Fyctia
Chapitre 7
— C’est quoi un Institut ?
Cette question tournait en boucle dans ma tête depuis plusieurs jours. Que ce soit Anthony et William ou les deux autres hommes qui avaient pénétré chez moi, tous estimaient que j’aurais dû me trouver dans l’un de ces lieux. Je pensais en saisir le sens, mais je ne comprenais pas l’importance qu’ils y prêtaient.
— Tu ne sais pas ce qu’est un Institut ?
Je haussai les épaules devant son air ahuri.
— Je ne suis pas stupide, rétorquai-je d’un ton agressif. J’ai compris que c’était une sorte… d’école.
Incapable de se retenir, Anthony éclata de rire. S’il pensait améliorer nos relations en se foutant de moi, il avait tout faux. Il passa ses deux mains dans ses cheveux mi-longs, les ébouriffant au passage. Je remarquai qu’il était plutôt pas mal avec ses grands yeux bleus. Pour me punir d’avoir ce genre de réflexion, je plantai mes ongles dans la peau de mon bras et attendis qu’il se calme.
— Tu ne sais donc rien d’Elarys ? finit-il par me questionner.
Je le regardai et arquai un sourcil, blasée.
— Comment est-ce possible ? Ta famille a bien dû t’expliquer comment fonctionnait notre monde, non ?
— À votre avis ?
Toute trace d’amusement déserta son visage quand il comprit que j'ignorais absolument tout de cet endroit. Le front plissé, il accusa le coup.
— D’accord. Rejoignons William et je te ferai un cours rapide sur notre royaume. Il faut que je réfléchisse à tout ça, souffla-t-il tandis que nous reprenions notre périple à travers champ.
Je n’en revenais pas qu’il soit si perturbé par mes lacunes. La preuve : j’étais libre de mes mouvements. Plus rien ne me retenait et, pourtant, je ne bougeai pas. Du moins, je continuai de le suivre alors que j’aurais pu en profiter pour essayer de me faire la malle. Après tout, les menottes ne fonctionnaient qu’à moitié sur moi et on ne s’était pas éloigné de plus d’un kilomètre de la porte qui me permettrait de retourner dans le monde des humains.
Mais ce monde-ci m’intriguait et je devais en apprendre davantage sur son histoire, son fonctionnement et ses habitants. Avec un peu de chance, j’en découvrirais un peu plus sur mon statut de sorcière suprême et sur le passé de mes parents. Aucun doute que c’était là la clé de tous mes problèmes, comme en témoignaient cette photo de ma mère et leur volonté de me tenir à l’écart de tout ce qui se rapprochait de près ou de loin à Elarys.
Un plan commençait à se mettre en place dans ma tête. Étape 1 : comprendre le fonctionnement du royaume. Étape 2 : déterminer ce que m’apportait mon statut de sorcière suprême. Étape 3 : retrouver mes parents. Galvanisée par ce nouvel élan qui m’offrait une marche à suivre simple et concrète, j’accélérai pour rattraper Anthony. Il ne me prêta pas attention, perdu dans ses pensées.
Au pied du champ, nous tombâmes sur une vieille maison en pierre dont la porte ouverte nous invita à entrer. Le salon qui nous accueillit avait connu des jours meilleurs. Une odeur de renfermé persistait dans l’air et une épaisse couche de poussière recouvrait toutes les surfaces à disposition. Mon sac atterrit sur le sol, soulevant un nuage de saletés qui me piqua les yeux. Mon dos en compote me remercia de ce répit inespéré. Je faisais craquer ma nuque quand William surgit dans la pièce.
— La maison est vide. Personne n’est passé dans le coin depuis un bon moment.
Sans déconner… Je retins le sourire narquois que mes lèvres mourraient d’envie d’esquisser.
— Tu as une idée de l’endroit où nous sommes ? l’interrogea Anthony en faisant le tour du propriétaire.
Alors qu’il s’enfonçait dans le couloir, son collègue se plaignit :
— Aucune, on est dans le fin fond de la campagne. J'ai signalé notre position. Cette porte est la plus paumée que je n’ai jamais empruntée !
— On dirait bien, reconnut l’aéromancien lorsqu’il revint, une liasse de papier à la main. D’après ces factures, on serait à Oléac.
— On est dans le bon secteur, c’est déjà ça.
Je les laissai discuter et visitai l’endroit. Je m’étonnais du peu de décoration dans la pièce principale. Pas de cadre accroché aux murs ni de bibelot posé sur les meubles en bois foncé. Je m’approchai du buffet et en inspectai les contours. Il ressemblait étrangement à l’une des réalisations de mon père que j’avais aperçues dans son atelier. Je poursuivis mon exploration et comptai trois autres meubles qu’il aurait pu fabriquer. Cet endroit me laissait une drôle d’impression. J’essayai d’y voir plus clair quand un raclement de chaise me sortit de ma torpeur.
Anthony, installé à la grande table qui occupait le centre de la pièce, me fit signe d’en faire de même. Je pris une profonde inspiration et le rejoignis. À peine étais-je assise qu’il entama la leçon.
— Je vais essayer de faire simple, soupira-t-il en calant ses coudes sur la table, les mains croisées. Elarys est divisée en cinq secteurs : Nord, Sud, Est, Ouest, et le Centre où se trouve Nevremesiel, la capitale.
Je hochai la tête, l’incitant à continuer. En une seule phrase, il m’en apprit plus que tout ce que mes parents avaient bien voulu me révéler en dix-sept ans. J’étais avide d’en découvrir davantage.
— Au premier niveau, on a le Grand Conseil d’Elarys, qui siège à Nevremesiel, enchaîna Anthony en formant un triangle avec ses doigts. Il est composé de cinq sorciers. Ce sont eux qui dirigent le royaume et définissent les bases de notre société. Au second niveau, on a les cinq assemblées.
Je tiquai, mes parents avaient employé ce terme lors de la discussion que j’avais surprise.
— Il y en a une par secteur. Elles sont constituées de onze sorciers élus pour dix ans. Elles servent de relais entre le Grand Conseil et les habitants d’Elarys, enchaîna Anthony après s’être assuré que je suivais. Elles sont libres d’administrer comme elles l’entendent et d’instaurer de nouvelles lois, propres à leurs territoires, à condition qu’elles respectent la charte du Grand Conseil. Ainsi, chaque secteur est autonome.
J’imitai sa posture et demandai :
— Et le Grand Conseil, il est élu lui aussi ?
— Les Conseillers sont élus à vie, intervint William depuis son poste d’observation près de la fenêtre. Ils peuvent abdiquer s’ils le souhaitent, mais tu ne seras pas étonnée d’apprendre que ça n’arrive jamais.
J’acquiesçai distraitement alors que les paroles de mon père me revenaient en mémoire :
— Le pouvoir corrompt. Membres d’une assemblée ou Conseiller, ça ne change rien.
Ses mots prenaient tout leur sens à présent.
— Pour faire appliquer les lois, les cinq assemblées disposent d’une armée.
Je baissai les yeux vers le brassard d’Anthony, il le remarqua et sourit.
— Tu as tout compris. William et moi sommes des soldats de l’Armée du Nord comme l’attestent ces bandeaux bleus.
Je regardai William à la dérobée. Je n’avais aucune idée de ce dont ils avaient discuté pendant que j’errais dans la pièce, mais le géomancien semblait moins hostile envers moi. Son visage avait perdu de sa dureté.
— Enfin, on trouve un Institut dans chaque secteur.
3 commentaires
Lexa Reverse
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Il y a 3 ans
Elobiblio
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Il y a 3 ans