Fyctia

Annabelle sentit ses pas ralentir alors que ses pensées tourbillonnaient. La conversation avec Lisa l’avait ébranlée plus qu’elle ne l’aurait voulu. Le lien qu'elle partageait avec Jérémy était unique, tissé de souvenirs d'enfance, de rires et de peurs partagés. Mais aujourd’hui, ce lien semblait se fissurer sous le poids des attentes et des rôles imposés.

Elle inspira profondément, essayant de rassembler son courage. Une partie d’elle voulait se tourner et s’éloigner, retourner à l’abri de sa classe, là où tout était froid mais familier. Pourtant, l’autre partie, celle qui savait que leur relation était plus forte que les étiquettes qu’on leur avait collées, la poussait à avancer.

— Lisa, tu as raison, murmura-t-elle, presque pour elle-même. Il n’est pas trop tard pour essayer.

Sans un mot de plus, Annabelle commença à marcher vers Jérémy. Ses pas, d’abord hésitants, devinrent plus assurés. Elle le vit rire légèrement à une remarque de Léo, mais le sourire qui apparut sur son visage était fragile, presque forcé. Elle connaissait trop bien ce sourire.

Quand elle arriva à leur hauteur, Léo la remarqua en premier et fit un signe de tête à Jérémy, qui se retourna pour la voir s'approcher. Leurs regards se croisèrent, et pendant un instant, le temps sembla s’arrêter. Ce n’était plus Jérémy, le Héros, et Annabelle, la Méchante. C’étaient juste eux, frère et sœur, devant l’inconnu.

— Salut, dit-elle enfin, la voix légèrement tremblante.

— Salut, répondit Jérémy, visiblement surpris mais pas mécontent de la voir.

Léo, percevant l’importance du moment, leur adressa un sourire avant de s’éloigner discrètement, laissant les deux frères et sœurs seuls.

— Je… je voulais juste savoir comment tu allais, continua Annabelle, jouant nerveusement avec une mèche de cheveux. Ça fait un moment qu’on n’a pas vraiment parlé, tu sais ?

Jérémy hocha la tête, son regard devenant plus intense, comme s’il essayait de lire dans les pensées de sa sœur.

— Ça va, mentit-il faiblement, avant de soupirer. Enfin, je crois. Et toi ?

Annabelle hésita, mais les paroles de Lisa résonnaient encore en elle. Elle décida de ne pas cacher la vérité, pas cette fois.

— Pas vraiment, avoua-t-elle, baissant les yeux. Ce n’est pas facile d’être ici. Tout est tellement… différent. Je me sens tellement seule, et parfois, j’ai l’impression de ne plus te reconnaître, de ne plus savoir qui je suis, qui on est, nous deux.

Jérémy resta silencieux un moment, assimilant les paroles de sa sœur. Ce qu’elle disait résonnait en lui. Lui aussi avait cette sensation, ce gouffre qui se creusait entre eux depuis leur arrivée.

— Je comprends ce que tu ressens, dit-il doucement. Ce n’est pas évident pour moi non plus. J’ai l’impression qu’on nous pousse à être quelqu’un d’autre, quelqu’un qu’on n’a jamais été. Mais malgré tout ça… je ne veux pas te perdre, Annabelle.

Le cœur d'Annabelle se serra en entendant ces mots. C'était ce qu'elle redoutait, mais aussi ce qu'elle espérait secrètement. Elle s'approcha de lui, posant sa main sur son bras, un geste simple mais empli de chaleur.

— Moi non plus, Jérémy. Mais j’ai peur. Peur de ce qu’on est censé devenir ici, peur de ce que je devrais faire pour m’intégrer, peur de te voir t’éloigner de moi.

Jérémy la regarda, les yeux brillants d’émotion. Il comprenait maintenant à quel point ils partageaient les mêmes craintes, les mêmes incertitudes.

— Alors restons ensemble, quoi qu’il arrive, proposa-t-il avec une résolution nouvelle dans la voix. Ils peuvent essayer de nous séparer, de nous faire croire qu’on doit être différents, mais ça ne change rien. On est frère et sœur avant tout, et ça, personne ne pourra nous l’enlever.

Annabelle hocha la tête, un petit sourire apparaissant sur ses lèvres. Elle savait que ce ne serait pas facile, que le chemin devant eux était semé d’embûches. Mais savoir qu’ils étaient unis dans cette épreuve lui donnait la force de continuer.

— Ensemble, répéta-t-elle doucement. Toujours.

Ils restèrent là, côte à côte, partageant un moment de réconfort silencieux, laissant leur lien se renforcer dans cette tempête qu’ils devaient affronter.