Fyctia
Chapitre 11.1
Ivy
Jeudi 16 juin 2022
Montréal, Canada
— Il est hors de question que je monte dans cette voiture !
Voilà les seuls mots qui sortent de ma bouche depuis cinq minutes. Alex ne fait même pas attention à moi, il fixe le casque sur ma tête. Sa surprise ? M’emmener faire un tour de circuit dans une voiture de course. Je crois qu’il a complètement perdu la tête. Il s’est démené pour avoir toutes les autorisations nécessaires, alors j’ai interdiction de refuser. Je fixe la voiture avec appréhension. Il faut bien avouer que depuis la disparition de Logan, ma peur de la mort s’est décuplée. Comme si mes névroses habituelles ne suffisaient pas, il a fallu que celle-ci prenne toute la place. Alex ne nous mettra pas en danger, il sait très bien ce qu’il fait. Ce qui m’angoisse, c’est son petit sourire en coin, qui n’annonce rien de bon. Il va aller beaucoup trop vite je le sais ! J’ai l’impression de regarder la scène hors de mon corps. Du coin de l’œil j’aperçois mon père regarder la scène de loin, il n’a pas encore osé m’approcher et vu mon état actuel, son choix est judicieux. Alex me prend par la main et tire dessus pour me faire monter côté passager. Il me traite comme une enfant qui ne veut pas aller à l’école. Il fixe bien la ceinture, vérifie une dernière fois que mon casque est bien attaché avant de fermer la portière derrière lui. Après s’être installé derrière le volant, il me jette un coup d’œil.
— Prête ?
— Non !
— On y va, déclare-t-il comme si je n’avais rien dit.
Il commence à accélérer doucement, je me crispe. Une main empoigne la ceinture, pendant que l’autre s’agrippe à la poignée de la portière comme si ma vie en dépendait. Et j’ai l’impression que c’est un peu le cas. Au premier virage je pense que je vais mourir clairement. Il prend deux virages d’affilés.
— LE MUR ! TU ETAIS BEAUCOUP TROP PRES DU MUR ! je crie comme une hystérique.
— Je gère, répond-il simplement.
— T’ES COMPLETEMENT MALADE, je continue de hurler.
Ca le fait marrer, évidemment. Je crois que je vais vomir.
— SI TU VOULAIS TE DEBRASSER DE MOI IL Y AVAIT D’AUTRES MOYENS !
S’il ne devient pas sourd après mes hurlements, ce sera un miracle ! Après quatre ou cinq tours, j’ai perdu le compte quand il a commencé à faire tourner la voiture sur elle-même. Je me détache à la hâte et sors de la voiture un peu vaseuse. Nous nous installons par terre devant le garage, comme il est fermé, je m’allonge et remonte les jambes à la verticale sur le rideau baissé. Les positions approximatives j’adore ça ! J’observe le soleil décliné et le ciel changer de couleur. Alex s’installe dans la même position que moi.
— Comment tu te sens ?
— Vaseuse.
— Je parlais en général.
—Finalement ce n’est pas si horrible d’être ici, je déclare simplement.
— Tu t’attendais à quoi ?
— Je ne sais pas trop, je réponds franchement. Peut-être à ce que ma maison me manque plus que ça…
Et c’est la vérité, bizarrement je suis plus apaisée, je rumine moins. Il ne répond rien à ça et je soupire d’aise devant le silence qui s’installe.
— Si tu devais résumer ta vie, maintenant, en une seule chanson ce serait laquelle ?
Un sourire se dessine sur mon visage, le silence n’allait pas durer avec Alex dans les parages.
— En ce moment ?
Je réfléchis un peu, ce n’est pas une question anodine je le sais. Il veut très certainement sonder mon état d’esprit. J’aime tellement de chansons qu’il n’est pas simple de n’en choisir qu’une. Il n’y a pas si longtemps « Before you go » de Lewis Capaldi aurait pu être la bande originale de ma vie. Mais je décide finalement d’en choisir une autre.
— Hero de Mariah Carey. Et toi ?
Je ne l’ai pas choisi par hasard. Cette chanson parle d’être son propre héros. Même dans les moments les plus sombres, la douleur est surmontable. Il suffit de puiser au plus profond de nous-même et la lumière reviendra.
— Iris des Goo Goo Dolls.
— Tu avais la même chanson il y a six ans, je ne peux m’empêcher de remarquer.
— Elle a changé entre temps mais elle est revenue. Un peu comme toi, explique-t-il innocemment.
Nous tournons la tête en même temps pour nous regarder. Je plonge dans son regard, qui change de couleur à mesure que la nuit tombe. Ça me fait bizarre d’être là avec lui. A parler comme si de rien n’était. Après tout ce temps. Comme avant….
— Hey qu’est-ce que vous faites ?
Je tourne la tête de l’autre côté pour y découvrir Blake, son appareil photo à la main, se mettant dans la même position que nous.
— Quelle chanson résumerait ta vie actuelle ? je lui demande.
— Excellente question Ivy. Hmm je dirais… « Hips don’t lie » de Shakira.
— T’es sérieux ? soupire Alex.
— Evidemment ! Tu n’as aucune idée de ce que ces hanches peuvent faire, répond-il sérieusement.
J’éclate de rire.
— Je ne veux pas savoir, marmonne Alex. Tu n’avais pas un rendez-vous ce soir ?
— Si, je ne vais d’ailleurs pas tarder à y aller.
— Blake a, ce qu’on appelle, une fille dans chaque port. En l’occurrence dans chaque ville, m’explique Alex.
— Oh. Effectivement tes hanches ne doivent pas mentir alors, je ris.
— Mais attention toujours les mêmes, nous nous voyons une fois par an.
— Quel romantisme, j'ironise.
— Ha vous voilà !
Nous tournons tous les trois la tête, en même temps vers Aaron.
— Qu’est-ce que vous faites dans cette position ?
— Je les ai trouvés comme ça, j’ai juste suivi le mouvement, lui explique Blake. Tu devrais essayer c’est assez confortable.
Il secoue la tête et s’installe normalement, le dos appuyé contre le rideau de fer.
— Que fais-tu ici ? lui demande Alex.
— Tu n’avais pas un rendez-vous coquin avec Stacy ? enchaine Blake.
— Qui est Stacy ? je continue.
— Ma petite-amie. Je suis venu parce que tu ne réponds pas au téléphone Alex !
— Je ne l’ai pas avec moi.
— Richard voudrait te voir. Comme tu ne répondais pas il m’a appelé.
— Ok. Tout le monde debout on y va ! déclare Alex en se levant.
Nous nous exécutons. Je ne suis pas très bavarde sur le chemin du retour. Les garçons discutent entre eux, je préfère rester en retrait. Une fois à l’hôtel Blake part à son rendez-vous et Aaron retourne à ses affaires dans sa chambre. Mon père est dans le hall en train d’attendre Alex. Je me tourne vers ce dernier.
— N’oublie aucun détail surtout, dans ton rapport à mon père, je précise en voyant son regard perdu.
— Ivy…
— Laisse tomber.
Je tourne les talons et me dirige vers l’ascenseur. Je ne suis pas naïve au point de croire qu’il veut le voir pour parler boulot, si tard. Il a même dû l’aider pour avoir les autorisations de la voiture et qu’on passe du temps ensemble. Mon père n’est pas un grand bavard. Il ne viendrait pas de lui-même me demander comment je vais après la bombe qu’il m’a lâché hier. Alors autant envoyer Alex en première ligne et récolter les informations. Je ne leur en veux même pas. Car pour la première fois depuis longtemps je m’endors le cœur un peu moins lourd.
8 commentaires
Miladie Delvreau
-
Il y a un an
NC_Azalea
-
Il y a un an
NC_Azalea
-
Il y a un an
NC_Azalea
-
Il y a un an
NC_Azalea
-
Il y a un an
NC_Azalea
-
Il y a un an
NC_Azalea
-
Il y a un an
Diane Of Seas
-
Il y a un an