Fyctia
3.3. L'asphyxie
Son souffle haletant, Dréogène cherchait toujours plus d'oxygène. Dans un dernier espoir, elle s'agrippa au bras de son interlocuteur.
« Restez avec moi, concentrez-vous. Tout ira bien. Si vous réussissez à vous calmer, ça passera en moins de cinq minutes. »
Dans un clignement de paupières, Dréogène distingua mieux son faciès. Elle distingua ses lèvres floues bouger en même temps que sa voix la rappelait à lui.
« Commencez par respirer plus lentement, prenez votre temps. Respirer aussi vite ne vous servira à rien. »
Son monologue prenait consistance. Le message qu'il véhiculait passait autant par l'intonation de sa voix que par le toucher. Ce contact créé par sa main sur son épaule lui donnait d'ailleurs un point d'attache supplémentaire dans la semi-obscurité où elle se trouvait.
« Mais circulez, il n'y a rien à voir ! »
La pénombre se mouva. Dréogène comprit qu'il s'agissait des gens autour d'elle. Son sauveur les somma de se disperser et se recentra sur elle. Sa voix devint plus douce.
« C'est ça, respirez calmement... Faites le vide dans votre tête, comptez le nombre de fois où vous inspirez et expirez... 1, 2...Non, plus lentement. 1, 2, 3... Doucement. »
Plus facile à dire qu'à faire, pensa Dréogène qui comprenait désormais l'entièreté de ses phrases. Néanmoins, sa technique fonctionnait. Sa respiration devenait plus profonde, sa vue s'ajustait. Elle avait désormais tout le loisir de détailler l'homme agenouillé devant elle. Des yeux bruns qui la sondaient avec une telle intensité... Son malaise la saisit. Elle toussa et la douleur dans sa poitrine se raviva.
« C'est bientôt fini. »
Dréogène acquiesça. Un regard autour d'elle l'informa qu'un certain nombre de personnes l'observait avec inquiétude. Elle se racla la gorge.
« Je... Je crois que ça va aller. »
Un sentiment de honte l'envahissait. Elle s'était donnée en spectacle devant tant de monde alors que sa préoccupation première était de rester la plus discrète possible. Comment ne pas la remarquer alors qu'elle faisait une crise d'angoisse en pleine rue ?
Le visage baissé, elle tenta de se lever et son sauveteur lui offrit une main stable pour l'aider. La Sen'nyu Futae profita de cet appui pour se tenir debout ; ses jambes tremblantes menaçaient de flancher au moindre pas.
« Me... Merci. Je crois que ça ira maintenant, le rassura-t-elle.
— Vous êtes sûre ? Je peux vous raccompagner si vous voulez. »
Le feu lui monta aux joues à cette perspective. Pour éviter de répondre, elle ne tarda pas à faire une tentative pour marcher. Elle se retira des bras de son protecteur mais à peine effectua-t-elle trois pas qu'elle trébucha et il la rattrapa de justesse.
« Je vais venir avec vous. »
La voix du jeune homme était ferme, tout comme sa poigne. Dréogène soupira, réduite à être une pauvre fille sans défense. Si les passants ne s'arrêtaient plus pour la jauger, elle avait désormais droit à un valeureux chevalier pour lui tenir compagnie.
« Je... Je n'ai pas spécialement envie de rentrer. », précisa-t-elle.
Ses yeux fixèrent le tee-shirt qu'il portait, de peur de croiser son regard. Sous le tissu, elle devinait sa carrure athlétique, mais elle repoussa au loin ces pensées pour attendre sa réponse. Qui tarda à venir. Ce silence entre eux augmenta son embarras. Elle devait partir. Loin d'ici, loin de ces attentions prévenantes qui pouvaient mettre à mal sa couverture. L'avait-elle oublié ? Son mot d'ordre était de rester prudente, effacée, invisible.
Garde ça bien ancré dans ta caboche !, s'admonesta Dréogène mentalement.
« On peut aller sur la plage. On est à Santa Monica, la mer est à deux pâtés de maisons. »
Surprise, la jeune femme leva les yeux. Son inconnu la gratifiait d'un sourire sincère. Pas de ces sourires francs qui résulte d'une bonne blague, mais plutôt un petit sourire en coin, prévenant, plein d'une bonne intention.
« Euh, oui, d'accord... Pourquoi pas... »
Son hésitation ne fut pas longue. Intuitivement, elle savait qu'elle aurait dû refuser, mais sa proposition était tentante. Sans oublier qu'elle ne se sentait pas capable de rester debout sans une béquille, dans l'immédiat du moins. Ainsi, le garçon lui proposa un bras pour s'y accrocher et ils marchèrent jusqu'à la plage.
Sans dire un mot, ils arpentèrent la ville jusqu'à rejoindre la côte. Son sauveur, malgré son mutisme, se montra avenant. Il récupérait Dréogène au moindre de ses faux pas, si bien qu'au fil des rues qu'ils traversaient, la jeune femme reprit en assurance. S'éloigner du club soulagea la Sen'nyu Futae et lorsque la brise saline vint souffler sur leurs visages, elle eut la sensation de se libérer de l'étau qui l'avait faite paniquer.
« J'ai dû gâcher votre soirée, je suis vraiment désolée, s'excusa Dréogène pour couper le silence.
— Non, pas du tout. Ca ne me dérange pas. Je ne vous aurais pas proposé de venir marcher sur la plage sinon. »
L'ombre d'un sourire étira les lèvres de Dréogène. Elle ne sut cependant pas quoi lui répondre, alors leur conversation resta en suspens. Leurs pas les menèrent sur le sable blanc. Le ressac des vagues chantait sa litanie pour combler ce temps mort.
« Est-ce que cela dérange si on se tutoie ? D'ailleurs, je ne me suis toujours pas présenté. Je m'appelle Tyler, et toi ?
— Pas de souci. Moi, c'est... Houna. »
Pendant deux secondes, elle avait hésité. Maintenant qu'elle avait donné le prénom de son double, elle douta. Pire, elle regretta, mais le mal était fait.
« Enchanté, Houna. Tu es ici depuis longtemps ?
— Non, je suis arrivée hier. »
Un mensonge pour une vérité.
« Et ça va, tu aimes bien LA ?
— Je ne sais pas si je vais m'y faire... ces bains de foules... ça me met un peu mal à l'aise. D'ailleurs, je ne t'ai pas encore remercié pour m'avoir aidé là tout de suite...
— Ne t'en fais pas, j'avais l'habitude d'aider ma soeur. Elle faisait régulièrement des crises d'angoisses avant. Son adolescence a été assez difficile. Le changement, les relations... Elle avait du mal à digérer tous ces chamboulements. Avec elle, c'était presque une crise par jour, si pas plus. Ca me rendait malade de la voir aller si mal. C'est fou comme une émotion peut avoir un tel impact sur notre physique. Il ne faut surtout pas que ça prenne le dessus... J'espère que tes prochains bains de foules ne te feront plus réagir comme ça, du coup. »
Sur cette dernière phrase, Tyler tourna la tête vers elle.
« J'espère aussi. C'est la première fois que ça m'arrive. Je ne réagis pas si fort d'habitude. Mais j'ai vraiment cru que j'allais y rester. Merci. »
Le jeune homme serra sa poigne sur son bras.
« De rien, quand on sait comment réagir ça va tout de suite mieux. Puis, ça pourrait arriver à tout le monde.
— Dire que je voulais devenir actrice quand j'étais petite ! Lança Dréogène pour changer de sujet.
— C'est vrai ? S'étonna Tyler avec un sourire amusé aux lèvres.
— Oui, ça me faisait rêver. Je voulais devenir célèbre, adulée... Être belle... Et aimée...
— Je te trouve très belle, moi. » La complimenta-t-il sans détour.
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