Fyctia

L’après-midi arriva, et Annabelle se retrouva dans la bibliothèque, plongée dans une réflexion intense. Assise à une table, entourée d’une pile de livres sur l’histoire des « méchants » célèbres, elle revoyait en boucle les événements de la matinée. Les mots de Malric résonnaient encore dans son esprit.

« La faiblesse n’a pas sa place ici. »

Elle se mordilla la lèvre, le regard fixé sur un passage relatant les actions d’un célèbre criminel d'autrefois. Chaque ligne semblait la ramener à cette même question : devait-elle vraiment renoncer à ses émotions pour réussir ? Sa conscience refusait de s’éteindre, malgré la formation impitoyable qu’on leur infligeait. Victor, lui, semblait avoir franchi ce cap depuis longtemps. Mais à quel prix ?

Soudain, le bruit léger d’une porte qui s’ouvre et se referme doucement attira son attention. Elle leva la tête et vit Lisa entrer dans la bibliothèque. Lisa, avec ses longs cheveux blonds attachés en une tresse lâche, incarnait toujours une forme de douceur dans cet environnement hostile. Mais Annabelle savait qu'elle était tout aussi redoutable qu’eux tous.

Lisa repéra Annabelle et s’approcha avec un sourire en coin, posant son sac sur la table avant de s'asseoir face à elle.

— Alors, tu te plonges dans l’histoire des grands criminels maintenant ? lança-t-elle d’un ton taquin, jetant un coup d’œil aux livres éparpillés.

Annabelle haussa les épaules, mal à l’aise.

— Il faut bien comprendre ce qu’on nous demande de devenir, non ? répondit-elle, une pointe de sarcasme dans la voix.

Lisa l’observa un instant en silence, comme si elle sondait ses pensées. Puis elle se pencha en avant, croisant ses bras sur la table.

— Je t’ai vue ce matin, dit-elle doucement. Tu n’étais pas à l’aise avec ce que Victor a fait, n’est-ce pas ?

Annabelle soupira. Lisa avait ce don pour aller droit au but. Elle se laissa aller contre le dossier de sa chaise, ses yeux fixant le plafond comme si elle y cherchait une réponse.

— C’était une simulation… Mais tout avait l’air tellement réel. Les policiers, leur souffrance… Ça m’a dégoûtée. Victor, lui… il a juste fait ce qu’on attendait de lui. Je ne sais pas si je pourrai un jour faire comme lui.

Lisa resta silencieuse un moment, puis hocha doucement la tête.

— Ce n’est pas facile, admit-elle. On nous pousse à devenir des monstres, à embrasser notre rôle de « méchant ». Mais ça ne veut pas dire qu’on doit perdre tout ce qui fait de nous des humains. Tu as ressenti quelque chose ce matin, et c’est important. C’est ce qui te différencie.

Annabelle cligna des yeux, surprise par la douceur des paroles de Lisa. Une partie d’elle se sentait soulagée d’entendre quelqu’un d’autre exprimer ce qu’elle ressentait.

— Tu penses que c’est une faiblesse ? demanda-t-elle, incertaine.

Lisa secoua la tête.

— Non. C’est une force, si tu sais comment l’utiliser. Mais tu dois faire attention… Dans cet endroit, ils ne voient pas les choses de cette façon. Si tu veux survivre, tu devras trouver un équilibre.

Un silence s’installa entre elles, chargé de pensées non dites. Annabelle sentait un poids sur ses épaules, une pression qui menaçait de l'écraser. Ce qu'elle voulait, c’était se prouver qu’elle pouvait réussir ici sans devenir une personne qu’elle détesterait.

Lisa brisa le silence en se levant de sa chaise.

— Tu devrais sortir un peu. Ça te fera du bien de prendre l’air et de laisser tout ça derrière toi, ne serait-ce qu’un instant.

Annabelle hésita un instant, puis se leva à son tour. Peut-être que Lisa avait raison. Peut-être qu’elle avait besoin de s’éloigner de ces livres, de ces pensées sombres, pour retrouver un peu de clarté. Elle hocha la tête.

— D’accord. Allons-y.

Lisa lui sourit et l’entraîna vers la sortie de la bibliothèque.