Fyctia
1.2 - Lazlo
À ce moment précis, je me rends compte que le personnage a été imaginé en pensant à elle et à personne d’autre : Lia, ma Lia. Mon amour de jeunesse. Nous avons grandi ensemble, vibrant pour la même passion et poursuivant le même rêve.
Nous étions les meilleurs amis du monde, avant de tomber amoureux et d’expérimenter ensemble de nombreuses premières fois. Première cigarette, nos poumons s’en souviennent encore avec la quinte de toux qu’on a eue et qui ne s’est pas améliorée lorsqu’elle s’est transformée en fou rire. Nos parents étaient furieux, nous dégagions cette odeur de tabac froid lorsque nous avons passé la porte de chez nous. Nous avions été privés de sorties pendant deux semaines. La première bière et la première cuite aussi, cette fois-là, nos boyaux ont fini sur le trottoir et la gueule de bois qui en a suivi ne laissait aucun doute sur nos activités de la veille et nos vieux ont pris un malin plaisir à tout faire pour qu’on s’en souvienne. Nos premières expériences sexuelles, nous les avons faites ensemble aussi. Je n’oublierai jamais son cri de douleur avant de mordre dans l’oreiller se souvenant que nous n’étions pas seuls dans la maison.
Pour l’université, nous avions choisi les mêmes écoles, mais le destin nous a séparés de plusieurs milliers de kilomètres. Pour ne pas souffrir du manque et de la distance, nous avons arrêté notre relation d’un commun accord. Je ne nie pas que ce fut douloureux, c’était sans doute la meilleure solution. Nous avons gardé le contact au début, mais la savoir si loin sans la voir ne fit qu’aggraver le manque. De plus, l’idée qu’elle soit avec un autre que moi me rendait fou. J’ai donc coupé les ponts et cessé de lui répondre. Pour être sûr de ne plus avoir de nouvelles, j’ai changé de numéro de téléphone, supprimé mes profils sur les réseaux sociaux et je me suis appliqué à oublier qu’elle existait. Enfin ça, c’est ce que je pensais, jusqu’à ce qu’elle se matérialise en chair et en os devant moi aujourd’hui, sous la lumière des projecteurs. Je me rends compte qu’elle est toujours présente, après toutes ces années, même mon premier spectacle a été imaginé en pensant à elle. Je ne sais pas quelle va être sa réaction lorsque je me trouverai face à elle, mais lorsque j’ai disparu de sa vie, elle m’en a voulu. C’est d’ailleurs un choc pour moi aussi de la voir ici aujourd’hui. Je ne pensais pas qu’elle ait envie de travailler avec moi après ces sept années de silence.
Je quitte les pensées qui me submergent pour revenir à la réalité. Les cinq filles retenues passent à présent en solo chacune leur tour, mais j’ai un mal fou à me concentrer. Mon esprit est embrumé et complètement retourné par l’apparition d’Eliora, ce fantôme du passé qui vient de ressurgir. Je remercie les quatre premières qui s’en vont rejoindre le reste des sélectionnées de la journée en attendant de savoir si elles passeront à l’étape suivante. La dernière danseuse s’avance et je me perds dans la contemplation de son corps qui se meut sur la scène. Ses pas sont parfaits, j’aime tout chez elle et je me demande comment j’ai fait pour me passer d’elle aussi longtemps. Comment ai-je pu croire que je réussirais à l’oublier, elle, qui fait battre mon cœur depuis le début ?
Sa performance touche à sa fin, mais je ne dis rien. Al me jette un coup d’œil, puis voyant que je ne réagis pas plus que pour les autres, il prend la parole :
— Merci mademoiselle, vous pouvez rejoindre les autres, nous n’allons pas tarder à communiquer le nom des sélectionnées.
Elle acquiesce d’un mouvement de tête et quitte la scène. Al se lève, vient à côté de moi et me claque une main derrière la tête pour me reconnecter à la réalité.
— Dis donc Lay, je sais bien que nous avons trouvé ce que nous cherchons, mais de là à bloquer comme ça sur elle, tu fous les jetons.
Qu’est-ce qu’il vient de dire ? Je tourne vivement la tête dans sa direction et le dévisage.
— Quoi ? Je ne comprends pas, m’exclamé-je.
— Putain mec, reconnecte ton cerveau s’il te plaît ! me secoue-t-il. Cette nana, en plus d’être une bombe, elle a tout ce qu’il faut dans sa manière de s’exprimer sur scène. J’avais un ou deux noms en tête de liste, mais cette femme a raflé la mise et la première place du classement. Notre premier rôle a trouvé son interprète.
— Ça me convient très bien, approuvé-je, soulagé. Tu as envie de leur annoncer ?
— On le fait ensemble, on est coéquipiers sur le projet, t’as pas intérêt à te défiler.
Il me connaît, il sait que quelque chose me perturbe, mais il a la décence de ne pas m’interroger tout de suite.
Toutes les candidates qui ont passé la deuxième phase remontent sur scène. Al prend la parole :
— Mesdames, nous sommes très satisfaits de cette journée. Vous avez toutes su nous en mettre plein la vue et nous avons déniché celle d’entre vous qui interprètera le rôle principal. Pour toutes les autres, nous vous recontacterons pour vous annoncer si vous allez ou non intégrer la troupe.
Al me lance un regard, pour que je prenne sa suite.
— Si la candidate n°198 veut bien s’avancer ! annoncé-je pendant que la jeune femme se place au centre devant les autres. Félicitations, vous obtenez le premier rôle. Mesdames, pour le reste je tiens à vous féliciter personnellement pour vos prestations, et comme l’a dit mon acolyte à l’instant, nous vous recontacterons dans les prochaines semaines.
Un brouhaha s’élève de la scène alors qu’elle se vide, laissant face à nous celle qui me hante.
40 commentaires
Roselyne Simone Paquier
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Il y a 3 ans
foreveradream
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Il y a 4 ans
Plume Jamais
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Charlie L
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Charlie L
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