Fyctia
Chapitre 9.2
J’essaie de héler un taxi mais apparemment ça ne court pas les rues devant les restaurants de luxe. Mon père me rejoint et me force à me tourner vers lui.
— Ivy ! Reviens immédiatement à l’intérieur ! Nous n’avons pas fini cette conversation !
— La conversation est terminée. J’apprends dans la même soirée que tu as quelqu’un dans ta vie et que de surcroit elle est enceinte, excuse-moi de ne pas sauter de joie. Je devrais déjà m’estimer heureuse que tu ne m’aies pas annoncé ça le jour de son accouchement.
— Tu as traversé une période difficile, je ne voulais pas te brusquer, se justifie-t-il.
Un taxi s’arrête pile à ce moment-là, dieu merci.
— Laisses tomber, j’espère que ce sera un garçon, tu t’en préoccuperas peut-être plus que de ta fille.
Je m’engouffre dans le taxi toujours abasourdi. Arrivée dans le hall de l’hôtel j’appelle ma mère, il est tôt à Londres mais là il faut que je lui parle. Elle répond d’une voix ensommeillée et un peu inquiète.
— Ivy tout va bien ?
— Elle est enceinte, je réponds simplement.
— Qui ça chérie ? demande-t-elle perdue.
— La nouvelle femme de papa !
— Oh… Tu as rencontré Bianca.
— Evidemment que tu sais qui c’est. Je suis clairement la dernière roue du carrosse de cette famille, j’enrage en faisant les cent pas dans le hall.
— Je ne savais pas qu’elle était enceinte, me contredit-elle.
— Elle a 36 ans, elle a 17 ans de moins que papa c’est ridicule.
— Calme-toi Ivy.
— Ce n’est pas à l’âge où je devrais moi-même envisagé d’avoir des enfants que je dois devenir grande sœur ! je continue.
Ma mère continue de me raisonner, mais je ne veux rien entendre. Lorsque je raccroche, je pars m’installer au bar, je dépose mon sac et mon téléphone sur le comptoir avant de commander un verre de vin. Ça me détendra et avec un peu de chance j’arriverai à dormir d’une traite. Je savoure mon vin dans le silence, la conversation des clients est feutrée et un homme joue du piano un peu plus loin dans la salle, c’est assez reposant. Mon téléphone se met à sonner, le nom de mon père s’affiche, je ne réponds pas. Je mets ma tête entre mes mains et essaie de respirer calmement, voulant à tout prix éviter une crise d’angoisse. Après une nuit de merde et une journée à bosser, il ne me manquait plus que ça pour terminer la soirée. 1, 2, 3 inspire, 1, 2, 3, expire, je répète ça plusieurs fois. Je relève la tête lorsque je sens une présence à mes côtés et découvre Alex qui me fixe. Mon téléphone se remet à sonner, je raccroche et le met sur silencieux. Je n’ai pas la patience, pas ce soir.
— Est-ce que ça va ?
— Oui.
— Tu veux en parler ?
— Non.
Toujours faire bonne figure. Alors c'est ce que je fais. Je lui offre même un petit sourire, histoire qu’il ne s’inquiète pas trop.
— J’ai rencontré Bianca. Je suppose que tu la connais.
— Je la connais depuis longtemps, on a commencé pratiquement en même temps. Elle s’occupe principalement des interviews pour la télévision espagnole. Elle n’est pas méchante.
— Beaucoup trop enthousiaste pour moi.
— Je suis enthousiaste aussi.
— Je sais, tu m’agaçais d’ailleurs quand je t’ai connu.
— Ravi de l’apprendre, rit-il.
— Je me fiche que mon père refasse sa vie, c’est juste que… je m’arrête ne sachant pas trop comment finir cette phrase.
— Que quoi ? insiste Alex.
— Rien, ça m’a juste fait beaucoup d’information à assimiler. Je n’ai pas beaucoup dormi, je suis fatiguée et je ne m’attendais pas à ça c’est tout.
Je n’ose pas lui dire le fond de ma pensée, la vérité c’est que mon père n’a jamais vraiment pris la peine de me connaitre, alors oui je n’ai jamais manqué de rien et oui je pense qu’il m’aime à sa manière mais nous n’avons jamais été proches. La seule chose qui nous rapproche vraiment c’est la Formule 1. Peut-être que si j’avais été un garçon nous aurions été plus proche ? Je ne sais pas et je ne le saurais jamais.
— Il faut bien avouer que ton père est beau-gosse, rit-il pour détendre l’atmosphère.
— Je te demande pardon ? Tu crush sur mon père ? Je ne savais pas que tu avais changé de bord.
— C’est pas moi qui le dis mais internet !
— Oh… Bizarrement mon algorithme n’est pas sur la même longueur d’onde que toi.
Il dégaine son téléphone et me montre des montages vidéo de mon père, musique sexy et tout le reste. A la troisième vidéo j’abandonne.
— Je crois que je vais vomir, je lui dis en lui rendant son téléphone.
Il sourit et range son téléphone dans sa poche. Il appuie sa joue sur son poing et m’observe.
— Tu veux bien m’en parler ?
Je comprends tout de suite de quoi il veut parler. Et il est hors de question que j’en parle avec lui, ni avec personne d’ailleurs. Je ne veux pas qu’on s’apitoie sur moi. « La pauvre si jeune », « à ta place je ne sais pas comment j’aurais pu faire » « tu verras avec le temps ça va aller, tu es jeune tu referas ta vie » tant de phrases déjà trop entendus. Je déteste ça. Tant de banalités sortie lorsque les gens sont mal à l’aise et ne savent pas quoi dire, je préfère qu’ils ne disent rien. Je ne veux pas qu’une de ces banalités sorte de la bouche d’Alex, pas lui.
— Ne gâche pas tout s’il te plait, je réponds en faisant la moue.
— Ok, me dit-il à contrecœur. Je veux juste que tu saches que si tu veux en parler je suis là !
— Merci mais non merci !
Je me lève de mon tabouret tout en récupérant mes affaires, puis file vers les ascenseurs, Alex sur mes talons. Arrivés à l’étage, je me tourne vers lui juste quand il déverrouille sa porte.
— Merci. Pour ce soir, je précise.
— Quand tu veux. Ça te dirait de faire un truc demain en fin d’après-midi ?
— C’est-à-dire ? je demande suspicieuse.
— Une surprise !
— Je déteste les surprises, je grimace.
— Ok, je passerais te chercher ! m’impose-t-il comme si je n’avais rien dit.
Je lève les yeux au ciel et rentre dans ma chambre, il n’a pas changé ! Une fois dans mon lit, je me rappelle du jour où tout a changé entre nous. Le jour où j’ai compris que j'étais foutue ! Qu’Alexander Anderson était plus que mon ami.
3 commentaires
Carl K. Lawson
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Il y a un an
Miladie Delvreau
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Il y a un an