Fyctia
Chapitre 12.1
Ivy
Samedi 25 juin 2022
Ecosse
La pluie s’abat sur la voiture, je regarde le déluge par la vitre. A quel moment avons-nous eu l’idée de se faire un road trip un peu bizarre en Ecosse ? Toute cette histoire est partie d’une idée d’Ella. Comme elles ne pourront pas être présentes le week-end prochain pour mon anniversaire pourquoi ne pas se faire un week-end toutes les trois ? L’idée n’est pas mauvaise mais je ne me souviens plus quand est-ce que nous avons accepté, de notre plein gré, une escapade dans la grisaille écossaise. La pluie s’intensifie de minute en minute. Je jette un œil à Ella, concentrée sur la route. Au travers du déluge qui s’abat sur le pare-brise, j’aperçois un petit panneau « motel – restaurant 200 mètres à gauche ».
— Nous devrions nous arrêter, je suggère. Il y a un motel pas loin.
— Nous arrêter ? Pour quoi faire ? me répond Ella.
— Peut-être parce qu’on n’a pas envie de mourir en Ecosse ? On ne voit rien Ella ! Au cas où tu ne l’aurais pas remarqué ! je m’emporte.
— Ok, ok, pas besoin de me crier dessus !
— Les gens de notre âge font des road-trip à Ibiza et nous, on se perd au fin fond de l’écosse ! marmonne Victoria depuis son siège arrière tapotant sur son téléphone.
— Depuis quand sommes-nous comme tout le monde ? lui demande Ella en mettant son clignotant pour rejoindre le motel.
Nous empruntons un chemin sinueux, la visibilité se réduit de plus en plus. Les essuie-glaces au maximum, nous avançons tant bien que mal. Un escargot irait plus vite que nous. Ella coupe son moteur devant le motel. Nous observons la bâtisse devant nous sans dire un mot.
— Est-ce qu’on a atterri dans un épisode de « Bates Motel » ? ose demander Victoria septique.
Il est vrai que le bâtiment ressemble étrangement à celui de la série, mais ce n’est pas parce que nous sommes en Ecosse, qu’il faut commencer à flipper pour rien. Si ?
Des escaliers en bois mènent sous une terrasse couverte où se trouve l’entrée. La bâtisse de style Victorien me fascine, autant qu’elle me fait peur. A peine avons-nous mis les pieds hors de la voiture que nous sommes trempées par les trombes d’eaux. Nous courrons pour nous abriter et nous stoppons toutes les trois en même temps, grelotantes.
— Ivy entre en première ! me pousse Ella.
— Wahou ! Merci de me sacrifier !
— C’est toi qui as voulu t’arrêter ici je te signale !
— On se calme ! intervient Victoria. Je vais me sacrifier et vous allez rester juste derrière moi !
Elle pousse la porte, étrangement l’entrée est beaucoup moins lugubre que la façade de l’établissement. Un grand comptoir en bois fait face à la porte. Une jeune femme souriante nous accueille.
— Bienvenue au Grand Motel d’Ecosse ! Avez-vous une réservation ? nous demande-t-elle avec un fort accent écossais.
— Non, serait-il possible de prendre juste un thé ? Nous devons reprendre la route.
— Reprendre la route ? répète-t-elle effarée. Je ne pense pas que ce soit judicieux avec ce temps ! Ils ont prévu ce déluge jusqu’à demain matin. Nous avons des chambres disponibles si vous le souhaitez.
— Nous commencerons par un thé, s’agace Ella devant sa suggestion.
Pendant que l’hôtesse nous accompagne à une table, j’en profite pour jeter un coup d’œil autour de moi, le décor est resté d’époque avec ses tapisseries à motifs floraux, dans les tons marron vieilli. Les peintures sur toiles d’hommes et de femmes, nés très certainement deux siècles plus tôt, me filent la chair de poule. Les canapés Chesterfield, en velours capitonné rose, ajoutent une touche de couleur dans un décor un peu morne. Quelques personnes sont installées à des tables, discutant à voix basse. Ont-ils été surpris par la tempête comme nous ? Ou peut-être ont-ils réservés ici pour un séjour ? Nous nous installons sur un des canapés devant la cheminée, des plaids y sont posés délicatement.
— J’ai froid, se plaint Victoria.
— Tu es devant une cheminée avec un thé, tu vas finir par te réchauffer, lui répond Ella.
— Pourquoi es-tu de mauvaise humeur tout à coup ? je lui demande intriguée.
— Je voulais juste que ce week-end soit génial, ronchonne-t-elle. J’avais tout prévu et nous voilà bloqué dans un motel mi-flippant, mi-accueillant. Et je vois bien que Victoria n’est pas ravie d’être là.
— Ne dis pas n’importe quoi, lui rétorque cette dernière les yeux rivés sur son téléphone.
— Laisse-la terminer ! Et pose ce téléphone !
Je la rappelle à l’ordre en buvant une gorgée de thé et grimaçant. Le thé en Ecosse est comme leur accent, beaucoup trop prononcé.
— Je répondais juste à un message de mon manager.
Ella secoue la tête et quitte la table. Je la regarde s’éloigner, un peu interloquée. Ce n’est pas dans ses habitudes de se comporter comme ça. Victoria me regarde perdue devant l’attitude de notre amie.
— Qu’est-ce qui lui prend ?
— Aucune idée.
Elle hausse les épaules et retourne sur son téléphone. Mon regard dévie vers la fenêtre, la pluie n’a pas l’air de vouloir cesser et l’orage commence à gronder, il ne manquait plus que ça. J’abandonne Victoria, bien trop occupée à envoyer des messages. Retourne à l’accueil et décide de réserver une chambre. L’hôtesse tapote sur le clavier de son ordinateur. En attendant, mes yeux tombent sur un flyer, posé sur le comptoir. « Soirée voyance. Samedi 25 juin 2022. Cartomancie, chiromancie… Venez découvrir votre avenir », je lève les yeux au ciel, après « Bates Motel » nous voilà dans « Ghost ».
Je récupère la clé et finis par retrouver Ella sur la terrasse de l’entrée, assise sur un banc, les genoux repliés sous son menton, le regard dans le vide. En silence je m’installe à côté d’elle, sans rien dire, le regard rivé vers le déluge qui se joue devant nous. Le silence ne me dérange pas, je pourrais rester des heures à contempler la pluie sans un mot. J’ai une banquette, sous une fenêtre dans mon appartement, le meilleur endroit pour réfléchir. J’y ai passé énormément de temps après la disparition de Logan, lorsque je ne voulais plus rien faire, pensant que sortir de ma bulle me ferait éclater en un millier de morceaux.
— Ha vous voilà ! nous fait sursauter Victoria.
— Wahou, tu as lâché ton téléphone, ironise Ella en retrouvant la parole.
— OK, j’essaie de temporiser avant qu’elles ne se chamaillent. Que se passe-t-il ?
— Rien c’est juste que…
Le bip d’un nouveau message lui coupe de nouveau la parole. J’attrape le téléphone de Victoria, le met sur silencieux et le rentre dans la poche de mon sweat.
— Vas-y, je l’encourage.
— Je voulais que ce week-end soit parfait parce que… Je me sens un peu seule, avoue-t-elle.
— Mais nous sommes là ! je dis un peu vexée.
—Vic, je suis hyper fière de toi, ne te méprends pas, mais je ne te vois presque plus. Et toi Ivy tu voyages autour du monde.
— Je peux arrêter !
— Surtout pas ! J’avais juste envie d’un week-end rien que nous trois. Mes amies me manquent c’est tout.
— Est-ce que tu vas mourir ? demande simplement Victoria.
7 commentaires
Zoe Noa
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Il y a un an
NC_Azalea
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Il y a un an
GaelleChap
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Il y a un an
chiara.frmt
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Diane Of Seas
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Il y a un an