Fyctia
Un frisson inattendu
Le lendemain matin, la cafétéria est déjà animée lorsque Annabelle y entre. Les élèves sont répartis en petits groupes, certains encore à moitié endormis, d’autres en pleine discussion animée. Elle attrape un plateau et se dirige vers le buffet, choisissant un café noir et quelques tartines avant de chercher une place libre.
Son regard balaie la salle et s’arrête sur une silhouette familière, assise seule près de la baie vitrée. Victor.
Comme toujours, il affiche cette expression distante, ce mur invisible qu’il dresse entre lui et les autres. Son regard sombre est perdu dans la contemplation de son assiette à peine entamée.
Annabelle hésite. Elle sait qu’il n’est pas du genre à apprécier la compagnie, mais quelque chose chez lui l’attire inexorablement. Peut-être ce silence, ce mystère qui l’entoure. Peut-être aussi ce qu’elle a cru percevoir la veille, une faille infime dans son armure de froideur.
Prenant son courage à deux mains, elle s’avance et pose son plateau en face du sien.
— Salut.
Victor lève à peine les yeux.
— Salut.
Son ton est neutre, mais il ne l’envoie pas balader. Un bon début.
Annabelle prend une gorgée de café et s’installe confortablement. Un silence s’installe entre eux, ponctué par le bruit ambiant de la cafétéria.
— Tu es toujours tout seul ? finit-elle par demander.
Victor hausse légèrement les épaules.
— Je préfère.
Annabelle sourit, amusée.
— Ou c’est juste plus simple comme ça ?
Cette fois, il relève le regard vers elle, intrigué.
— Qu’est-ce que tu veux dire ?
— Quand on est seul, on n’a pas à se soucier des autres, de ce qu’ils pensent, de ce qu’ils attendent de nous. Ça évite les complications.
Victor l’observe un instant, puis baisse les yeux sur son café.
— Peut-être.
Sa voix est plus basse, comme s’il réfléchissait à ses propres mots. Annabelle sent qu’elle a touché quelque chose, un début de fissure dans cette carapace de distance.
Elle s’apprête à parler à nouveau lorsqu’un geste de Victor la surprend. Il tend machinalement la main vers la sienne, leurs doigts effleurant brièvement la surface froide de la table.
C’est infime. Presque rien.
Mais pour Annabelle, c’est comme une décharge. Son cœur s’emballe.
Elle lève les yeux vers lui, et à cet instant, Victor semble se rendre compte de son geste. Son regard s’assombrit. Un battement de cœur plus tard, il se lève brusquement, faisant racler sa chaise contre le sol.
— Je dois y aller.
Annabelle n’a même pas le temps de répondre qu’il a déjà tourné les talons, disparaissant entre les tables.
Elle reste figée, son cœur battant encore à un rythme affolé.
Elle ne sait pas exactement ce qu’il s’est passé.
Mais une chose est sûre : ce n’était pas rien.
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