Fyctia
Chapitre 4.1 - Eliora
Je n’en peux plus. Bientôt une semaine que je dois éviter de le croiser. Lui ne m’épargne pas, les regards, les œillades, il essaye même de me croiser dans les couloirs. Lui échapper devient de plus en plus difficile.
— Tu es encore dans la lune Eliora, me reprend Al pour la quatrième fois ce matin. On a déjà fait une pause alors concentre-toi.
Le problème est bien là, à la pause où on s’est tous retrouvés pour se rafraîchir et boire un peu d’eau, comme d’habitude, le regard de Lazlo m’a brûlé la nuque. Je ne peux pas nier les sentiments que j’ai pour lui, par contre je ne suis pas encore prête à lui pardonner. Ma sœur a sûrement raison : j’en fais une montagne au lieu de me réjouir de son retour, mais non. La déception que j’ai ressentie le jour où je me suis rendu compte de son abandon est toujours là. Le souvenir des appels où la voix d’une femme m’indiqua que « Le numéro que vous avez demandé n’est plus en service ! », les emails où la seule réponse étaient le message automatique « L’adresse indiquée n’est pas correcte », ou encore les recherches infructueuses sur les réseaux sociaux… J’ai même tenté d’écrire une lettre, mais elle m’a été retournée pour « Destinataire n’habitant pas à l’adresse indiquée ». Toutes ces tentatives avortées ont fait naître une rancœur dont je n’arrive pas à me défaire.
— Eliora, on reprend si tu veux bien ! On a vraiment beaucoup de travail, s’impatiente Al.
Mon partenaire, lui aussi, semble agacé.
—Pardonnez-moi, je suis à vous, m’excusé-je.
Le reste de l’après-midi se passe bien, je suis déterminée à réussir cet enchaînement un peu complexe, en revanche tellement joli s’il est bien exécuté. Je sais que nous avons du temps devant nous, mais plus vite les chorégraphies seront apprises, plus vite nous passerons au perfectionnement. C’est drôle, mais c’est la partie que j’adore. Faire et refaire jusqu’à atteindre la perfection. Pour des professionnels tel que nous, cette recherche de l’excellence est salutaire. Plus les pas sont répétés et rabâchés, moins le trac a d’emprise lors des prestations. Il ne faut pas se le cacher, il est toujours là, sauf que si notre corps se meut tout seul par habitude, il y a moins de risque qu’il arrive le trou noir si redouté par toutes les personnes travaillant sur une scène.
— Bon travail, nous félicite Al en fin d’après-midi. Rafraîchissez-vous, car vous êtes attendus dans dix minutes dans la grande salle. On a une annonce à vous faire.
— Une annonce ? s’étonne John.
— Oui, mais vous devrez patienter car même moi, je n’en sais pas plus, ricane Al.
Je lève les yeux au ciel. Si Al n’est pas au courant, c’est qu’il s’agit d’une annonce de Lazlo. De toute façon, on ne nous a pas demandé notre avis, on doit y aller.
Avant de sortir, Al se tourne vers moi :
— Je suis content de voir que tu arrives à te reprendre. Je ne sais pas ce qui te tracasse en ce moment, mais il va vite falloir résoudre ce point. Je ne peux pas me permettre de passer trop de temps à attendre que tu sois dans de bonnes dispositions.
— Je suis désolée, ce n’interfèrera plus dans mon travail, lui promis-je.
Je passe en vitesse aux vestiaires, et je me dirige vers la grande salle, en même temps que le reste de la troupe. Ne sachant pas ce que nous devons faire, nous restons plantés devant la scène comme des piquets. On dirait qu’on est piégés à voir nos têtes. Cette réflexion me détend et réussit même à me faire sourire.
Lazlo fait son apparition rapidement, et se poste sur les planches.
— On dirait des brebis égarées, se moque-t-il. Asseyez-vous, j’ai quelque chose d’important à vous annoncer.
Tels les gentils moutons que nous sommes, nous nous installons dans les gradins.
— Parfait, reprend-il. Vous ne le savez sans doute pas, mais lorsque je fais partie d’un groupe comme le nôtre, je dirais presque d’une famille, j’aime resserrer les liens. C’est pourquoi, à la fin du mois, je vous propose de participer à une activité hors du théâtre, tous ensemble.
Des murmures commencent à se faire entendre dans les rangs.
— Je ne parle pas d’un scrabble ou d’un ciné, mais d’une vraie journée d’activités sportives, et pas que. Qui est partant ?
Chacun regarde les autres pour voir qui va oser se lancer. Perso, je trouve que c’est une très bonne initiative, or je refuse de me mettre en avant sur ce coup-là. Surtout pour lui.
La rousse du premier rang lève la main, suivi de ses voisins et de la quasi-totalité du groupe. Je me joins à eux, espérant en apprendre plus sur cette fameuse journée.
— Eh bien, je suis content de voir votre enthousiasme. Je vous donnerai plus de précisions dans la semaine à venir, le temps de boucler toute l’organisation.
Sur ce, il s’en va en nous laissant tous en plan dans la salle. Ça lui ressemble tellement que je ne suis même pas choquée. Je suis la première à prendre mes affaires, et à me lever pour rentrer chez moi. La journée a été longue et celle de demain ne s’annonce pas plus calme.
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Roselyne Simone Paquier
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