Sophie F. Morvant Dimension Tome 1 : Les portails de l'Ombre Chapitre 3.3

Chapitre 3.3

La porte d’entrée s’ouvre avec fracas.


— Ohé ! On y va Abby ? lance mon amie d’une voix enthousiaste. Oh, bonjour Mme Porter !


— Bonjour Megan, dit ma mère avec un sourire aimable. Je t’ai déjà dit que tu pouvais m’appeler Rachel.


— Bien sûr Mme Por… heu… Rachel. Heu… Bonjour ! Bon on y va Abby ? demande-t-elle en me suppliant du regard tout en sautillant sur la pointe des pieds.


Ma mère roule des yeux. En général, la façon que Meg a de s’exprimer en déconcerte plus d’un. Enfin, si on peut appeler cela s’exprimer… Elle a plus tendance à gesticuler et bafouiller pour communiquer une idée qu’à formuler clairement son intention. Mais ma mère la connaît depuis toujours. Elle s’est donc habituée depuis bien longtemps à ses manières parfois loufoques. Une véritable artiste…


Je souris à mon tour. Et dire que c’est la dernière fois avant longtemps que nous nous retrouvons toutes les trois dans cette maison. Heureusement, je ne serai pas seule sur le campus. Meg sera avec moi.


Je pose mon verre et prends ma mère dans les bras. Des larmes perlent au coin de ses yeux.


— Une dernière recommandation ?


Elle recule d’un pas, me scrutant de la tête aux pieds en souriant.


— Amuse-toi, ma chérie, répond-elle spontanément avant de hausser un sourcil en regardant en direction de Meg. Éclatez-vous vraiment les filles. Mais n’oubliez jamais votre objectif. Vos priorités sont vos études.


Meg acquiesce d’un hochement de tête. Un sourire reconnaissant s’affiche sur son visage. Je souris également, observant ces deux femmes que j’aime tant, celle qui m’a donné la vie et celle qui m’a appris ce qu’était une véritable amitié.


— Et toi, ajoute-t-elle en me forçant à soutenir son regard, arrête de survivre. Recommence à vivre et profite de chaque instant qui te sera donné.


Tout cela va me manquer, mais tourner la page pour enfin avancer me permettra plus facilement de faire mon deuil. Si ma mère a su trouver une manière d’abandonner sa tristesse et sa colère à travers l’écriture, je n’ai, pour ma part, pas encore réellement trouvé le moyen d’apaiser mes émotions.


Meg saisit mon sac et ma mère emporte ma valise. Dehors, le vrombissement sourd du moteur nous rappelle qu’il est temps de partir. Dernièrement, M. Thompson a décidé de s’offrir un nouveau cadeau ; une énorme Chevrolet gris métallisé qu’il s’amuse à conduire tous les jours dans l’allée, juste pour avoir le plaisir de s’en vanter auprès de certains voisins. Mme Thompson a pensé que le trajet jusqu’à l’aéroport serait bien plus confortable dans cette voiture, raison pour laquelle nous avons finalement renoncé à prendre un taxi.


Ma mère cale ma valise dans le coffre pendant que je jette mon sac à l’arrière. Je la serre une dernière fois dans mes bras et nous profitons toutes les deux de ce dernier instant de complicité. Finalement, je me décide à monter à l’arrière de la voiture. Ma mère nous salue de la main aussi longtemps que possible jusqu’à ce que la voiture disparaisse de son champ de vision.



Arrivées devant les portes de l’aéroport, je remercie chaleureusement les parents de Meg de nous avoir véhiculées. Cette dernière étreint maladroitement sa mère qui caresse sa chevelure rouge en faisant la moue. Meg salue ensuite brièvement son père de la main et recule de quelques pas. Leur relation familiale est très différente de la mienne. Ses parents sont bien plus sur la retenue que ne l’étaient les miens. Parfois, je me dis que le cadre éducatif qu’a reçu Meg explique certaines de ses maladresses. Personne ne lui a jamais appris la confiance qu’apporte une relation familiale chaleureuse et complice. Elle ne connaît que l’autorité et la discipline. Meg a pourtant essayé d’alerter ses parents, mais le plus fort signe de rébellion dont elle a été capable jusqu’à présent a été de teindre la moitié de ses cheveux noirs en rouge.


Après un vol plutôt agréable, une navette de transit attend tous les futurs étudiants de UCLA. Le chauffeur, un petit homme rondouillard d’une quarantaine d’années, prend nos valises et les charge dans la soute. Je grimpe devant Meg. Il reste encore pas mal de places et j’en repère deux tout au fond. Une fois installées, Meg sort ses écouteurs de son sac et s’enfonce un peu plus dans son siège. Prévoyante, j’extirpe un livre du mien et le range dans la pochette devant mes genoux.


Le paysage urbain défile au rythme du trafic. Les bâtiments se ressemblent tous. Un écouteur pendouille sur l’épaule de Meg qui s’est assoupie dans son siège. Avant la fin du trajet, elle sursaute en poussant un petit cri, euphorique de voir les murs de notre nouvelle vie se rapprocher.


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