Fyctia

Cette fois-ci, je n'avais pas pu encaisser une nouvelle fois son rejet. Je ne voulais plus jamais voir en lui mon persécuteur, quelqu'un qui me faisait souffrir. Ici, maintenant, nous n'étions plus des enfants. Nous étions maintenant adultes, nous étions devenus plus forts. Je ne voulais plus être ce pleurnichard qui le saoulait. Je voulais être son égal, je voulais qu'on se parle à cœur ouvert pour enfin nous libérer de cette étreinte qui nous avait fait égarer dans la haine, la colère et la peine.

Alors, s'il fallait passer par la force et la violence, alors soit je m'y pliais. Je ne voulais pas rejeter cette partie de notre relation, parce que la rejeter signifiait de rejeter une partie d'Ash. Et je refusais ça. Ce que m'avait dit Aris et Belle avait enfin mis en lumière la porte pour comprendre les sentiments confus que je ressentais pour Ash.

Au nom de ces sentiments, je m'étais engagé dans ce duel, y mettant toute ma force et ma volonté. Chaque coup que je lui donnais, je lui prouvais que j'étais devenu fort. Chaque riposte attestait que je pouvais encaisser sa force, extériorisant toute la merde que j'avais gardé. Toute ma colère refoulée, toute ma peine contenue, tous ces sentiments étaient dans cet ultime combat. Nous avions laissés nos poings exprimés cette acide qui nous consumait, et clore ce chapitre.

Qu'importe la finalité, j'y avais mis tout de moi. Même, si là et maintenant, j'étais vaincu.

- C'est fini. J'ai gagné, little shit, lâcha Ash avec le souffle haché, un sourire crispé, mais victorieux au lèvres.

Je respirais vite, je dégoulinais de sueurs après m'avoir autant démené. Chaque inspiration poussait contre les débuts d'ecchymoses qui se présageaient le long de mon torse. L'une de mes pommettes était enflée, envoyant des vagues de souffrances lorsque j'ouvrais la bouche. Cependant, Ash n'était pas dans un meilleur état que moi. Du coin de l’œil, je pouvais voir que je lui avais fendu la lèvre, ainsi qu'un début de bleu sur son profil gauche.

Comme un seul homme, nous nous laissions tomber au sol, à bout de souffle. Moi sur le ventre, Ash sur le dos, on se regardait. Je fus le premier à prendre la parole :

- Je t'ai tout de même bien amoché.

- Ouais, pour une petite nature comme toi, tu es plutôt fort. Mais j'ai gagné.

Je grognais en levant les yeux au ciel, mais je ne cherchais pas à cacher mon sourire. Là où certain voyait de l'arrogance, je voyais le moteur de la force d'Ash. Certes, il était mal engueulé et orgueilleux, mais c'était son orgueil qui lui permettait d'atteindre ces objectifs.

- Tu sais ce qui m'a toujours fait chier, chez toi ? me confia Ash, d'une voix détendue qui attira toute mon attention. C'est même si je suis plus fort, tu viens toujours à mon secours. Comme si j'avais besoin d'être sauvé...

- Je n'ai jamais cessé de te courir après. Et je ne compte pas arrêter, répliquais-je en tirant la langue.

- Ne fais cette tronche de mocheté, grogna à son tour Ash en contradiction avec son sourire en coin. Tu me files la gerbe.

Je souriais comme un imbécile, tellement heureux de me sentir bien.

Ce n'était pas l'amour comme je l'avais vu à la télé ou dans les livres.

C'était plus fort que de l'amitié, plus fort que de la rivalité, bien plus fort que tout ces mots. Qu'importe l'étiquette qu'on pourrait mettre sur notre lien, je n'avais qu'une seule certitude : Ash avait une place particulière dans mon cœur et personne ne pouvait prendre sa place.

- Aïe, gémis-je en posant une main tremblante sur mon visage contusionné. Ça fait mal sourire.

- Little nature..., me nargua le blond, me donnant un faible coup sur mon bras.

- Essaie, le provoquais-je.

Ash me lança un regard noir, en serrant les dents. Je savais qu'il ne me le dirait pas, mais lui aussi devait avoir souffrir autant que moi. Cela déclencha un rire auquel il se mit à beugler après moi, mais je continuais de rire. Parce que je ne voyais plus de haine dans son regard. Le souffle me manqua rapidement et je me crispais sur le flanc.

- On fait quoi ? On reste ici ?

- Ma chambre est plus proche que la tienne, rétorquait le blond en détournant les yeux.

Je ne pus m'empêcher de rougir en repensant à cet après-midi. Je baissais les yeux, en tendant doucement la main pour effleurer la sienne. Mon cœur battait vite et fort alors que j'appréhendais un rejet. Pourtant, il laissa ma main se glisser dans la sienne. Puis, il m'emprisonna entre ses doigts. Malgré moi, les larmes se pointèrent, ruisselant sur mon visage.

- Merde, tu chiales ?

- Non, bégayais-je d'une voix qui laissant transparaître mon soulagement. Je suis juste... heureux.

Je me redressais avec lenteur, les dents serrés. Cependant, je ne me plaignais pas : on l'avait bien cherché. Du coin de l’œil, je pouvais voir Ash en faire de même. Il peinait autant que moi. Or, il se contenta seulement de reprendre ma main, sans rien dire, et de se mettre à marcher.

Gêné, je n'osais pas parler. Voir cette facette de lui, calme et détendu, me rendait heureux et serein. Il se faisait tard lorsque nous pénétrions dans le bâtiment. Une dizaine de minutes plus tard, sans avoir croisé personne, je repassais par la porte que ce matin, j'avais quitté la tête en vrac.

- Tu es mieux de pas me refaire le sale coup de tantôt, gronda Ash en me lançant un coup d’œil par-dessus son épaule.

- Ça veut dire que tu veux de moi ?

Ash ne répondit rien le temps que je pénètre dans la chambre et de fermer la porte derrière moi. Dans l'intimité de cette chambre, il s'approcha à un cheveu de moi, m'obligeant à renverser la tête vers l'arrière pour pouvoir le regarder dans les yeux. L'intensité avec laquelle il me fixait me rendit muet.

- Ça veut dire que je ne te laisserais plus partir, little nature.

Cette fois-ci, il m'interpella avec ce surnom, mais je ne sentais plus de connotation négative. Je rougis à sa déclaration, bouche bée par ces mots si inédits. Les pupilles de ce dernier se dilatèrent, accélérant mon rythme cardiaque.

- Tu me donnes envie de te mordre quand tu me lances ce regard, susurra Ash en se penchant vers moi.

Je déglutis, hypnotisé par la voix et le regard du blond. Je voulais qu'il m'embrasse, alors je laissais mes paupières se fermer. Cependant, une main saisit ma joue intacte pour la pincer. J'émis une plainte au moment où Ash s'exclama :

- Arrête de faire cette tronche ! Allons dormir.

Il me saisit la main pour me forcer à le suivre, puis il m'y poussa. Je rebondis sur le lit avant qu'il ne me rejoigne. D'un mouvement du bras, il nous avait recouvert de sa couverture avant même que j'aille pu dire quelque chose d'intelligible. La proximité d'Ash venait de faire planter mon cerveau. Il se blottit dans mon dos, m'emprisonnant de son bras. Je sentais son souffle sur ma nuque, comme cet après-midi.

Pourtant, tout était bien différent : j'étais décidé à rester ici, près de lui.

Certes, l'avenir était encore flou, mais je voyais le chemin devant moi. Et je n'étais pas seul : Ash est là.