Fyctia
Chapitre 18.1
Ivy
Jeudi 21 juillet 2022
Le Castellet, France
— Bonjour, Bonjour, Bonjour, Bonjour, Bonjour ! Ça va ?
— Si tu continues à répéter encore les mêmes mots, je te jure que je te frappe.
Excédée, voilà l’état dans lequel je me trouve. Je colle mon badge à la borne pour déverrouiller le tourniquet qui donne accès aux stands. Je suis arrivée hier soir et depuis ce matin Alex n’arrête pas de répéter ça en boucle. Je vais finir par l’assommer ! J’ai encore dû partager la chambre avec Alex, cette fois-ci dans mon propre lit. J’ai dû arriver plus tôt alors je n’aurais pas de chambre à moi avant vendredi. Donc j’ai le droit à son français plus qu’approximatif depuis tôt. Peut-être même trop tôt pour mon cerveau.
— Bonjour ! répète-t-il.
— Ton accent est terrible. Et tu ne connais que trois mots. Tais-toi !
Si je suis ici un jeudi, c’est parce que mon père m’a convoqué dans son bureau. Je ne sais pas à quelle sauce je vais être mangée. Ella, Victoria et ma mère vont me rejoindre plus tard, j’ai l’impression que ça fait un million d’années que je ne les ai plus vues.
— Tu ne m’apprends rien ! se plaint-il. Alors je fais avec ce que je connais !
— Je ne te supporte plus !
Je dis ça en souriant en lui donnant un coup dans l’épaule.
— Outch ! Tu m’as fait mal, se plaint-il.
— Mauviette !
Nous arrivons devant le stand et c’est l’âme en peine que je me dirige vers le bureau de mon père. Je prends une grande inspiration en tirant la porte.
— Ne stresse pas, c’est ton père il ne va pas te manger, me rassure Alex.
Lorsque j’arrive devant le bureau, la porte est fermée. Je tape deux coups secs et entre sans attendre de réponse. Plus vite j’y vais et plus vite ce sera fini. Mon père se tient appuyé contre son bureau, Bianca dans ses bras, ils s’embrassent. Je vais vomir. Mon père regarde sa montre.
— Tu es en avance, remarque-t-il.
— Tout arrive, je peux repasser à l’heure prévue si tu préfères !
— Non c’est parfait.
— Ivy, je suis ravie de te revoir, s’exclame Bianca avec son grand sourire.
Je ne l’ai plus vu depuis le Canada et ma fuite.
— Bianca, je rétorque simplement en hochant la tête.
— Ivy, assieds-toi s’il te plait.
Mon père se sépare de sa fiancée et s’installe derrière son bureau. Bianca ne sait pas trop si elle doit partir, mais il lui montre le siège à côté du mien.
— C’est des jumeaux c’est ça ?
— Je te demande pardon ?
— La dernière fois que nous étions réunis tous les trois, tu m’annonçais la grossesse de Bianca, alors je me dis que peut-être nous sommes réunis aujourd’hui car finalement ce sont des jumeaux, j’explique en haussant les épaules.
— Il n’y en a qu’un, Dieu merci.
Elle rit et pose la main sur son ventre à peine rebondi en disant ça et je dois bien avouer qu’elle me fait lâcher un sourire. Même si notre première rencontre ne s’est pas déroulée comme ils l’avaient imaginé, j’ai eu le temps de me faire à l’idée. Je regarde Bianca, elle n’a pas l’air méchante. Je suis juste trop bornée pour m’excuser de mon comportement lors de notre rencontre.
— Nous avons un problème, enchaine mon père. L’interprète français qui devait faire une vidéo pour l’écurie nous a fait faux bond. J’aimerais que tu fasses la vidéo, on ne te verra pas, il faut juste apprendre des mots en français aux pilotes pour notre chaine youtube.
— Par pitié non, tu ne veux pas attendre que maman arrive ? Elle pourrait le faire elle ! je proteste.
— Elle arrive trop tard, je lui ai demandé.
— Je suis le deuxième choix, j’ai l’habitude.
— Non je lui ai demandé au cas où tu refuserais, soupire-t-il.
— Alex essaye de parler français depuis ce matin à part des « bonjour » « ça va » à répétition tout ce que j’entends c’est « Bla Bli Blou » !
Je sais que mon argumentaire est faible, puisque le but de la vidéo est de leur faire répéter des mots, mais qui ne tente rien n’a rien.
— Ivy s’il te plait, j’ai besoin de toi, m’implore-t-il.
— Moi aussi j’ai eu besoin de toi.
Je marmonne ça en français, pour être sûre qu’il ne comprenne pas. Il ne relève même pas. Enfant lorsque je piquais des colères contre lui et que ma mère n’était pas dans les parages, je parlais toujours en français. Il continue de me fixer.
— Très bien, je vais le faire ! J’ai des choses de prévu plus tard, ça n’a pas intérêt à durer la journée.
— Une heure tout au plus !
*******
Une heure tout au plus ? Tu parles ! Voilà deux heures que je suis bloquée là, avec un Alex qui j’en suis sûre se donne un malin plaisir à me voir souffrir. Marco en face de moi est hilare. Je suis à deux doigts de m’arracher les cheveux et de faire bouffer mes feuilles à Alex. Après des phrases simples, je dois faire répéter des mots plus compliqués. Autant dire que pneu, volant et aileron ont été compliqués mais là…
— J’ai l’impression d’être Phoebe dans Friends c’est terrible.
Je mets mon visage dans mes mains et souffle un bon coup pour me donner du courage.
— Ok, répète après moi ! UNE.
— Une, répète Alex.
— CUI.
— Cui.
—LLERE. Une cuillère.
— Oune couillère.
Totalement Joey !
— Parfait !
— Vraiment ? s’étonne-t-il.
— Non, mais ça fera l’affaire.
— J’ai une phrase en français à te faire dire Alex ! intervient Marco. Répète ! Voulez-vous coucher avec moi ce soir !
Evidemment ça le fait marrer, parce que ça il l’a parfaitement compris ! Alors que des mots basiques... Molière doit très certainement se retourner dans sa tombe.
— Voulez-vous coucher avec moi ce soir ?
Et le voilà qu’il se met à chanter Lady Marmelade.
— C’est bon on a tout ce qu’il nous faut, nous informe le community manager.
— Hallelujah !
Je me lève et sors en vitesse. Ah l’air extérieur tu m’avais manqué !
— Merci Ivy, pour cette vidéo ! Je crois que je n’ai jamais autant ri, me dit Marco tout sourire.
— Je ne dirais pas que ce fût un plaisir pour moi !
— Ivy Jolie, ne fait pas la tête. Ça n’a pas été si terrible.
Alex vient de nous rejoindre.
— Pour toi peut-être, j’ai bien vu le plaisir que tu prenais à me voir souffrir ! L’apprentissage aux autres n’est clairement pas fait pour moi ! Zéro patience…
— Ne te dévalorise pas, je t’ai trouvé très bien.
Il ricane en me prenant par les épaules pour me coller contre lui. Je me laisse faire. Depuis la semaine dernière, quelque chose a changé entre nous. Il m’a envoyé des messages tous les jours. Savoir comment je me sentais. Me défouler m’a fait du bien. Je ne sais pas si je pourrais assez le remercier pour son idée. Ella et Victoria, finissent par nous rejoindre. Ella pousse Alex et me prend dans ses bras en me serrant fort contre elle. « Tu m’as manqué » souffle-t-elle à mon oreille. Quand elle se décide enfin à me lâcher, Alex reprend sa position.
— Où est ma mère ? je demande surprise de ne pas la voir avec elles.
— Elle devait voir ton père. Au fait qu’est-ce qu’il te voulait de bon matin ?
— J’ai dû tourner une vidéo avec ces deux zouaves ! je les mets au courant en montrant Alex et Marco.
— Leçon de français, devine-t-elle.
— Pour mon plus grand plaisir.
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