Jolimente Ecran de fumée Chapitre 3

Chapitre 3

La journée a été particulièrement éreintante. J'ai prétexté une migraine naissante pour m’échapper du travail plus tôt. Un soupir de soulagement m'échappe en franchissant le seuil de mon studio. Toute la journée, l'appréhension de la rencontre de demain n'a cessé de me tourmenter. Ici, dans mon cocon, je retrouve un semblant de sécurité, comme si ce rendez-vous crucial appartenait à un futur lointain. J'ai dû me faire violence pour l’accepter. Habituellement, mes interactions sur internet se limitent aux échanges superficiels sur les forums.


Je laisse mon corps s'affaisser sur l'unique chaise de ma table à manger.


Qu'est-ce qui m'a pris d'accepter ? Et si je ne lui plaisais pas ? Nous ignorons tout de nos apparences respectives. Je ne suis pas particulièrement jolie, mais je ne me considère pas vilaine non plus. En vérité, je me sens terriblement mal dans ma peau. Devrais-je annuler ? Non, Charline, cesse de te montrer lâche. Il faut que je trouve le courage nécessaire. Oui, du courage.


Je tends le bras pour attraper la bouteille de vin qui traîne sur le comptoir de cuisine depuis des mois. Mes parents me l'avaient offerte lors de mon emménagement à Paris. Mais à quoi bon l'ouvrir si je n'avais personne avec qui la partager ? Je la débouche et me sers un verre. Juste un petit. Épuisée, je transporte mon corps lourd jusqu'au canapé, mon verre dans une main, la bouteille dans l'autre. Un sourire amer étire mes lèvres en imaginant l'allure de pochtronne que je dois avoir. Mes parents seraient fiers de moi.


Je suis réveillé par le vacarme assourdissant des travaux de voirie en bas de ma rue. Je tâtonne autour de moi, cherchant mon téléphone. Les yeux embués, je le rapproche pour lire l'heure. 17h21. Samedi 24 juin. Attends, samedi ? Je me redresse précipitamment. Eh merde. Je tourne la tête vers la bouteille de vin. Vide. Mais qu’est-ce qui m’a pris ? J’ai déjà pris des cuites par le passé, mais jamais je n'avais dormi aussi longtemps. Maladroitement, je tente d'entrer les identifiants de mon adresse mail. Les doigts tremblants, je dois m'y reprendre à quatre fois. Je parcours mes messages, pestant contre l'avalanche de spams qui encombrent ma vue.


Samedi, à 8h16. « Salut Charline ! On se retrouve toujours au Tuileries, vers 11h, ça te va ? Je t’attendrai près de la grande roue. J’ai tellement hâte de te parler de vive voix. À tout à l’heure ! »


Samedi, à 11h42. « Où es-tu ? Je sais que les demoiselles aiment se faire attendre, mais tu me tortures en tardant ainsi ! »


Samedi, à 13h32. « Je rentre chez moi. »


Quelle idiote je suis. Je m'en veux terriblement. Je me lance dans la rédaction d’un long message d'excuses, mais mes mots partent dans tous les sens. Je ne comprends vraiment pas ce qui m'a pris. Étrangement, je n’ai aucun souvenir de m'être endormie la veille au soir.


J’attends avec impatience la réponse de Camille. Elle tarde à arriver. Pendant des jours, j'attends. Silence radio.

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