Fyctia

Annabelle reste un instant immobile, son café refroidissant entre ses mains. La silhouette de Victor a disparu, et pourtant, la sensation de son effleurement persiste encore sur sa peau, comme une brûlure invisible.

Elle secoue légèrement la tête, tentant de chasser cette étrange impression. Ce n'était qu'un simple contact, presque accidentel. Alors pourquoi son cœur refuse-t-il de retrouver un rythme normal ?

Poussant un soupir, elle finit par se lever à son tour, laissant son plateau sur la table avant de quitter la cafétéria.

La matinée est fraîche, mais elle n'y prête pas attention. Ses pensées restent fixées sur Victor, sur cet instant fugace où il a baissé sa garde… avant de fuir comme si le simple fait d'avoir été proche d'elle l'avait terrifié.

Elle resserre son écharpe autour de son cou et se dirige vers son premier cours de la journée.

Une atmosphère particulière se dégage quand elle rentre dans la salle.

Le cours de ce matin est assuré par le professeur Malric. Annabelle l'aime bien. Contrairement à d'autres enseignants qui récitent leur matière d'un ton monocorde, Malric a une façon bien à lui de captiver ses élèves. Il ne se contente pas de leur donner des connaissances, il les fait vivre.

Dès qu'elle entre dans la salle, elle envoie immédiatement une différence. L'air y est plus lourd, presque chargé d'une tension sourde, comme si quelque chose flottait dans l'espace entre les murs couverts de tableaux et de bibliothèques remplies d'ouvrages anciens.

Elle prend place à son bureau habituel, au milieu de la salle, là où elle peut observer sans être trop exposée.

Le professeur Malric entre, ses lunettes glissant légèrement sur son nez, et pose un volume épais sur son bureau avant de balayer la classe du regard.

— Aujourd'hui, nous allons parler de la perception et de la conscience.

Sa voix grave résonne dans la salle, attirant immédiatement l'attention des élèves.

— Savez-vous à quel point nos sens nous trompent en permanence ?

Annabelle fronce légèrement les sourcils.

— Nous croyons voir, entendre, ressentir la réalité… mais tout est une interprétation. Notre cerveau filtre, altère, transforme ce que nous percevons pour le rendre compréhensible.

Il marque une pause, observe ses élèves un à un.

— Mais que se passe-t-il lorsque quelqu'un 'un perçoit différemment ? Lorsqu'il voit au-delà du filtre ?

Un silence s'installe.

Annabelle a envoyé un frisson remonter le long de sa nuque. Il y a quelque chose d'inexplicablement troublant dans ce cours, comme si les mots du professeur résonnaient au-delà du simple savoir académique.

Elle ne peut s'empêcher de penser à Victor.

Sa manière de toujours observer le monde avec cette distance, cette méfiance, comme s'il voyait quelque chose que les autres ne pouvaient pas percevoir.

— Certains diraient que c'est une malédiction, d'autres un don, reprend Malric en croisant les bras. Mais une chose est sûre : ceux qui perçoivent autrement sont souvent les plus isolés.

Annabelle retient son fils soufflé.

Ce n'est pas possible… Il ne parle pas de Victor, bien sûr. Mais pourtant, chaque mot semble le décrire parfaitement.

Elle jette un regard furtif vers la porte.

Et son cœur manque un battement.

Victor est là.

Appuyé contre l'encadrement, comme s'il hésite à entrer. Son regard sombre glisse sur la salle, puis s'arrête sur elle.

Annabelle a envoyé un frisson à la traverse.

Il ne bouge pas.

Je l'observe.

Puis, aussi furtivement qu'il est apparu, il disparaît à nouveau.

Elle reste figée, incapable de détourner le regard de l'endroit où il se tenait une seconde plus tôt.

Le professeur Malric reprend son explication, mais Annabelle n'écoute plus.

Pourquoi était-il venu ?

Et pourquoi avait-il l'air aussi troublé qu'elle ?