Fyctia
suite chapitre 4
— Je vais te chercher ça ! Entre !
— Ah ben, enfin…
— Fais pas chier, je viens juste de me réveiller, à cause de toi, justement !
— Ouais, j’ai l’habitude…
Je le laisse avec sa phrase en suspens et vais chercher ce qu’il vient me taxer dans le garage. Lorsque je reviens, il est installé à ma table, une bière à la main.
— Et tu comptes monter sur le toit, maintenant que tu t’es enfilé une bière ?
— Ça va, y’a pas d’alcool là-dedans…
— Ben si, justement, abruti !
— Alors viens m’aider…
— Tu crois vraiment que tu me laisses le choix, espèce d’inconscient ?
En grognant, je file vers ma chambre pour enfiler des vêtements chauds, attrape ma veste et enfile mes boots avant de revenir le chercher sur sa chaise, en l’obligeant à retourner bosser.
— Tu aurais mieux fait de manger quelque chose au lieu de boire une bière, j’aurais pu continuer à bosser, au lieu de te surveiller comme une nounou !
— Ça sert à ça, les potes !
— T’es qu’un abruti, tu le sais ça ?
— Allez, arrête d’être ronchon, la petite nana est super mignonne, ça te donnera l’occasion de la connaître.
— On s’est déjà rencontrés !
— Et ?
— Et ta gueule !
Par chance, il me connaît par cœur et ne se froisse pas quand je lui réponds comme ça. Il m’a vu changer après la mort de Jenny et ne me tient pas rigueur de mes agissements, me trouvant toujours des excuses.
Nous approchons du chalet en contrebas et, par chance, la petite voisine n’est pas là. Ce qui m’évitera, je l’espère, d’avoir à discuter avec elle !
J’installe l’échelle et le laisse monter en premier, puis je le suis de près une fois qu’il est arrivé sur le toit. Les toitures étant très pentues et ayant neigé hier, il est déjà assez aberrant d’être ici à cet instant. Et même si le taux d’alcool dans une bière est assez faible, un accident peut vite arriver, donc je préfère le surveiller de près.
Je repère déjà deux tuiles à changer, rien qu’en arrivant au niveau du faîtage. Je progresse en le suivant et, en moins de quinze minutes, nous avons repéré tous les problèmes de cette toiture. Il y a moins de travail que je ne le pensais, un simple remplacement de tuiles et un bon nettoyage suffiront pour la remettre en état.
Lorsque je jette un coup d’œil par-dessus l’échelle pour voir si Olivier est bien arrivé en bas, je remarque ma nouvelle voisine assise dans un gros fauteuil en bois.
Je passe la jambe par-dessus le barreau et commence à descendre à mon tour, jusqu’à retrouver mes deux pieds solidement ancrés au sol.
Profitant du fait qu’Olivier discute avec la nouvelle venue, je tente de m’éclipser discrètement, l’échelle sous le bras. Mais c’est sans compter sur cet abruti, qui vient vers moi pour faire les présentations.
— Alizée, je vous présente mon ami Hugo, votre voisin !
— Nous avons plus ou moins déjà fait connaissance il y a deux jours, grogné-je.
— Bonjour Hugo, me dit-elle d’une toute petite voix.
Je la regarde un instant et nos yeux se croisent, et s’affrontent en silence.
— Bonjour, grogné-je.
— Vous allez bien ? me lance-t-elle d’une voix douce, presque mielleuse.
— Ouais.
— Excusez-le, il s’est levé du pied gauche… insiste mon abruti de pote, alors que je fronce les sourcils.
— Ça a l’air récurrent… souffle-t-elle.
Je la regarde furtivement, surpris par son tacle. Mais pour qui se prend-elle, franchement ?
— Vous n’avez pas tort, lui répond-il dans un souffle.
— Je suis là, si ça ne vous dérange pas trop… grogné-je avant de leur tourner le dos.
— Attends, Hugo ! tente de me retenir Olivier.
Mais c’est peine perdue. J’attrape mon échelle et rebrousse chemin, sans plus de politesse à leur intention. Une bande de cons, voilà ce qu’ils sont tous les deux ! Mon pote, je m’y fais, mais elle, elle me semble être une vraie chieuse sous son air de petit ange. Je n’en reviens pas qu’elle ait osé ! Elle ne sait rien de moi ! Elle n’a pas à me juger ! Et puis, je l’emmerde cordialement ! Pour qui se prend-elle, sérieusement ?
Le son de leurs voix s’estompe tandis que je remonte le chemin, avant de m’enfermer à double tour dans mon antre pour le reste de la journée.
Mais la colère monte en moi, crescendo, et j’aurais bien envie d’envoyer tout ce petit monde se faire foutre profondément ! Je me mords l’intérieur des joues pour tenter de contenir mes émotions, et je lutte contre moi-même alors que je traverse ma maison pour ranger l’échelle dans le garage, histoire de ne pas planter un coup de poing dans une de mes cloisons.
Je rebrousse chemin jusqu’à la cuisine, où je saisis la bière qu’il a laissée, comme un cadavre échoué, sur la table. Je la jette sans hésiter, avant de me remettre à bosser sur mes figurines, histoire de me changer les idées. Il me reste encore trois plateaux à peindre et seulement trois jours avant de les expédier.
Grâce à mon organisation, je parviens à me tempérer et à redescendre progressivement dans mes émotions, pour éviter de vriller en retournant là-bas et leur faire part du fond de mes pensées.
Je réagence mon plan de travail avant d’attraper le premier plateau. Par chance, je ne bosse pas ce soir pour la mairie, ce qui me permet de m’y consacrer pleinement et d’avoir la tête dans le guidon.
Les heures passent à une vitesse folle quand je prends autant de plaisir à créer. Voir mes œuvres prendre vie est une sensation incroyable. Je n’ai jamais envie de m’arrêter et je suis gonflé de fierté en les voyant terminées. J’ai l’impression de laisser mon empreinte sur ce monde, en me disant qu’elles seront exposées pendant de longues années.
Mais la faim et la fatigue me forcent à m’arrêter, alors que la nuit est déjà tombée depuis un bon moment.
J’attrape mon téléphone qui a vibré tout à l’heure, à cause d’un message d’Olivier que je n’ai pas pris la peine de lire avant. En cuisinant, j’y jette un coup d’œil et découvre qu’il me traite de vieil Hermite débile et aveugle. Qu’il aille bien se faire foutre ! Je suis toujours en colère et la rancune est mon deuxième prénom. À croire que la voisine lui a tapé dans l’œil. Grand bien lui fasse, qu’il s’occupe de la touriste et qu’il me lâche la grappe le temps que je me calme.
Soit dit en passant, je comprends qu’elle lui plaise. Après tout, je ne suis pas aveugle ! Si je mets de côté ma colère après son tacle de tout à l’heure, je dois reconnaître qu’elle n’est pas trop mal…
On ne croise pas souvent de beauté comme la sienne dans le village. Cette petite femme aux grands yeux noisette, avec un visage de poupée et de longs cheveux ondulés qui lui descendent jusqu’à sa taille fine…
Je me perds dans mes pensées, mais je fronce soudain les sourcils, me sentant mal à l’aise à l’idée d’être potentiellement attiré par cette inconnue, alors que je ne le devrais pas !
Je repense à son regard de tout à l’heure… et je ne sais même pas pourquoi je repense à ça ! Pourvu qu’elle retourne chez elle !
4 commentaires
Audrey Soavi
-
Il y a 12 jours
Sarael
-
Il y a 13 jours
Pellecuer
-
Il y a 16 jours
NICOLAS
-
Il y a 16 jours