Fyctia

Tepropra, la prestigieuse université des héros et des méchants, se dressait fièrement au sommet d'une colline, entourée de montagnes imposantes et de forêts épaisses. Elle semblait coupée du monde, comme si elle existait dans une dimension parallèle où la lumière et les ténèbres coexistaient en équilibre précaire. Les murs anciens, recouverts de lierre, murmuraient des secrets à qui voulait bien écouter, tandis que les drapeaux flottants au vent arboraient les symboles des deux factions : une épée étincelante pour les héros et une griffe enflammée pour les méchants.

Jérémy et Annabelle, faux jumeaux liés par un lien indéfectible, contemplaient l'imposante structure depuis l'entrée, leurs yeux brillant d'une excitation partagée.

_ Tu te rends compte, Annabelle ? Tepropra… Nous y sommes enfin ! s'exclama Jérémy, ses yeux verts pétillants d'enthousiasme.

Annabelle tourna la tête vers lui, un sourire narquois au coin des lèvres. « Bien sûr que je m'en rends compte, idiot. On en rêvait depuis qu'on est gamins. » Ses longs cheveux noirs, contrastant avec la blondeur éclatante de son frère, flottaient doucement sous la brise matinale.

Ils étaient inséparables depuis leur naissance. Bien qu'ils ne se ressemblent pas physiquement – Jérémy, avec ses cheveux dorés et son regard apaisant, et Annabelle, avec ses traits acérés et son aura mystérieuse – ils partageaient une connexion unique. Leurs parents, tous deux anciens héros renommés, leur avaient inculqué des valeurs de justice, de droiture, et surtout, la conviction qu'ils étaient destinés à marcher sur leurs traces. Jamais, ils n'avaient douté de leur avenir, persuadés qu'ils se tiendraient côte à côte dans la classe des héros.

Mais dès qu'ils passèrent les grandes portes de l'université, une étrange sensation s'insinua en eux. L'ambiance, tout à coup, semblait plus lourde, plus électrique. Des regards se posaient sur eux, des murmures se propageaient, des rires étouffés résonnaient dans les couloirs. Ils ne savaient pas encore pourquoi, mais quelque chose n’allait pas.

Ils furent dirigés vers un grand amphithéâtre où le recteur, un homme imposant au visage marqué par les batailles passées, les attendait. Il était connu pour être impartial, inflexible, et surtout, capable de détecter la moindre trace de malveillance dans le cœur de ses élèves.

_ Bienvenue à Tepropra, futurs héros et méchants de notre monde ! Sa voix puissante résonna dans l’amphithéâtre, chaque mot pesant comme une enclume.

Aujourd'hui, vous serez tous assignés à vos classes respectives, en fonction de vos capacités et de votre véritable nature. Certains d'entre vous ont peut-être des attentes, des rêves, des certitudes… mais sachez ceci : Tepropra voit au-delà des apparences. Ici, vos véritables intentions seront révélées, et vous serez placés là où vous appartenez vraiment.

Annabelle serra inconsciemment la main de Jérémy. Une vague d’anxiété monta en elle, mais elle la repoussa aussitôt. Ils étaient des héros, non ? Le recteur continua son discours, énumérant les vertus de chaque faction.

_ Les héros, dit-il en désignant le groupe à sa gauche, sont les gardiens de la paix, les défenseurs de la lumière. Leur courage, leur empathie, et leur volonté de protéger les innocents sont ce qui les définit. Jérémy sourit en entendant ces mots, sentant que sa place était là, au sein de ceux qui portaient la lumière.

Puis, le regard du recteur se tourna vers l’autre moitié de la salle. « Quant aux méchants, ils sont les catalyseurs du changement, les perturbateurs de l'ordre établi. Leur ambition, leur force, et leur capacité à embrasser l'ombre font d'eux des adversaires redoutables. Mais souvenez-vous, même l'obscurité a son rôle à jouer dans ce monde. »

Annabelle fronça les sourcils. Elle n’avait jamais compris cette fascination pour les méchants. Comment pouvait-on choisir délibérément de faire le mal ?

Un à un, les élèves furent appelés à l’avant, leurs noms résonnant dans la salle tandis que le recteur annonçait leur affectation. Les premiers élèves, un garçon à la chevelure de feu et une fille aux yeux de glace, furent placés chez les héros. Jérémy sentit son cœur s'alléger.

« Jérémy Duval, » appela le recteur, ses yeux perçants fixés sur lui.

Le blond s’avança, la tête haute. Tout son corps vibrait d’une anticipation joyeuse. Le recteur lui posa une main sur l’épaule et sourit légèrement.

« Classe des héros. »

Un murmure d'approbation parcourut l'assistance. Jérémy laissa échapper un soupir de soulagement et se dirigea vers le groupe des héros, lançant un regard rassurant à Annabelle. Tout allait bien.

« Annabelle Duval, » résonna la voix du recteur.

Annabelle marcha vers lui avec assurance, mais son cœur battait la chamade. Elle croisa le regard de son frère, qui lui offrit un sourire encourageant. Elle se planta devant le recteur, son regard sombre ancré dans le sien.

Il la scruta un long moment, comme s’il sondait les profondeurs de son âme. Le silence dans la salle devint presque palpable. Puis, contre toute attente, il prononça d’une voix claire et implacable :

« Classe des méchants. »

Le temps sembla se figer. Annabelle resta pétrifiée, incapable de comprendre ce qui venait de se passer. Un murmure choqué envahit la salle. Les regards se tournèrent vers elle, certains avec mépris, d'autres avec une fascination morbide.

Jérémy, quant à lui, sentit le sol se dérober sous ses pieds. Il regarda le recteur, cherchant désespérément un signe d'erreur, une explication. Mais tout ce qu'il vit, ce fut la certitude froide dans les yeux de l'homme.

_ Non, attendez, il doit y avoir une erreur ! s'exclama Jérémy, sa voix tremblante. Annabelle n’est pas… elle n’est pas…

_ Le choix de la classe n’est jamais une erreur, Jérémy, répondit calmement le recteur.

Tepropra ne se trompe jamais. Votre sœur appartient à la classe des méchants, et elle doit y aller.

Annabelle sentit une vague de colère monter en elle, mais aussi une étrange sensation d’impuissance. Elle serra les poings, tentant de se contrôler, mais sa voix trahissait sa confusion.

_ Je ne comprends pas… Pourquoi moi ?

Le recteur la fixa avec une intensité qui la fit frissonner.

_ Parce que, Annabelle, tu as en toi une force que peu possèdent. Une force qui, si elle n’est pas maîtrisée, peut détruire bien plus qu’elle ne protège. Ici, tu apprendras à canaliser cette force. À Tepropra, nous ne formons pas seulement des héros. Nous façonnons le destin.

Annabelle baissa les yeux, incapable de répondre. Elle se tourna lentement vers le groupe des méchants, un poids lourd dans la poitrine. Jamais elle n’aurait imaginé se retrouver de l'autre côté, séparée de son frère, séparée de tout ce qu’elle avait toujours cru.