Fyctia
Prise en charge
Je n’ai pas vu une seule seconde passer du voyage qui vient de me mener à l’aéroport. Vivre une journée de vingt heures en moins de quinze minutes, ça vous fait vite perdre contact avec la réalité. Même si j’ai l’impression que ma tête va exploser sous le stress des informations que je viens de traiter, je me sens beaucoup mieux qu’à mon réveil.
Il semble que mon cerveau se soit déchainé alors qu’il était libre de mon contrôle. En une journée, j’ai abattu plus de travail que durant les dix derniers mois et j’ai fourni des solutions viables à pas moins de cinq projets bloqués depuis déjà plusieurs semaines. Que ce soit en langage C, Python, Karel, Rapid, MotoPlus, j’ai défilé les lignes de programmation à une vitesse inimaginable dès mon arrivée à mon poste hier. Le plus surprenant est que les lignes apparaissaient sans même l’aide du clavier...Évidemment, cela aurait pu inquiéter mes collègues, mais il semble que j’ai fait tout cela dans le plus grand des secrets, sans jamais laisser paraître ma contribution active.
Seulement ceci est déjà incroyable, mais pourtant ce n’est que le début puisque j’ai ensuite passé le reste de ma journée sur des sites qui m’étaient inconnus jusqu’alors pour raffiner mes connaissances – pourtant quasiment nulles – sur le perfectionnement d’une intelligence artificielle ultraperfectionnée dont je n’avais pourtant jamais entendu parler.
Évidemment, jusque-là, rien ne justifie ma présence à l’aéroport.
Cette justification est venue sous la forme d’un courriel qui a abouti mystérieusement dans la boîte entrante de mon patron. Le sujet : demande de collaboration internationale. Le corps du message : une demande de ma présence au Japon dans deux jours pour participer à un colloque sur l’intelligence artificielle, tous frais payés, transport et salaire inclus.
Et je crois qu’ils se sont trompés sur le nombre de zéros pour le montant du salaire...
Pourtant, me voilà avec ma petite valise et mon billet de première classe devant le guichet avec une dame qui me regarde avec un sourire mielleux. Je ne sais pas si elle sourit ainsi à tous les riches hommes d’affaires qui se présentent devant elle ? De mon côté, je suis trop perturbé avec mes propres pensées pour m’imaginer quoique ce soit. En fait, j’ai presque l’impression d’être en transe tellement j’ai d’idées et d’informations qui circulent dans ma tête à cet instant précis.
Comme si cela n’était pas assez, j’ai la nette impression d’avoir accès à une multitude de données hétéroclites : arrivées et départ des avions, rapports d’inspection des appareils, horaire de l’employée devant moi...
Mais qu’est-ce qui se passe !?
Sur le bord de défaillir, je sens une fois de plus l’étrange chaleur derrière mon oreille, juste avant que la Voix résonne.
« Prise en charge des donnée entrantes. »
Comme par magie, mon esprit s’éclaircit alors que toutes les informations qui polluaient mes synapses convergent vers une destination qui m’échappe totalement. Devant moi, l’agente m’observe de son regard douceâtre en me remettant mon billet. Visiblement, elle n’a aucun doute de ce qui se trame dans ma tête, mais je peux remarquer que mon absence totale de réaction commence à la désespérer.
— Nous vous souhaitons un bon voyage, monsieur.
— Nous verrons bien.
Conscient que ma réponse est vraiment froide, je n’éprouve pourtant aucun remord. Je n’ai jamais aimé cette attitude hypocrite qu’ont souvent les gens envers les personnes mieux nanties. Voyez-vous, jamais je n’ai eu de tels regards à mon passage ici quand je présentais un billet de classe économique. Par contre, voilà qu’un billet de première classe change tout...
Cela vaut d’ailleurs aussi pour le passage de la sécurité. Habitué de devoir presque me retrouver en sous-vêtements lors de mes nombreuses visites précédentes, voilà que je passe comme une balle au travers de la ligne VIP, sans même devoir remettre mon téléphone ou même retirer mon oreillette ! Moi qui pensais avoir des problèmes avec la puce sous-cutanée, il est clair que je n’avais pas à m’inquiéter. Puisqu’il me reste près de deux heures avant mon vol en fin de compte, je me dirige au salon réservé à ma classe. J’avoue être curieux de découvrir l’endroit...
À cette heure matinale, peu de personnes sont présentes et j’ai tôt fait de passer l’accueil et de monter à l’étage. Or, à peine ai-je mis les pieds dans le salon que deux hommes se placent de chaque côté de moi. Inquiet, je veux reculer, mais une pression d’un objet dur dans mon dos m’indique que la résistance n’est pas une option pour le moment...
— Suivez-nous sans aucun geste brusque.
Ce n’est pas comme si j’avais le choix, mais je sens néanmoins quelque chose changer alors que la chaleur s’installe derrière mon oreille. Sans trop savoir pourquoi, je suis confiant de me sortir sans peine de cette situation qui laisse pourtant présager une menace pour ma personne. Alors que l’un des hommes bloque la porte de la salle d’eau dans laquelle nous venons d’entrer, le deuxième adopte une attitude clairement menaçante à mon endroit.
— Remets-nous la puce et on te laisse tranquille.
— Je n’ai aucune idée de quoi vous me parler, je...
Le coup de l’homme derrière-moi vient en un éclair sur la base de ma nuque. Plutôt robuste de nature, je reste debout, mais je dois combattre un étourdissement soudain qui menace dangereusement mon équilibre. Je remarque alors le pistolet à impulsions électriques dans la main de celui qui m’a adressé la parole. Sans attendre, il s’avance vers moi et appuie l’arme sur mon corps.
Certains de défaillir, je serre les dents alors que le cliquetis des impulsions électriques emplis le petit local dans lequel nous sommes enfermés. La sensation est clairement désagréable, mais je dois avouer que je m’attendais à bien pire de ce genre de dispositif. En fait, j’ai la surprise de trouver l’expérience... intéressante !
Visiblement, mon agresseur ne partage pas mon opinion, car il affiche un air franchement estomaqué alors que je le regarde droit dans les yeux pendant qu’il décharge la batterie de son appareil dans mon corps pourtant toujours debout.
— Mais comment est-ce po...
Cette fois, c’est moi qui lui coupe la parole alors que je le frappe à la nuque d’un geste vif et sec, geste que je répète l’instant suivant sur son collègue avant même que son corps ne touche le sol.
Non, je n’ai aucune idée d’où me viennent ces aptitudes pour les arts martiaux.
Ni d’ailleurs comment mon corps a pu résister à une décharge de plusieurs dizaines de milliers de volts.
Et encore moins sur ma capacité de pirater sans aucun appareil la serrure électronique de la porte d’entrée de la salle d’eau...
C’est clair, j’ai l’impression d’être devenu l’androïde Data dans la célèbre série Star Trek.
« Prise en charge du lien physique complétée. »
Il semble que la Voix possède quelques réponses en fin de compte...
42 commentaires
Pénellope Van Haver
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Il y a 4 ans
Sonyawriter
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Il y a 4 ans
Isabelle-Marie d'Angèle
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Il y a 4 ans
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Il y a 4 ans