'assure. Mais que signifie budget ?

Elle plaque une main contre son front et expire fortement. Puis elle se met à murmurer quelque chose, les yeux en direction du ciel. Comme si elle priait. Demande-t-elle quelque chose à papa ? Je tends l'oreille.

— Il fallait que ça tombe sur moi ! Une fausse prostituée SDF avec la culture d'une enfant de cinq ans, et il fallait que ça tombe sur moi bordel !

La voilà qu'elle secoue fortement la tête maintenant. Puis elle ferme les yeux un instant et inspire comme si elle voulait faire rentrer plus d'air que les poumons ne peuvent contenir.

— Bon okay ! T'es pas Julia Roberts, je suis pas Richard Gere, on va pas faire un remake de Pretty Woman. Donc on va aller chez moi et je vais te prêter des fringues.

Léa me fixe avec ses grands yeux marron clair. Je suppose qu'elle attend quelque chose de ma part, mais encore une fois, je n'en sais rien. Dois-je coller mes lèvres contre les siennes ? J'ai vu des humains faire ça dans les rues. Dois-je lui dire quelque chose ? Je ne sais pas, guide-moi femme !

Comme si elle avait entendu mes pensées, elle tend un bras vers moi et place ses doigts à la commissure de mes lèvres.

— Ahouïe ! Ça fait mal !

C'est donc ça la douleur physique. Ils doivent en baver ces pauvres humains ...

— Et oui, parce que t'es trop figée meuf ! C'est à se demander si tu ressens quelque chose. Ça, tu vois, ça s'appelle un sourire. Et généralement lorsque quelqu'un te propose son aide, tu souris et accessoirement tu dis merci. En plus, t'as des dents magnifiques, on peine presque à croire que t'es SDF.

Elle retire enfin ses doigts et la douleur disparait. Ensuite, elle prend tous les vêtements que je tenais, les jette sur une pile au centre et m'attrape la main.

— Allons chez moi, on se bouge ! ... Et c'est bon, tu peux arrêter de sourire maintenant.