Fyctia
Chapitre 9.1
Ivy
Mercredi 15 juin 2022
Montréal, Canada
Musique à fond dans les oreilles, je cours à m’en brûler les poumons, sur le tapis de la salle de sport. Je n’ai pratiquement pas fermé l’œil de la nuit. Réveillée depuis 4 heures du matin après avoir rêvé de Logan. J’ai cogité dans mon lit le reste de la nuit, essayant des exercices de respiration pour arrêter mes angoisses. Dès qu’une heure décente est arrivée, j’ai foncé à la salle. Je baisse l’intensité du tapis avant de l’arrêter complètement et regarde autour de moi. Plusieurs pilotes s’entrainent, c’est jour de musculation apparemment. Marco est là, je reconnais Nicolas, un pilote français, mais aussi Juan, le premier coéquipier d’Alex en Formule 1, ils sont restés amis depuis. J’adore Juan, il a toujours été tellement gentil avec moi. Dans le fond de la salle je vois Alex et mon père en train de soulever des poids et discuter à voix basse. Mon père s’entretient, c’est un sportif. Il est assez grand, brun et des yeux marrons comme les miens. Mis à part la taille, je lui ressemble, j’aurais préféré prendre le côté méditerranéen de ma mère mais je reste un pur produit anglais avec mon teint laiteux. A son grand damne je n’ai jamais été très sportive, plus jeune, tout ce que je voulais c’était faire du théâtre et rêver dans mon monde. Je me suis mise à la course que bien plus tard, lorsque j’ai enfin compris que ça me vidait la tête. Avant ça, le sport était une torture pour moi.
— Jolie course, me sourit Juan lorsque j’enlève mes écouteurs.
— Je pratique souvent, je souris en retour.
— Ca faisait un bail Ivy, je suis content de te revoir.
— Oui, il faut croire que je suis de retour…
— J’en ai entendu parler.
Je sais qu’il sait, je le vois à son sourire, mais je fais comme si de rien n’était et lui demande des nouvelles de sa femme et ses enfants. Juan a changé d’écurie il y a quelques années, lorsqu’il a compris qu’Alex devenait petit à petit le pilote numéro un. C’est comme ça que ça se passe dans le sport de haut niveau, si tu ne conviens plus on te remplace. Cette fois-ci c’est Juan qui a décidé de partir pour découvrir autre chose. Nous discutons de tout et de rien pendant un petit moment, lorsque je vois mon père s’approcher de moi.
— Ivy serais-tu disponible pour diner avec moi ce soir ?
Diner ? Avec mon père ? Qu’est-ce qu’il lui prend ? Notre dernière entrevue ne lui a pas suffit ? Il a attendu que je sois entourée pour m’inviter. Il sait très bien que je suis trop polie pour dire non devant tout le monde. Je ne veux pas passer pour la petite ingrate de service qui refuse un diner avec son père alors que ce dernier la fait voyager aux quatre coins du monde. Je ravale ma fierté et tente même un sourire.
— Oui je suis disponible, envoie moi un message pour me dire où et à quelle heure. Excusez-moi je dois aller me doucher et travailler. A bientôt Juan.
Je salue les autres et file tout droit dans ma chambre. Après une bonne douche, je récupère mes affaires, m’installe sur le petit bureau de la chambre et me mets au travail, je dois bientôt rendre la traduction alors il va falloir m’y mettre. Je passe la journée sur mon ordinateur, j’ai bien avancé. Mon père m’a envoyé un message me donnant l’adresse du rendez-vous, après avoir jeté un coup d’œil à l’heure, je commence à me préparer, j’y vais un peu à reculons. Il est toujours temps d’annuler non ? Cette idée est ridicule si j’annule maintenant il serait capable de venir me chercher directement. Malgré le mois de juin bien entamé, il fait toujours frais le soir à Montréal. J’enfile un pull manche longue, un jeans et des boots à talons. Je récupère mon gilet et c’est l’âme en peine que je me dirige vers le restaurant. Je ne suis clairement pas dans un fast-food. Grands lustres, comptoir en marbre, moulures au plafond, ambiance feutrée et un maitre d’hôtel qui me regarde comme si je m’étais perdue. Tout ce que je déteste. Il m’accompagne jusqu’à la table où se trouve mon père et une femme que je ne connais pas. Ça commence bien. Après m’être installée, j’observe l’inconnue assise à côté de mon père. Cheveux longs bruns, yeux marrons, teint mat, une belle femme. Je détourne le regard lorsque le maitre d’hôtel me demande si je veux mettre mes affaires au vestiaire, j’insiste pour les garder avec moi. Cette soirée est déjà une torture, je ne sais même pas quoi dire.
— Je suis content que tu sois là Ivy. Je voudrais te présenter Bianca, ma compagne.
Je ne m’attendais pas à ça, depuis combien de temps sont-ils ensemble ? Pourquoi est-ce que je ne suis pas au courant ? Elle a quoi ? 30 ans ?
— Je suis ravie de te rencontrer Ivy, j’ai tellement entendue parler de toi, s’enthousiasme Bianca.
— J’aurais aimé en dire autant mais je n’ai jamais entendu parler de toi. Désolée, je réponds pas du tout désolée.
— J’attendais le bon moment, déclare mon père.
— Ça fait longtemps que vous êtes ensemble ? je me renseigne ignorant complètement mon père.
— Un peu plus d’un an, je suis journaliste F1, répond Bianca toujours trop enthousiaste.
— Oh…
Je suis un peu amère d’apprendre ça des mois plus tard. Pendant que je vivais la pire période de ma vie, mon père prenait du bon temps sur les circuits apparemment. C’est toujours bizarre de se dire que la vie continue pour les autres. Sauf qu’il aurait dû être là pour moi et non pas s’envoyer en l’air avec une fille plus jeune que lui. Je souris malgré tout, la soirée ne fait que commencer et je ne voudrais pas jeter plus de froid qu’il n’y en a déjà. Tout se passe relativement bien, les verres de vin ont participés à ma détente mais j’ai quand même hâte de rentrer. Mon père ne parle pas beaucoup, je sens qu’il se passe encore quelque chose mais je ne saurais mettre le doigt dessus. Un sentiment de malaise s’immisce en moi.
— J’ai quelque chose à t’annoncer, finit-il par déclarer.
— Tu es malade c’est ça ? je commence à paniquer. Je l’avais dit à Ella et elle m’avait rassuré mais…
— Non je ne suis pas malade, me coupe-t-il.
— Oh… Tant mieux, je soupir de soulagement.
— Avec Bianca, nous allons avoir un bébé ! m’annonce-t-il tout sourire.
J’en reste bouche bée, après des mois de silence entre nous, il m’annonce avoir quelqu’un dans sa vie et qu’elle est enceinte. C’est une plaisanterie ? Où sont les caméras ? Je ne trouve pas les mots, tout reste bloqué dans ma gorge, je n’ai pas envie de les féliciter. Je les regarde l’un après l’autre, un sourire crispé est pendu à leurs lèvres. Je pousse la chaise, récupère mon sac, puis je quitte la table sans un mot, encore sous le choc de cette annonce.
3 commentaires
Miladie Delvreau
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Il y a un an
Carl K. Lawson
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Il y a un an
Emeline Guezel
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Il y a un an