Fyctia
Chapitre 12
L’étroit chemin de terre menait à un magnifique manoir.
Non, à un magnifique château, me corrigeai-je quand nous atteignîmes le portail en fer qui marquait l’entrée de la propriété. Deux soldats s’occupaient de filtrer les arrivées et vérifièrent nos identités. Ils jetèrent à peine un coup d’œil à Anthony et Vince, mais prirent le temps de me détailler.
— Ce n’est pas une de nos élèves, constata celui qui se trouvait du côté passager.
— J’en suis conscient, mais je me suis entretenu avec la directrice plus tôt dans la journée. Elle est au courant de notre visite.
— Nous n’en avons pas été informés.
— Je n’en ai strictement rien à faire. Ouvrez cette foutue grille, s’impatienta Anthony.
Les deux soldats s’empressèrent de lui obéir. Je quittai des yeux l’Institut pour me concentrer sur son profil. Le grade de Capitaine s’avérait haut placé dans l’échelle militaire des sorciers, comme c’était le cas chez les humains. Je me doutais qu’Anthony avait pris soin de ne pas me brusquer depuis le départ, vu son comportement avec ses subalternes, ça semblait maintenant évident. Cette double facette de sa personnalité me mettait mal à l’aise, car elle m’empêchait de le cerner. Avais-je eu raison de lui faire confiance ? Qui était le véritable Anthony ? Celui qui, de sa voix douce, m’avait aidée à contrôler ma crise d’angoisse ? Ou celui qui donnait des ordres, le visage impassible ?
Le véhicule se remit en route et franchit le portail qui se referma après notre passage. Vince prit à droite et gara le 4x4 sur un petit parking, quasiment vide, dissimulé sous d’épais feuillages. Je m’empressai de sortir. Mon dos et mes genoux craquèrent, comme le reste de mes articulations. Je jetais mon sac sur mon épaule quand une main se posa sur mon bras.
— Tout va bien se passer, me rassura Anthony avant de me faire signe de le suivre.
Vince resta à côté de la voiture, si bien que je me retrouvai seule avec le Capitaine. Au fur et à mesure que nous nous rapprochions du château, ma peau se couvrait de chair de poule. La magie. Tout autour de moi, je sentais la magie. Elle m’appelait. Encore. Mon sang bouillonnait dans mes veines et diffusait une chaleur réconfortante dans tout mon corps. Mes pouvoirs se mouvaient, s’étiraient, comme s’ils se réveillaient d’une longue sieste. Les éléments étaient prêts à se plier à ma volonté. Tant de béatitude, j’avais l’impression d’être saoule.
— Amalie ?
Je sursautai et ouvris les yeux, que je n’avais même pas eu conscience de fermer. Le regard qu’Anthony posait sur moi était étrange. Je baissai la tête et compris ce qui le dérangeait. Mes pieds avaient décollé du sol.
Un glapissement ridicule m’échappa quand je retombai en trébuchant. Sans l’aide d’Anthony, le poids de mon sac m’aurait emportée et je me serais étalée comme une crêpe sur les graviers. Le soldat continuait de me fixer.
— Je ne crois pas avoir déjà rencontré de sorciers qui soient aussi sensibles à la magie que toi.
Je haussai les épaules, le cœur battant à tout rompre. Elarys, la mer, l’Institut… Chaque nouveauté menaçait ma couverture. Si mes parents étaient là, ils se feraient un plaisir de me remettre les pendules à l’heure.
— Reste concentrée.
— Ne fais confiance à personne.
— Ne baisse pas ta garde.
Leurs voix se superposaient dans mon esprit, mais les mots restaient les mêmes.
Je serrai les poings et pris une profonde inspiration avant de sourire à Anthony. Ce dernier finit par se retourner et nous reprîmes notre route. Une chance que l’Air soit toujours le premier à répondre à mon appel, convins-je en soupirant.
Je reportai mon attention sur l’imposant château qui abritait l’Institut du Nord. La façade en pierre rappelait celles des bâtiments que j’avais aperçus lorsque nous avions traversé Louméac. La même couleur ocre scintillait sous les appliques murales, disséminées entre chaque porte et fenêtre. Des lampadaires illuminaient les allées serpentant entre les massifs de fleurs odorantes. Le soleil couchant colorait le ciel de teintes chaudes et offrait une magnifique toile de fond à ce décor.
Deux hautes tours octogonales flanquaient l’entrée. Je supposais, à leur faible diamètre, qu’on y trouvait les escaliers permettant d’accéder aux étages. J’en comptai trois en tout. De la lumière ne filtrait que par deux ouvertures du rez-de-chaussée, où trois silhouettes se dessinaient à travers les fins rideaux. Aucun son ne nous parvenait.
Arrivés à la bâtisse, nous grimpâmes sept marches, basses et larges. Mon cœur s’affolait un peu plus à chacune que je gravissais. Lorsque nous nous retrouvâmes devant l’imposante porte d’entrée du château, j’étais à deux doigts de m’évanouir. Anthony posa sa main sur la poignée et le battant s’ouvrit sans un grincement.
— Les Instituts sont neutres, m’expliqua-t-il en franchissant le seuil. Tout jeune sorcier y est accepté et protégé.
Il se décala sur la gauche avant de me faire face. Je restai bloquée à l’extérieur. L’image de mes parents flottait devant moi. C’étaient eux mes protecteurs, où qu’ils soient. Pénétrer dans l’Institut de mon plein gré me faisait l’effet d’une trahison. Mais je savais qu’Anthony, malgré sa sollicitude, ne me laisserait pas le choix, alors j’avançai à mon tour, en faisant abstraction de l’arrière-goût de déloyauté qui tapissait le fond de ma gorge.
La porte se referma aussi silencieusement qu’elle s’était ouverte.
Le hall d’accueil, haut de deux étages, m'éblouit. Ses moulures et le lustre en cristal qui pendait au plafond me coupèrent le souffle. L’ensemble était élégant, bien qu’un peu trop chargé. Je suivis mon guide vers la droite. Les bruits de nos pas se confondaient et résonnaient dans l’étroit couloir que nous traversâmes. Je compris que nous nous dirigions vers la seule pièce occupée que j’avais remarquée plus tôt. Plus je m’en approchais, plus je m’éteignais. Quand je me retrouvai devant la porte à laquelle Anthony frappa, le poids écrasant de ces derniers jours me rattrapait.
J’étais sans nouvelles de mes parents depuis le début de la semaine. J’ignorais ce qui leur était arrivé, où ils se trouvaient, s’ils étaient ensemble, ou pire, s’ils étaient blessés. Et, à présent, je devais faire face aux conséquences de leur disparition. Je frottai mes mains moites contre mon jean tandis qu’une voix nous invitait à entrer.
3 commentaires
Sholaine77550
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Il y a 3 ans
Jennifer Desrosiers
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Il y a 2 ans
Amphitrite
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Il y a 3 ans