Fyctia
7.2 - Lazlo
Je souris depuis la cuisine où je suis en train de mettre les pâtes à cuire et la sauce à réchauffer. Les paris, c’était notre truc quand nous étions ensemble, nous nous lancions des défis sur tout et n’importe quoi : de la couleur des chemises du prof de maths jusqu’à la chanson suivante à la radio. Même si les enjeux étaient le plus souvent des contreparties simples comme payer le resto ou inviter l’autre pour une soirée en amoureux, nous en avons pimenté quelques-unes avec de nouvelles expériences sexuelles, agréables ou non. Dans tous les cas, cela donnait lieu chaque fois à de grosses rigolades.
Un souvenir se rappelle à mon esprit.
Une fois, en sortant du cinéma, il faisait très froid dehors, la neige avait recouvert le paysage d’un épais manteau blanc. Nous avions couru jusqu’à la voiture, pour nous mettre à l’abri. Malheureusement, les sièges en cuir étaient glacés et Lia claquait des dents. J’avais mis le contact pour dégeler le pare-brise et réchauffer l’habitacle. Elle s’était alors glissée sur mes genoux, le dos inconfortablement appuyé sur le volant. Ses lèvres au goût sucré de pop-corn avaient embrassé langoureusement les miennes, réveillant toutes les terminaisons nerveuses de mon corps.
— Lia, on ne peut pas… avais-je essayé de l’en dissuader. Pas ici…
— On parie ? avait-elle rétorqué.
— Vraiment ? haussais-je les sourcils, dubitatif.
Lia n’était pas du genre exprimer ses sentiments en public, j’étais surpris par son initiative, mais cela ne faisait que m’exciter davantage. Mon gentil petit chaton se transformait en tigresse, sûre d’elle.
Nos bouches se dévoraient sauvagement, tandis que les mains glissées sous les habits de l’autre nous parcourions avidement nos corps la portière s’ouvrit d’un coup. Inès, sa soeur, nous regardait, ses yeux ronds comme des soucoupes.
— Vous pouvez… Merde… Euh, désolée… Je vais… bafouilla-elle.
— Qu’est-ce que tu fais là ? lui avait alors demandé Lia.
— J’étais au bar et j’allais rentrer à pied. Quand j’ai reconnu la voiture de Lazlo allumée sur le parking, je me suis dit que je pourrais profiter du trajet.
Nous n’avons jamais retenté quoi que ce soit dans cette voiture. Il en était hors de question. Une fois nous avait suffi.
— Lay ? m’appelle Lia, me reconnectant avec la réalité.
— J’étais perdu dans mes pensées, m’excusé-je.
— Je vois ça.
— Bon, et tu veux parier quoi, dis-moi ? l’interrogé-je, amusé.
— Humm, vu que je suis sûre de gagner, un resto ?
Voilà qui devient intéressant, cela veut dire que je vais forcément la revoir.
— Ça marche. Alors, que penses-tu que j’aie cuisiné ?
— Si mes souvenirs sont bons, le roi du mojito est souvent suivi de l’empereur des spaghettis bolo. Vrai ou faux ?
Et merde. Je suis si prévisible que ça ? Moi qui imaginais l’épater.
— Ne t’en fais pas, je l'ai adore, si la recette est toujours la même, me rassure-t-elle.
— Sachant que je cuisinais pour toi, aucune raison de la changer.
Je lui amène un deuxième verre et la regarde le porter à ses lèvres et en boire une gorgée. Elle l’avale doucement et cette vision me crée des palpitations. Cette nana, je l’ai dans la peau. Je ne sais même pas comment j’ai pu me persuader du contraire.
— Alors, comment il est ? m’enquis-je, d’une part curieux et d’autre part pour relancer la conversation qui semble avoir du mal à débuter.
— Comme dans mes souvenirs, rougit-elle.
Je vois bien qu’elle est gênée de se trouver ici, seule avec moi, après tout ce qui s’est passé.
— Tu me manques, lâché-je, sans réaliser la bombe que je viens de lancer.
Elle me fixe, l’air incrédule, mais une lueur familière éclaire son regard. Tout n’est peut-être pas perdu finalement.
— Oui, autant jouer cartes sur table, avoué-je. Je t’ai expliqué l’autre soir pourquoi je suis parti. Mais me retrouver ici, à te côtoyer tous les jours, sans pouvoir t’approcher, c’est un supplice.
— C’est pourtant ta faute, déclare-t-elle simplement.
— Je le sais, mais si j’ai ne serait-ce qu’une infime possibilité de réparer les pots cassés, j’aimerais tenter.
Je la vois terminer son verre, elle l’a bu tellement vite que je sens à quel point cette situation la met mal à l’aise.
Je décide de finir l’apéro avec des sujets plus légers comme la fin de ses études, sa famille, la mienne, notre spectacle…
On a vraiment beaucoup de choses en commun, j’avais oublié à quel point nous étions fusionnels. Mais en l’écoutant me parler, mon esprit est court-circuité de flash-back de nos étreintes passées.
Au moment où je termine mon verre, je lui propose de passer à table, et là nous continuons d’aborder des sujets simples comme nos anciens amis.
— Tu en côtoies toujours certains? la questionné-je.
— Non, je n’étais proche que d’une seule personne, rétorque-t-elle. Même d’elle je n’ai pas eu de nouvelles jusqu’à récemment.
Je sais qu’elle parle de moi, je préfère ne pas m’attarder sur ce sujet.
— Et Clara et Dylan, il paraît que la reine et le roi du bal de promo se sont mariés? dévié-je la conversation.
— Mariés, et divorcés, lâche-t-elle. Il lui a demandé de l’épouser quand il a appris qu’elle était enceinte. Tu vois le cliché ?
— Tout à fait, la fille la plus populaire avec le capitaine de l’équipe de foot. Vu ce qu’il m’a fait subir, tu m’excuseras de ne pas le plaindre, ironisé-je.
Ma remarque jette un blanc. Les petites frappes du lycée trouvaient amusant de s’en prendre à moi. C’est vrai qu’en tant que passionné de danse, j’étais loin de faire l’unanimité auprès de la gente masculine. Lia a été mon roc, celle vers qui je me suis tourné à chaque fois que je doutais. C’est grâce à elle si j’en suis là aujourd’hui.
Elle n’ajoute rien et termine son assiette sans dire un mot.
Je suis tout de même content de ce moment passé à ses côtés.
— On peut mettre un peu de musique ? me demande-t-elle, brisant le silence devenu lourd.
— Évidemment, mais je pensais que tu en écoutais assez la journée, la taquiné-je en connectant mon téléphone à l'enceinte.
— Tu parles, c’est la même qui passe en boucle toute la journée. Le soir, j’aime mieux me défouler sur de la pop ou exécuter quelques pas de danse de salon.
— Tu as continué ? demandé-je, étonné.
— Non, j’ai essayé pourtant. Mais je continue de pratiquer pour ne pas perdre mes acquis. Ils sont souvent utiles. Je n’ai pas pu me résoudre à trouver un nouveau partenaire.
— Voyons si tu maîtrises toujours aussi bien !
Je lui tends la main, mais je la sens hésiter avant de se résigner.
— Oh et puis pourquoi pas ! l’entendis-je marmonner pour elle-même.
Je lance LA playlist. Celle sur laquelle on aimait se déhancher et que j’ai toujours gardée malgré les années et la distance. Elle sourit en glissant ses doigts dans ma paume. Et c’est reparti, comme si nous nous étions quittés la veille. Chacun de nos pas est sûr et assuré. Je retrouve les sensations que rien ni personne, exceptée celle qui se trouve dans mes bras en cet instant, ne sait me faire ressentir. La chanson se termine trop vite, et mu par un vieux réflexe, je me penche sur elle.
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Roselyne Simone Paquier
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Il y a 3 ans
Gilles
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Il y a 5 ans
Charlie L
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E.S Line
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Sand Canavaggia
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Il y a 5 ans