Fyctia
fin chapitre 3 // J-21
Je ne sais pas si revivre tous ces souvenirs est bénéfique… Ils me font tellement mal. Mais c’est plus fort que moi… La moindre chose que je vois, que j’entends, que je sens, tout me ramène à eux.
J’aimerais qu’un jour ces souvenirs deviennent plus doux, que la souffrance s’estompe. J’aimerais pouvoir me les remémorer sans ressentir cette oppression, sans avoir l’impression que mon cœur est pris en étau. Je voudrais pouvoir sourire en repensant à tous ces moments merveilleux que nous avons partagés.
C’est en pensant à eux que je sombre sur le canapé, devant ce film de Noël que j’ai déjà vu une centaine de fois…
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J-21…
Hugo
Minuit marque la fin de ma journée, celle de mon contrat municipal. Les illuminations scintillent dans le village, me rappelant que le compte à rebours est lancé, tandis que je ferme le hangar. Chaque jour, mon cœur se serre un peu plus sous la douleur de son absence. Et avec tout ça, c’est encore pire…
Même travailler vingt heures sur vingt-quatre n’y change rien. Elle est en moi, ancrée profondément, et cette douleur ne cesse de grandir.
Je marche dans les rues froides et désertes, les premiers flocons virevoltant autour de moi. J’aime ce calme qui envahit chaque recoin de la place, où seuls mes pas viennent briser le silence. Je quitte le village, me dirigeant vers ma rue pentue, pour rejoindre mon chalet, toujours dans l’obscurité. Alors que j’approche de la maison précédent la mienne, j’entends un rire cristallin s’élever vers le ciel.
Je tourne la tête vers la voix, plissant les yeux, et je reste là, caché dans l’ombre de cette nuit, observant cette scène… Sans bouger, sans respirer, de peur de briser cet instant de bonheur que vit ma nouvelle voisine.
Je la vois tournoyer sur elle-même, les bras grands ouverts, tandis que les flocons tombent de plus en plus intensément. Je fourre mes mains dans mes poches pour ne pas risquer de perdre un doigt dans ce froid glacial, attendant qu’elle rentre, afin de pouvoir enfin rejoindre mon chalet.
Je n’ai aucune envie de lui parler, aucune envie d’être poli.
Que pourrais-je bien lui dire, de toute façon ?, « Waouh, j’ai adoré vous entendre rire » ?, « Vous avez l’air heureuse » ?, « La neige est froide » ?… Que de la merde ! Je préfère rester silencieux.
Puis je la vois lever la tête vers le ciel et, instinctivement, je l’imite, comme s’il y avait quelque chose de plus à voir que ce ciel nuageux. Soudain, une porte s’ouvre et elle disparaît à l’intérieur.
Je soupire, car quelque part, j’ai aimé être témoin de ce moment. J’aurais peut-être secrètement aimé qu’il se prolonge… Mais en y repensant, je me sens mal à l’aise d’avoir été une sorte de voyeur, tapi dans l’ombre. Et je n’aime pas ça.
Je prends ma lampe de poche, l’allume, et remonte jusqu’à chez moi, essayant d’oublier tout ça.
Profitant de l’énergie qu’il me reste, je fais ma séance de sport, pour me vider la tête, avant de filer sous la douche. Une fois mon bas de jogging enfilé, je charge la cheminée de gros morceaux de bois avant de me diriger vers la cuisine pour me préparer un repas sympa.
Il me reste quelques jours pour terminer les figurines et les déposer au relais le plus proche, afin que mes clients les reçoivent avant Noël. À cette période, mon site explose, mais je ne propose que quelques pièces. Dès que le nombre de commandes atteint ma capacité maximale, je passe tous les articles en « indisponible », car je ne veux pas faire du travail à la chaîne et je n’ai aucune intention de m’agrandir. Si je fais cela, c’est certes pour l’aspect financier, mais surtout par pur plaisir.
Alors que mon repas mijote tranquillement, j’organise mon poste de travail, sortant ma peinture et mes ustensiles pour avancer mes créations. Je dispose les répliques similaires les unes à côté des autres sur un plateau, et un plateau pour chaque série. De cette manière, j’optimise à la fois mon temps et mes fournitures.
Lorsque le timer sonne, je me sers une grande assiette et m’assois devant la télé pour continuer à regarder ma série tout en dégustant mon repas.
Je m’accorde un moment de pause bien mérité et sombre avant même d’avoir commencé à travailler. Une petite heure plus tard, alors qu’une publicité passe à fond, je me réveille, pose enfin mon assiette que je tenais encore sur moi, et me lève. Je range la cuisine et, profitant de ce regain d’énergie, je me mets enfin au travail.
Il me faut environ deux heures pour peindre chaque figurine si je les fais de façon individuelle, mais en procédant ainsi, j’économise environ trente minutes par figurine, ce qui n’est pas négligeable.
Lorsque j’arrive à la fin des cinq premières, il est autour de dix heures du matin et je suis épuisé. Mon cerveau n’arrive plus à rester concentré et j’ai besoin de dormir avant de pouvoir continuer.
Je rince mes pinceaux, nettoie ma palette et les laisse sécher pour plus tard. Je remets du bois dans la cheminée et vais me coucher.
Je me réveille quatre heures plus tard, tiré de mon sommeil par des bruits venant de l’extérieur. Par chance, cette fois, rien de trop bruyant, juste suffisamment pour m’empêcher de me rendormir.
Je regarde par la fenêtre et aperçois la camionnette d’Olivier garée dans le jardin de la voisine. D’un côté, ça me fait plaisir de le voir attaquer ce chantier, ça me soulagera les yeux quand la maison sera enfin rénovée. Mais, d’un autre côté, j’espère que la voisine a bien des économies, parce que ça risque de lui coûter un bras, un rein et une partie de ses nuits… Je rigole tout seul à cette perspective, car peut-être, je dis bien peut-être, que ça la dissuadera de rester ici, et que je pourrai enfin retrouver un peu de tranquillité.
Je me dirige vers la cuisine pour me préparer quelque chose à manger, quand soudain, j’entends frapper à ma porte.
Et merde… Il ne manquerait plus qu’elle débarque…
Je traverse la maison, les sourcils froncés.
— Qu’est-ce que tu fous là ? je dis en ouvrant la porte sur mon ami.
— Sympa l’accueil, vieil Hermite !
— Je pensais que tu bossais plus bas !
— C’est le cas, mais j’ai besoin que tu me dépannes…
— Dis-moi tout.
— Tu pourrais me prêter ton échelle, s’il te plaît ? La mienne n’atteint pas la toiture et je dois vérifier les dégâts là-haut…
— Tu es sûr que c’est réglementaire ?
— Non, mais je n’ai pas le temps de monter un échafaudage juste pour un contrôle.
4 commentaires
Pellecuer
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Il y a 16 jours
Laetitia B
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Il y a 16 jours
NICOLAS
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Il y a 16 jours
Vana Aim
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Il y a 16 jours