Fyctia
Chapitre 3
La forêt m’effrayait moins en plein jour et je profitai de cette marche pour souffler et couper le flot incessant de mes pensées, ce dont j’avais été incapable, coincée dans l’abri. Cette fois-ci, je voyais où je mettais les pieds. Le trajet ne me prit donc qu’une bonne heure et demie.
Quand j’arrivai à la lisière du terrain, je patientai quelques instants, à l’affût. Pas un seul brin d’herbe suspect à l’extérieur. J’observai avec attention les fenêtres de l’étage, puis celles du rez-de-chaussée, et sentis l’Air répondre à mon appel. De fines volutes glissèrent entre mes doigts écartés. La bâtisse semblait vide et le jardin désert, mais je préférai me préparer à toutes les éventualités.
Je commençai à faire le tour de la maison, en avançant prudemment. Une fois devant la porte d’entrée fermée, je remarquai que mon sac de cours n’était plus aux pieds des escaliers, là où je l’avais abandonné, et une lueur d’espoir s’alluma en moi. J’entrai et le trouvai sur le guéridon en bois, que mon père avait fabriqué pour l’anniversaire de ma mère, quatre ans auparavant.
Pour la seconde fois en quelques jours, je fis le tour de chacune des pièces en appelant mes parents, et terminai par le salon. Il avait été nettoyé et remis en ordre. Néanmoins, il manquait la moitié des meubles, et ceux qui restaient n’étaient pas à leur place habituelle. Comme si la personne qui avait rangé la pièce ne connaissait pas son agacement. Mes épaules s’affaissèrent devant la triste vérité que me révélait ce spectacle : ce n’était pas l’œuvre de mes parents.
De retour dans l’entrée, je fermai la porte à double tour. Qu’elle ne soit pas verrouillée aurait dû me mettre la puce à l’oreille. Celle qui menait au jardin suivit de près. Les mains sur les hanches, je tournai sur moi-même entre la salle à manger et la cuisine. Nous étions au beau milieu de la campagne et, seule dans cette grande maison, je ne me sentais pas en sécurité. Malheureusement, je n’avais nulle part où aller. C’était ça ou la planque.
Mon sac, qui pesait lourd dans mon dos, se rappela à mon souvenir à ce moment-là. Avant de prendre une quelconque décision, il fallait que je charge mon téléphone et que je me lave. Je branchai l’appareil et filai dans la salle de bain.
Je restai trente minutes sous l’eau chaude. Ce fut la meilleure douche de ma vie.
Une fois propre et habillée, je m’assis en tailleur sur mon lit et me brossai les cheveux pour qu’ils ressemblent enfin à quelque chose. Le moment de réfléchir à la suite des événements était venu. Je passai en revue les endroits où mes parents auraient pu se cacher tout en démêlant mes longues mèches tantôt blondes, tantôt châtain. J’avais abandonné l’idée qu’ils se décident pour l’une ou l’autre de ces couleurs.
Ma famille aurait dû être ma première hypothèse, mais nous n'avions aucun contact avec mes grands-parents. J’ignorais même leurs prénoms. On ne parlait jamais d’eux. Je supposais que cette rupture était due à une dispute, mais je n’avais aucune certitude sur le sujet. Mon père m’avait, un jour, avoué qu’il avait un frère qui lui manquait énormément. Point. Voilà où s’achevait l’état de mes connaissances sur mon arbre généalogique.
Travaillant tous deux à domicile, ils n’avaient pas de collègue et je ne leur connaissais aucun ami. Celle qui avait la plus grande vie sociale, c’était moi. Et elle ne frôlait pas les sommets. Mes camarades de classe ne m’intéressaient pas, ils me fatiguaient. L’être humain dont j’étais le plus proche au lycée, c’était ma prof de dessin.
Pas de famille, pas d’ami. Personne pour me venir en aide. Je devais me rendre à l’évidence : j’étais seule, et je commençai à angoisser.
— Arrête de pleurer, Amalie, me rabrouai-je quand une petite larme dévala ma joue gauche.
Je l’essuyai et me levai pour m’emparer de mon téléphone que je m’empressai d’allumer. J’attendis une minute. Puis, deux. Au bout de cinq minutes sans notification ni message, je tressaillis. Où étaient-ils, bon sang ? Prise d’une illumination, je courus dans leur chambre et jetai un coup d’œil sous le lit. Les sacs y reposaient toujours.
Voilà donc où j’en étais : un salon ravagé puis nettoyé, des parents disparus depuis trois jours, une ado livrée à elle-même. Une ado meurtrière, devrais-je dire.
Pour m’occuper et me changer les idées, je lançai une machine et inspectai les placards pour me préparer un repas chaud potable. Ces tâches domestiques remplirent leur rôle et me permirent de souffler. En début d’après-midi, j’entrepris d’aller fouiller dans le bureau de ma mère.
Mon cœur tambourinait quand je pénétrai dans la pièce, comme s’il s’attendait à ce qu’elle débarque et me surprenne en train de commettre un délit. Je sortis tous les dossiers de l’étagère un à un et passai en revue les dizaines de documents qui me tombèrent sous la main. Des factures, des devis, des contrats… Je reportai mon attention sur le bureau, qui trônait en face de la porte-fenêtre, et en ouvris chaque tiroir. Ils ne contenaient que des fournitures. Je me tournai alors vers la bibliothèque.
Du sol au plafond s’alignaient des livres que ma mère avait soigneusement classés par format. Les plus gros occupaient les deux dernières rangées, si bien que ceux qui s’étalaient sous mes yeux étaient tous de taille standard. J’en survolai les titres jusqu’à ce que mon regard soit attiré par un ouvrage qui dépassait les autres. Je m’en emparai et fus surprise de constater qu’il s’agissait d’une boîte.
À l’intérieur, je dénichai une photo que je n’avais jamais vue. Une dizaine de visages me souriait, je repérai celui de ma mère sur la droite. Entourée de personnes qui m’étaient inconnues, elle riait aux éclats. J’estimais qu’elle ne devait pas avoir plus de vingt ans. La joie qu’elle affichait me réchauffa le cœur, jusqu’à ce qu’un détail m’interpelle. Contrairement aux gens qui l’accompagnaient, la tenue qu’elle portait ne m’était pas étrangère. Ni les brassards verts qui ceignaient le bras gauche de toutes les personnes présentes sur le cliché.
Interdite, je bloquai plusieurs minutes sur celui de ma mère et des flashs de mon affrontement avec les trois sorciers me revinrent en mémoire. Je ne me souvenais pas de l’intégralité de la scène. Mon instinct avait pris les commandes pour me protéger. Une seule chose m’avait marquée : ce brassard vert. Je rapprochai la photo pour l’examiner de plus près et essayer de lire l’inscription qui le barrait, mais les caractères étaient trop petits et je ne discernai qu’un E majuscule.
Je repris ma fouille. La boîte contenait des objets qui n’avaient aucun lien les uns avec les autres. Celui qui me surprit le plus, ce fut une bague en argent. Son apparence ne correspondait pas au style de ma mère. Avant que je ne puisse l’inspecter en détail, j’entendis la porte d’entrée s’ouvrir.
Je rangeai le livre à sa place, puis glissai la bague et la photo dans une des mes poches arrières. Je n’eus pas le temps de faire un pas hors de la pièce qu’un nouvel intrus me tombait dessus.
6 commentaires
Naischa
-
Il y a 3 ans
Jo Hanscom
-
Il y a 3 ans
Dystopia_Girl
-
Il y a 3 ans
Jennifer Desrosiers
-
Il y a 3 ans
Sandy McCulloch
-
Il y a 3 ans
Jennifer Desrosiers
-
Il y a 3 ans