Fyctia
L'écho des non-dits
Annabelle marche d'un pas rapide à travers les couloirs de l'université, son sac en bandoulière frappant doucement contre sa hanche. Son esprit est en désordre.
Le cours l'a troublée bien plus qu'elle ne veut l'admettre.
Ce n'est pas seulement le sujet abordé par le professeur Malric qui la met mal à l'aise, mais la manière dont ses paroles ont résonné en elle, comme si elles s'adressaient directement à quelque chose d'enfoui, d'indéfinissable.
Et puis, il y a eu Victor.
Son apparition brève, presque fantomatique, et ce regard intense, chargé de quelque chose qu'elle n'arrive pas à nommer. Pourquoi était-il venu ? Il n'avait même pas assisté au cours. Avait-il écouté depuis le couloir ?
Un frisson remonte le long de son échine.
Elle secoue la tête, tentant de chasser ces pensées. Elle a besoin de calme.
Un refuge dans le silence.
Annabelle se dirige vers l'un de ses endroits préférés de l'université : l'aile nord du bâtiment principal. Peu d'étudiants viennent ici en dehors des heures de cours, et c'est justement ce qui la pousse à s'y refuge.
Elle pousse la porte d'une petite salle d'étude presque déserte et s'installe près de la fenêtre. La lumière tamisée de la fin de matinée projette des ombres douces sur le sol. Elle inspire profondément, posant ses coudes sur la table avant d'appuyer son front contre ses mains.
— Pourquoi est-ce que je pense autant à lui ? murmure-t-elle pour elle-même.
Elle n'a jamais été du genre à s'attacher sur quelqu'un. Encore moins sur quelqu'un comme Victor, aussi distant, aussi insaisissable.
Mais depuis hier, c'est comme s'il s'était glissé dans un coin de son esprit, refusant de s'en détacher.
Et ce cours n'a rien arrangé.
Les mots de Malric lui reviennent en mémoire : ceux qui perçoivent autrement sont souvent les plus isolés.
Vainqueur. Toujours seul. Toujours en retraite.
Pourquoi at-elle l'impression qu'il porte un fardeau invisible, quelque chose que personne d'autre ne peut comprendre ?
Elle serre les poings, troublée.
— Annabelle ?
Sa tête se relève brusquement.
Une silhouette familiale se tient dans l'encadrement de la porte.
Vainqueur.
Son cœur bat un battement.
Il est là, hésitant, comme s'il n'était pas de sa propre présence en ces lieux sûrs. Son regard sombre glisse sur elle avant de se détourner légèrement.
Elle se redresse sur sa chaise, tentant de masquer son trouble.
— Tu me suis, maintenant ? dit-elle avec un léger sourire, espérant alléger l'atmosphère.
Victor ne répond pas immédiatement. Il avance lentement dans la pièce, refermant la porte derrière lui avant de s'adosser au mur, les bras croisés.
— Le cours t'a été décerné.
Ce n'est pas une question.
Annabelle fronce légèrement les sourcils.
— Et comment le sais-tu ?
— Je t'ai vue.
Elle cligne des yeux, surprise.
— Tu m'observes ?
Un silence s'installe. Puis, à sa grande surprise, Victor laisse échapper un léger rire, presque imperceptible.
— Tu ne te rends pas compte à quel point tu es transparente.
Annabelle croise les bras à son tour, défiant son regard.
— Et toi, alors ? Tu passes ton temps à fuir.
Victor détourne les yeux, sa mâchoire se contractant.
— Je ne fuis pas.
— Ah non ? Alors pourquoi tu es parti si brusquement ce matin ?
Un silence.
Victor reste immobile, ses doigts crispé les bras toujours croisé.
Annabelle le scrute attentivement. Il est toujours aussi énigmatique, toujours aussi difficile à cerner… mais il y a quelque chose dans son attitude, dans sa posture tendue, qui lui donne l'impression qu'il est en conflit avec lui-même.
Elle se lève lentement et s'approche de lui.
— Victor…
Il tressaille légèrement en entendant son prénom.
— Qu'est-ce qui se passe ?
Il ferme les yeux, comme s'il luttait contre quelque chose. Puis, lorsqu'il les rouvre, Annabelle envoya un frisson la traverser.
Il y a quelque chose de différent dans son regard.
Quelque chose de troublant.
— Tu ne devrais pas essayer de comprendre.
Sa est voix plus basse, plus rauque.
Annabelle a envoyé son cœur s'emballer.
— Pourquoi pas ?
— Parce que ça ne mène qu'à des questions dont tu ne veux pas entendre les réponses.
Il passe à côté d'elle et se dirige vers la sortie.
Annabelle reste figée, partagée entre l'envie de le retenir et la peur de ce qu'elle pourrait découvrir.
Avant de franchir la porte, Victor s'arrête une dernière fois et, sans se retourner, murmure :
— Reste loin de moi, Annabelle.
Puis il disparaît, la laissant seule avec un millier de questions qui tourbillonnent dans son esprit.
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